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vendredi, avril 26, 2024

Le sourire de Khaled Drareni, symbole d’une Algérie surréaliste qui part à la dérive

C’est une image qui restera dans les annales de la justice algérienne. Khaled Drareni, un jeune homme devenu amaigri, chétif, affaibli et décharné, affiche un sourire joyeux face à des juges qui l’interrogent sur son métier de journaliste et ses publications à cause desquelles il est emprisonné depuis plus de 4 mois. 

La scène est totalement surréaliste. Mais elle reflète cette Algérie qui tente de tenir encore debout face à un arbitraire qui sombre dans la « folie ». Khaled Drareni est incarcéré depuis le 29 mars dernier à la prison de Koléa. Khaled Drareni n’a fait que son travail de journaliste, couvrant sans relâche les marches du Hirak depuis leur début en février 2019. Les séquelles de la prison sont largement visibles sur son corps quia supporté le lourd fardeau de la détention pendant la période de la pandémie sanitaire du COVID-19.

Par visioconférence, Khaled Drareni a répondu à toutes les questions de ses « bourreaux ». Et ce procès est tout de même historique car c’est la première fois que la justice s’interfère directement dans le travail d’un journaliste et demande des comptes à un journaliste en l’obligeant d’expliquer les tenants et aboutissants de ses écrits ! On se croirait en Corée du Nord.

« J’ai pratiqué mon travail de journaliste indépendant et libre, j’ai couvert les marches du mouvement, y compris les manifestations pro-vacances, lorsque je donne au lecteur l’information et c’est un droit constitutionnel du citoyen, lorsque je ne partage pas la haine et la vérité, je garde l’unité Patriotisme. Je suis un journaliste impartial qui ne fait que mon travail »,  a expliqué ainsi aux magistrats du tribunal de Sidi M’hamed à Alger lesquels ne comprennent pas pourquoi un journaliste algérien ose rapporter une vérité gênante aux yeux des autorités algériennes.

La juge affronte Khaled Drarni avec des publications critiques de l’autorité et Khaled Drareni répond : « Je suis journaliste et citoyen et j’ai le droit de donner mon avis mes publications ne contiennent pas d’insultes . » La juge a ensuite demandé à Khaled Drareni pourquoi il a publié la déclaration pour coordonner la transition démocratique. Drareni a répondu : « Je suis journaliste, je ne trouve pas de problème dans la transmission d’une déclaration à des partis initialement agréés par l’autorité ! C’est au fond mon travail. »

La juge demande à Khaled pourquoi il était présent le 7 mars. Khaled Drareni a expliqué : « J’habite sur la rue Didouche, j’ai entendu la voix des manifestants et je suis descendu pour couvrir les manifestations, je n’ai pas appelé à l’incitation, mais j’ai fait mon travail de presse. » A la fin de l’interrogatoire, la juge lui a fait savoir qu’il pouvait se reposer. Le journaliste a répondu : « je reste debout, je suis toujours debout ».

Cet échange est digne d’un roman d’Albert Camus ou d’une pièce de théâtre de Samuel Barclay Beckett. La dimension totalement absurde de ce procès lui confère finalement une esthétique littéraire. Un journaliste malmené physiquement et moralement, son corps témoignant des séquelles d’une détention totalement arbitraire, par une justice transformée en un « rédacteur en chef » attitré de la presse algérienne. Désormais, les journalistes en Algérie sont soumis au diktat des juges algériens. Ils ne doivent plus écrire une seule ligne qui peut déplaire à nos juges savants et perspicaces. Des juges qui connaissent les métiers de l’information et de la communication dans leurs moindres méandres. Khaled Drareni est, à son corps défendant, le symbole de cette nouvelle Algérie qui bascule dans cette nouvelle réalité totalitaire.

 

 

 

 

 

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