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samedi, avril 27, 2024

Enquête exclusive 2e Partie. Energie solaire : les manoeuvres mafieuses qui menacent de gâcher un méga-projet de 3,6 milliards de dollars en Algérie

Le 20 mai dernier, l’Algérie a annoncé officiellement qu’elle lançait un méga projet de réalisation de centrales solaires photovoltaïques pour la production de 4.000 MW d’électricité d’un investissement allant jusqu’à 3,6 milliards de dollars. Le projet  a été officiellement présenté par l’ancien ministre de l’Energie Mohamed Arkab, lors d’une réunion du gouvernement. Ce méga-projet s’appelle officiellement TAFOUK1 et concerne la réalisation de centrales solaires photovoltaïques d’une capacité totale de 4.000 MW sur la période 2020-2024.

Ce projet nécessiterait un investissement compris entre 3,2 et 3,6 milliards de dollars et devrait créer 56.000 postes d’emplois pendant la phase de construction et 2.000 autres durant l’étape d’exploitation. Les centrales solaires photovoltaïques, réalisées dans le cadre de ce projet, seront réparties sur une dizaine de wilayas et mobiliseront une surface totale de 6400 hectares environs.

D’après l’ex-ministre Mohamed Arkab et l’actuel PDG de Sonelgaz, Chahar Boulakhras, ce projet ambitieux permettra « l’exportation de l’électricité à un prix compétitif, ainsi que l’exportation du savoir-faire dans ce domaine ». C’est cette phrase qui figure officiellement dans le communiqué ponctuant les travaux d’une réunion du gouvernement algérien organisé le 20 mai dernier. Or, cette phrase a choqué de nombreux observateurs et connaisseurs du secteur des énergies renouvelables. Derrière ce fantasme de l’exportation de l’énergie solaire se cache en réalité des manoeuvres mafieuses que veut développer un puissant lobby au sein de Sonelgaz pour s’accaparer d’une partie des investissements monstrueux qui seront consentis par l’Etat algérien pour mettre en place ce projet.

Le mensonge de l’exportation à l’étranger 

En effet, les hauts responsables de Sonelgaz et l’ancien ministre Mohamed Arkab, lui-même ancien patron de Sonelgaz sont train de miroiter à Abdelmadjid Tebboune, l’actuel président de la République, qu’il sera possible d’exporter de l’électricité issue de ce projet d’énergie renouvelable  alors que tous les professionnels et experts savent bien que cet objectif est irréalisable pour plus d’une raison. Le PDG de Sonelgaz tente de faire croire à tous ceux qui veulent l’entendre (les profanes qui ignorent les enjeux du secteur de l’énergie solaire) qu’il « serait même possible pour la l’Algérie d’exporter de l’électricité issue de projets des énergies renouvelables dans un avenir proche » et  » le prix de l’énergie que l’Algérie proposera sur le marché international sera très compétitif ». Il s’avère, malheureusement,  qu’il s’agit des plus grands mensonges avancés par les managers de Sonelgaz dans le seul but de défendre l’utilité de ce méga-projet de près de 4 milliards de dollars.

Ce mensonge a été relayé malheureusement par l’ex-Ministre de l’Energie, Mohamed Arkab, en raison de son incompétence avérée. A ce sujet, il est important de signaler qu’il est structurellement contradictoire d’avancer que l’exportation se fera à des prix compétitifs et en même demander à l’Etat des mécanismes de compensations financières pour couvrir le différentiel entre le prix du KWH produit par cette énergie renouvelable et le prix commercial que Sonelgaz veut proposer sur le marché.

L’actuel PDG de Sonelgaz soutient aussi que l’exportation ne concernera pas uniquement la vente de l’électricité mais aussi l’exportation du savoir-faire Algérien alors qu’il sait pertinemment qu’il ne s’agit que d’une illusion en raison de la mauvaise gouvernance dont souffre depuis des années la Sonelgaz notamment en matière de nominations aux postes d’encadrement au détriment de la compétence et du mérite. Comment Sonelgaz peut-elle exporter de l’électricité à l’étranger à base de l’énergie solaire qu’elle peine à gérer convenablement plusieurs projets stratégiques laissés à l’abandon à l’image des nouvelles centrales et infrastructures électriques comme les projets de Djelfa, Hassi R’mel et Mostaganem où des équipements chèrement payés en devises à l’étranger sont en train de moisir depuis des années sans compter les pertes en matière de réévaluation des budgets faute du respect des délais contractuels pour la réalisation de ces futures centrales électriques.

