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mercredi, mai 8, 2024

Répression des libertés et dictature en Algérie : le témoignage émouvant de la fille du défunt Abdelkader Alloula

C’est un témoignage intense, écrit avec les tripes, qui inspire beaucoup de respect. Un témoignage qui dévoile aussi l’ampleur dramatique da la répression des libertés publiques en Algérie depuis le début de la crise sanitaire du coronavirus COVID-19. La fille du défunt dramaturge et metteur en scène Abdelkader Alloula, assassiné en mars 1994 à Oran à la suite d’un attentat terroriste, a publié sur sa page Facebook le récit qui décrit son arrestation musclée et les intimidations qu’elle avait subi pour avoir tout simplement participé à un rassemblement pacifique le 8 octobre dernier au centre de la ville d’Oran afin de dénoncer le féminicide terrible de la jeune Chaima, violée et brûlée par son bourreau le 1er octobre dernier. La rédaction d’Algérie Part a décidé de republier ce texte partagé par Rihab Alloula sur Facebook car il illustre parfaitement l’abnégation et le courage des Algériennes et Algériens qui veulent continuer à se battre pacifiquement et de façon civilisée pour une Algérie Meilleure. Un Algérie plus juste et réellement libre… 
« C’était le 08 octobre 2020 lors d’un sit-in à Oran. Ce n’était ni une marche, ni une manifestation. Il n’y avait ni pancartes ni slogans. Juste quelques personnes sensibles au sort de Chaïma, jeune fille torturée, violée, brûlée. Un simple recueillement, humain, citoyen.
A peine arrivés, des policiers commencent à embarquer les gens. Deux jeunes femmes en civil me surprennent par derrière, m’attrapent chacune par le bras, me poussent à monter dans le fourgon. Ne voulant pas laisser derrière moi ma mère de 70 ans, et n’ayant aucune envie de monter dans ce fourgon pourri, je fais de la résistance. C’est là qu’elles deviennent enragées. Elles me tirent, me trainent, me prennent par la nuque et me crient à l’oreille « Monte Rabbak !! ». Dans le fourgon, je ne suis pas seule. Médecin, psychologue, avocat, journaliste, enseignant… tous traités comme des criminels alors que les vrais criminels circulent encore en toute liberté.
J’ai passé 04 heures au commissariat à me demander si c’est pour ça que mon père a donné sa vie. Dans ma tête tout se bouscule. Je replonge dans les années de sang, les 200.000 victimes oubliés, les terroristes amnistiés, l’Algérie décervelée, et je me dis que toute cette violence est le fruit certain des crimes impunis.
Je ne pensais pas qu’en allant à ce recueillement j’allais subir une telle agression. Je ne pensais pas que le pays que j’ai refusé de quitter allait un jour me le faire regretter. Je ne pensais pas que les minettes qui m’ont violenté seraient insensibles au sort des femmes violées. Je ne pensais pas que l’Algérie nouvelle serait bien pire que l’ancienne. Mais j’aurais tant aimé que l’amour l’emporte sur la violence, le savoir sur l’ignorance, le courage sur le silence.
Je m’appelle Rihab ALLOULA, je suis algérienne et je refuse de vivre dans le déni. J’ai toujours marché la tête haute et je compte bien continuer. Et si vous voulez que je m’incline c’est sur mon corps qu’il faudra marcher »…
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