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vendredi, avril 26, 2024

Enquête Exclusive – Sénateur, Ministre des Finances…Ces Hors la Loi de la République

Membre de la première APW de Blida lors de la cinquième législature de 2002-2007, le Député RND Rachid Achour, est devenu chef de bureau du RND de Blida en 2009, avant de prendre la direction de campagne du candidat Abdelaziz Bouteflika à Blida pour les élections présidentielles de 2009.

Rachid Achour avait ensuite remplacé Bouchlaghem Mohamed au poste de secrétaire de wilaya du parti RND, avant d’en être poussé à la démission par l’ex Premier Ministre et Secrétaire Général du RND Ahmed Ouyahia, suite aux rapports de mauvaise gestion parvenus à la direction du parti.

Rachid Achour – Sénateur Tiers Présidentiel Algérie

 

C’est en 2016 qu’il est désigné sénateur du tiers présidentiel au Conseil de la Nation, pour un mandat de six années, par l’ex-Président déchu Abdelaziz Bouteflika.

Pour info, lors du renouvellement de la moitié des membres élus du sénat, Achour Lyes, un architecte de formation a été également élu sous la bannière…RND de la Wilaya de Blida.

Ce que les gens savent un peu moins concernant le sénateur Rachid Achour, est qu’il a été le commissaire aux comptes de l’ex patron de l’ETRHB et du FCE : Ali Haddad, dont il est par ailleurs très proche.

Rachid Achour est également commissaire aux comptes du club de football l’USM Alger, appartenant à Ali Haddad à hauteur de 92%.

Créée en 1937, l’USMA est devenue en 2010 la propriété d’Ali Haddad. Le club, qui a remporté huit fois le championnat et la coupe nationale, vit aujourd’hui les heures les plus sombres de son histoire, depuis l’arrestation le 31 mars de son propriétaire, proche de l’ancien président Abdelaziz Bouteflika.

Le même Rachid Achour est également le comptable d’une autre des sociétés d’importation de produits médicaux, Cialfarm, filiale du groupe ETRHB d’Ali Haddad immatriculée au registre du commerce en Novembre 2015 et dotée d’un capital de 50 Millions de Dinars.

Dans un autre registre, peu de gens connaissent la relation très intime qu’entretient Belkacem Zeghmati, l’actuel Ministre de la Justice avec Rachid Achour. Et c’est justement ce dernier qui avait supervisé une des sombres affaires de l’ex-Ministre de l’Energie Chakib Khelil, dont le dossier judiciaire va être réouvert dans quelques jours par la cour suprême dans le cadre de l’affaire Sonatrach.

Créée en 2006 et dotée d’un capital social de 100 millions dinars, la Société de Promotion, Réalisation et Développement des Prestations de Relations Publiques (SOPREP) était détenue à hauteur de 60% par Sonatrach, de 10% par la compagnie aérienne Tassili Airlines, alors que l’Enafor (forage), l’Entp (travaux aux puits), l’Egzia (entreprise de gestion d’Arzew), l’Egzik (Entreprise de gestion de Skikda) et Naftal y détenaient chacune 6%.

La principale mission de SOPREP était d’assurer, à grands frais, l’accueil, le protocole, le transport, l’hébergement et la restauration, ainsi que l’organisation et la gestion des foires, forums et manifestations nationales et internationales dans le secteur pétrolier initialement.

L’Algérie n’avait alors pas de parc d’expositions digne de ce nom alors que le pays devait accueillir en 2010 le Congrès mondial du gaz. Chakib Khelil va débourser un demi-milliard de dollars pour édifier à Oran un parc d’expositions monumental afin d’accueillir ce congrès, qui devait durer seulement trois jours…

Après la révélation sur les luxueux voyages de Chakib Khelil et son épouse, dont le fameux affrètement d’un avion de Tassili Airlines pour fêter le réveillon fin 2009 dans le sud algérien, qui ne transportait que ces deux personnes totalement prises en charge par SOPREP, cette dernière fut vite dissoute par Rachid Achour au premier semestre 2011 sur décision du conseil d’administration de Sonatrach…

Rachid Achour, qui possède un bureau de comptabilité dans la ville de Blida, a pu se hisser au poste de Président de la commission des affaires étrangères, de la coopération internationale et de la communauté algérienne à l’étranger au conseil de la Nation.

Cette commission est compétente pour les questions relatives aux affaires étrangères, à la coopération internationale, aux accords et conventions internationaux et aux affaires de la communauté algérienne résidente à l’étranger.

Or les articles 122 et 123 de la constitution disposent que le mandat du député et du membre du Conseil de la Nation est non cumulable avec d’autres mandats ou fonctions, et tout député ou membre du Conseil de la Nation qui ne remplit pas ou ne remplit plus les conditions de son éligibilité encourt la déchéance de son mandat.

Le député ou le membre du Conseil de la Nation engage même sa responsabilité devant ses pairs qui peuvent révoquer son mandat s’il commet un acte indigne de sa mission comme le décrit si bien l’article 124 de la loi fondamentale.

