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samedi, avril 27, 2024

Pourquoi l’Algérie a fait une grossière erreur en sacrifiant la souveraineté fiscale au profit de la souveraineté du capital

L’interminable feuilleton du rachat par Total des actifs de la société pétrolière américaine Andarko révèle en vérité un important débat qui n’a jamais été suffisamment abordé en Algérie. Il s’agit de la souveraineté fiscale et de la souveraineté du capital. Les autorités algériennes ont toujours misé sur le contrôle et la surveillance des sociétés étrangères qui détiennent des actions ou des participations dans des projets stratégiques comme ceux relatifs à l’exploitation des gisements pétroliers et gaziers. L’Etat algérien a longtemps cru que cette surveillance accrue protège les intérêts de l’Algérie et lui évite des scandales de dilapidation de corruption. Ce qui est, malheureusement, totalement faux et infondé. Explications. 

Si l’Algérie se retrouve aujourd’hui très fragile et ébranlée face à l’effondrement des prix du baril du pétrole, c’est pour la simple raison qu’elle s’est lancée dans une orientation stratégique totalement erronée depuis 2015. A l’époque, à partir de 2014 où les prix du baril du pétrole avait chuté de presque 50 % à cause de l’augmentation de la production du pétrole de schiste américain et le ralentissement économique de la Chine, l’Algérie a voulu en urgence  se refaire une santé “financière” en cherchant à augmentant ses quantités exportables en hydrocarbure. Et pour ce faire, le programme d’investissement du groupe pétrolier Sonatrach sur la période 2015-2019 s’établissait à plus de 90,6 milliards de dollars. Un immense budget que l’Algérie avait mobilisé au moment où elle a commencé à ressentir sévèrement les tensions financières provoquées par la chute brutale des prix du baril de pétrole.

En dépit de cette conjoncture défavorable liée notamment aux déficiences constatées dans les recherches de nouveaux gisements exploitables, les autorités algériennes avaient décidé de maintenir ce cap en poursuivant ce plan d’investissement qui coûtera très cher au Trésor public. Une stratégie qui ne faisait pas l’unanimité parmi les experts et économistes qui doutent de la fiabilité de cette feuille de route.  En effet, certains experts estimaient à juste titre que le gouvernement algérien devait vraiment revoir sa copie à propos de cet investissement massif qui risque de s’avérer inefficace. Et pour cause, il est clair que l’Algérie doit trouver rapidement des solutions pour capter de la ressource et même en devises pour renforcer les positions devises du pays. L’industrie pétrolière demeure stratégique à cet égard. Mais au lieu d’investir 90 Mds/USD sur fonds propres, ce qui est très risqué et coûteux, l’Algérie doit revenir à la première mouture de la loi sur les hydrocarbures à l’époque de Chakib Khelil d’autant plus que cette loi avait introduit via son article 55 l’obligation à l’investisseur étranger de dépenser ses devises à partir de l’Algérie ce qui aurait permis en ces temps difficiles de réduire le déficit de la balance des paiements en récupérant un cash flow intéressant qui aurait participé à résorber le déficit causé par la baisse des prix des exportations d’hydrocarbure.

Aujourd’hui, avec du recul, nous devons reconnaître une vérité: le  principe du 49/51 n’est pas attractif et n’a pas attiré des investisseurs étrangers dans le secteur des hydrocarbures en Algérie. Le bilan des dix dernières années le démontre parfaitement: même avec un baril à 120 USD,  le ROE (retour sur capital) n’est pas intéressant pour une major du domaine pétrolier. Malheureusement, en dépit de ce constat scientifique et rationnel, les décideurs algériens n’ont pas voulu se remettre en cause pour pouvoir repenser leur politique énergétique.

Explorer de nouveaux gisements et installer de nouvelles unités de production coûte dans les environs de cinq milliards de dollars à un investisseur étranger. C’est un investissement lourd qui mobilise des fonds et des moyens logistiques importants. En plus, nos gisements ont la caractéristique d’être des gisements moyens contrairement aux gisements de l’Arabie Saoudite. La quantité exploitable de leurs hydrocarbures ne peut durer en moyenne au-delà de 15 à 20 ans. Si, au final, cet investisseur, à l’image d’une grande compagnie pétrolière, ne peut pas détenir la majorité dans le capital de son projet d’investissement, il ne sera jamais intéressé de venir s’installer en Algérie. Ce constat fait l’unanimité chez tous les experts ayant collaboré pendant des années avec des compagnies pétrolières dans le cadre de leurs projets d’investissement en Algérie.

Ainsi, au lieu de doter Sonatrach d’un immense budget de 90 milliards de dollars, qu’il fallait d’abord trouver et mobiliser en des temps de disette financière, il était préférable de revenir au principe de la souveraineté fiscale (74%) et celle du sous-sol, en acceptant de renoncer à la souveraineté du capital qui ne veut plus rien dire de nos jours dans le secteur énergétique, vu qu’on ne maîtrise plus les prix sur les marchés mondiaux. Le plus important est, surtout, de garder un niveau élevé de la fiscalité pétrolières pour renflouer les caisses de l’Etat.

Une telle approche aurait permis de récupérer des investissements directs étrangers (IDE) stratégiques et pourvoyeurs de devises à l’investissement et en recettes export vu les nouvelles recettes fiscales que l’Algérie peut engranger. Mais pour ce faire, aurait fallu que l’Etat algérien s’émancipe de sa croyance fondée uniquement sur le principe de la souveraineté du capital, c’est-à-dire toute société étrangère qui investit en Algérie doit avoir des participations minoritaires dans le capital du projet et elle doit toujours dépendre d’un partenaire algérien majoritaire.

Aujourd’hui, avec la chute brutale des revenus en devises du pays et la menace d’une faillite financière qui plane sur le pays d’ici 2021, le débat sur la préférence de la souveraineté fiscale au détriment de la souveraineté du capital  doit se poser en termes sains et loin de toute démagogie pour aboutir à la solution la plus indiquée et qui permettra à l’Algérie de devenir un véritable acteur mondial de l’énergie, au lieu de se cantonner dans son petit rôle d’exportateur de gaz et de pétrole très fragile et entièrement dépendant des fluctuations des marchés mondiaux.

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