Depuis deux semaines, le marché mondial du blé connaît de vives tensions en raison de la crainte d’une véritable crise alimentaire qui pourrait causer un énorme préjudice à la sécurité alimentaire de plusieurs pays à travers le monde. Le Maroc, l’Egypte et même la Chine multiplient les grandes opérations d’acquisition de grandes quantités de blé pour renforcer leur stocks face à un danger avéré d’une crise alimentaire en raison de la propagation de la pandémie du COVID-19 qui perturbe fortement les chaînes logistiques d’approvisionnement.
Officiellement, l’Algérie avait tenté d’acheter des quantités de blé pour faire face à ce risque. Mais à cause de son manque de réactivité et de prévoyance, elle s’est retrouvée rapidement face à une envolée des prix internationaux qui lui soutirent des devises précieuses en cette période où ses réserves se vident de plus en plus à cause de l’effondrement des prix du baril du pétrole.
C’est, d’ailleurs, pour des raisons purement financières que l’Algérie a annulé le 7 avril dernier l’appel d’offres lancé par l’OAIC pour l’achat de 50 000 tonnes de blé de farine qui avait été clôturé le 31 mars derniers. Les traders européens ont été surpris par cette annulation qui n’a pas cessé de susciter des rumeurs sur la très mauvaise santé financière de l’Algérie, le troisième importateur de blé dans le monde.
Et pourtant, au mois de mars dernier, l’Algérie laissait entendre aux acteurs du marché mondial du blé qu’elle cherche à acheter des quantités plus importantes à celles qu’elle lance dans ses appels d’offres et son principal fournisseur demeure la France. La quantité que l’Algérie souhaitait acheter devait être expédiée en deux périodes à partir des principaux pays fournisseurs, à savoir la France et la Russie : La première du 1er au 15 mai et la seconde du 16 au 31 du même mois ajoute la même source.
L’appel d’offres lancé le 31 mars dernier était très attendu par les traders du marché du blé car l’Algérie avait acheté une quantité relativement faible d’environ 240 000 tonnes de blé dans son dernier appel d’offres du 25 mars, qui visait les deux mêmes périodes d’expédition que celles mentionnées dans le nouvel appel d’offres du 31 mars. Or, l’annulation de ce marché a pris de court les traders internationaux notamment en Europe.
En réalité, l’Algérie s’est retirée clairement momentanément du marché mondial du blé espérons que les prix vont baisser. Mais c’est un risque très élevé car en l’absence d’un recul significatif de la pandémie du COVID-19 partout sur la planète, la demande demeurera élevée pour permettre à de nombreux pays de renforcer leurs stocks. Cette demande s’explique aussi par les restrictions imposées par la Russie sur ses exportations de blé. La Russie est le premier producteur mondial de blé tendre. La Russie a imposé un quota d’exportation de 7 millions de tonnes de blé à ses agriculteurs jusqu’à la fin du mois de juin prochain.
Il faut savoir que la Russie impose régulièrement ses restrictions en période de crise. En 2010, les autorités russes ont stoppé pour quelques mois l’export du blé à cause de la sécheresse qui avait touché durement à cette période la Russie. En décembre 2014, la Russie a appliqué une importante taxe qui avait limité l’exportation. Cette taxe a été justifiée à l’époque par la dévaluation du rouble, la monnaie russe, qui avait incité les producteurs à préférer l’export au marché national pour gagner plus de roubles. Cette année encore, le 29 mars 2020 la Russie a limité le droit d’exporter le blé entre le 01 avril et le 30 juin pour garantir la disponibilité du blé sur le marché intérieur. Et dans ce contexte, le volume d’exportation du blé a diminué de 30-35% depuis le début de mars.
La conclusion est plus que limpide : La Chine stocke car la crise va être très durable. Le Maroc, l’Egypte stockent, parce que la crise va être très durable. Et l’Algérie que fait-elle ? Elle attend une baisse improbable sur le marché mondial pour renforcer ses stocks ! Une attitude qui peut s’avérer suicidaire car les dirigeants algériens semblent être totalement déconnectés des réalités économiques et géopolitiques du monde.