Comment se fait-il qu’en 2016, alors qu’il était nommé sénateur dans le tiers présidentiel, Mr Rachid Achour figurait encore dans la liste de la chambre nationale des experts comptables ?

Mieux encore, le 23 Janvier 2020, le Ministre des Finances Abderrahmane Raouia avait signé une décision approuvant une liste d’experts comptables et commissaires aux comptes agréés au titre de l’exercice 2020. Rachid Achour y figurait, comme pour l’année 2019 et toutes les années précédentes… Surprenant !

La commission des agréments, doit préalablement à la délivrance de tout agrément, étudier pourtant les dossiers de tous les demandeurs et statuer conformément aux dispositions de son règlement intérieur.

Elle dresse alors un procès-verbal faisant ressortir les avis d’accord ou de refus d’agrément, avant de le transmettre au Ministre chargé des Finances pour signature.

Comment se peut-il que le règlement intérieur du Ministère des Finances ne respecte pas la constitution algérienne, au point de laisser Rachid Achour jouir d’un agrément pour l’exercice d’une fonction comptable alors que la loi fondamentale ne lui en donne pas le droit en sa qualité de sénateur ? Notre gouvernement travaillerait-il dans l’illégalité ?

D’autre part, les personnes physiques et morales candidates à l’exercice de la profession d’expert-comptable, de commissaire aux comptes ou de comptable agréé, doivent fournir un ensemble de documents qu’ils doivent adresser au secrétariat du conseil national de la comptabilité.

Un document a attiré notre attention en particulier. Il s’agit du procès-verbal de constat par un huissier de justice, attestant de l’existence d’un local professionnel et des conditions matérielles d’exercice de la profession.

Etant agréé par le Ministère des Finances, on peut donc assurément penser que le sénateur Achour a répondu à cette exigence, rendant difficile de croire qu’il n’exerce pas d’activité dans un local répondant aux exigences d’espace et de commodités, pour l’exécution de sa mission dans les meilleures conditions exigées par les mandats dont il a la responsabilité.

Et enfin y a-t-il eu production du fameux document d’habilitation des sociétaires nécessaire à l’agrément ?

 »Un sénateur censé voter des lois qu’il ne veut surtout pas voir s’appliquer pour lui ! C’est à l’image de beaucoup de pays qui ont de véritables lois et une constitution servant d’alibi, que presque tous les décideurs bafouent », »Ces pays fonctionnent le plus souvent selon des règles occultes et une justice parallèle, mises en place par des décideurs souvent incompétents et illégitimes »,  »Ils prennent en otage des institutions publiques et se servent d’un système législatif corrompu, qu’ils ont réduits à une simple machine à entériner les décisions d’un système mafieux et à adopter des projets de loi sur mesure » nous lance un ancien Ministre qui s’est récemment retiré. Quel dommage pour l’avenir de ces pays !

Il faut savoir que le code de déontologie de la profession d’expert-comptable dans sa troisième partie traitant des dispositions diverses, dispose dans son article 23 que le membre de l’ordre doit respecter les dispositions relatives aux incompatibilités professionnelles prévues par les lois en vigueur.

Enfin l’article 25 indique que toute infraction ou manquement, par les experts comptables, à l’une des dispositions de ce code de déontologie, peut entraîner des sanctions disciplinaires.

Comment la commission de validation des mandats du Conseil de la Nation a-t-elle pu valider dans ce cas le mandat de Rachid Achour ?

Va-t-on voir le sénateur Rachid Achour inquiété par la Justice de son ami Zeghmati ? Peu probable quand on sait que les demandes de levée de l’immunité parlementaire sont introduites auprès du bureau du Conseil de la Nation en vue de poursuite judiciaire par… le Ministre de la Justice !

Alors il reste le conseil de l’ordre des comptables, la commission d’enquête du Conseil de la Nation, l’inspection de la Banque d’Algérie ou la commission des agréments du Ministère des Finances au cas où quelques-uns seraient à court d’idées.

L’arsenal juridique et réglementaire existe et il suffit de l’appliquer pour prononcer la déchéance du mandat parlementaire comme le prévoit l’article 82 de la loi organique sur le règlement intérieur du Conseil de la Nation.

Achour sera-t-il par ailleurs entendu par les juges de la cour suprême dans le cadre de l’enquête sur le scandale de Sonatrach impliquant l’ex Ministre de l’Energie ?

Nous avons tenté à plusieurs reprises de joindre le sénateur pour avoir réponses à nos questions ; à l’heure où nous publions nous n’avons obtenu aucun retour.

Ce simple exemple du sénateur Achour est édifiant, car il donne une idée de comment notre Algérie fonctionne véritablement.

Beaucoup d’autres cas analogues appelant à des questions similaires resteront en suspens, nous faisant prendre conscience que notre pays ne sera pas prêt à changer sans institutions fortes, sans indépendance de la justice et sans véritable pouvoir de contrôle des chambres de représentants, de la Cour des Comptes, sur toutes les activités du gouvernement et toutes les institutions de l’Etat. Sans exception !

Le chantier est certes immense mais pas impossible, tant que la volonté y est.

Amir Youness
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