Le danger de la mauvaise gouvernance 

Ces mauvaises décisions démontrent toute l’incapacité des hauts responsables actuels de Sonelgaz à gérer une compagnie stratégique qui nécessite de la rigueur et des compétentes avérées aux postes décisionnels. A ces couacs inquiétants, il faut ajouter l’opacité financière dont souffre depuis de longues années la Sonelgaz car les appels d’offres ou consultations restreintes sont gérés sans aucun contrôle indépendant et neutre.  Des appels d’offres pour des marchés publics destinés à dépenser encore des milliards de dollars dans le but de construire des centrales électriques classiques  alors que leur nécessité pour le développement économique de l’Algérie n’est pas certaine ni démontrée par des études et des planifications rigoureuses.

Peu d’Algériens savent effectivement que les projets de développement de la Sonelgaz ont coûté à l’Algérie plus de 150 milliards de dollars de 2000 jusqu’à 2017. Oui, 150 milliards de dollars, c’est le  montant investi par l’Etat pour la réalisation de centrales électriques à travers le pays s’élève  depuis l’année 2000. Cette enveloppe financière a permis la création de nouvelles centrales qui portent aujourd’hui la capacité de production nationale à 18.000  mégawatts contre 3.900 MW seulement en 2000.

Les énergies renouvelables n’ont jamais joui de tous ses milliards de dollars dépensés par la Sonelgaz grâce aux budgets débloqués par l’Etat algérien. Pourquoi la Sonelgaz se réveille tardivement en 2020 pour se rappeler de l’importance des programmes de développement de l’énergie renouvelable ?

Selon plusieurs sources concordantes, et bien introduites dans le cercle fermé de la direction générale de Sonelgaz, interrogées par nos soins, les décideurs de Sonelgaz sont à la recherche de nouveaux créneaux qui leur permettront de soutirer des investissements ou budgets en devises de l’Etat algérien.

Les nouveaux projets de l’énergie solaire permettront à Sonelgaz de pénétrer de nouveaux marchés publics et de ramener des « partenaires étrangers » avec lesquels il va falloir négocier des accords en devises. Les précédents projets de Sonelgaz n’ont jamais été soumis à un examen approfondi pour tirer un bilan définitif et détaillé. Prenons, par exemple, le faux projet de la GEAT.

Sonelgaz et GE ont signé le 20 mars 2014 un accord de partenariat à long terme afin de réaliser un nouveau complexe de production à Ain Yagout (wilaya de Batna – Algérie). Les deux partenaires ont également signé en cette occasion les statuts de la nouvelle société en partenariat, chargée de la réalisation et de l’exploitation de ce complexe industriel de fabrication des blocs de puissance, détenue à hauteur de 51% par Sonelgaz et à 49% par une filiale de Général Electric (GE Industrial France).  Cet accord de partenariat – sous forme d’une société commune libellée sous le nom de GEAT (General Electric Algeria Turbines) – avait fait suite à l’appel d’offres international restreint aux fabricants et portant sur la fourniture de 24 Turbines à gaz (TG), de 12 turbines à vapeur (TV), de 36 alternateurs et systèmes de contrôle commande associés dans lequel les soumissionnaires avaient obligation de s’engager à réaliser – en partenariat avec Sonelgaz – un complexe industriel pour la fabrication des turbines à gaz, turbines à vapeur, alternateurs et systèmes de contrôle commande constituant les blocs de puissance.

Mais, 5 ans plus tard, personne n’a passé au peigne fin les activités de la GEAT. Nous avons remarqué au cours de nos investigations que cette société continue à jouer le rôle douteux de vase communiquant pour transférer à l’étranger des centaines de millions de dollars annuellement dans le cadre des contrats de services donné toujours en gré à gré simple par d’autres filiales de Sonelgaz comme la SPE (SONELGAZ Algerian Power Company) qui avait octroyé à la GEAT en 2017 un marché d’un montant de plus de 3,5 Millard de Dollars auquel se rajoute un autre contrat signé en 2019 pour un montant de 300 millions de Dollars.

Des projets de plusieurs milliards de dollars sans aucun bilan 

Des marchés conclus encore et toujours selon la fameuse formule du gré à gré en l’absence de toute procédure de transparence et de concurrence. Il faut savoir que ces contrats donnent ce qu’on peut qualifier aisément d’indus avantages au géant américain Général Electric. Les contrats ont été sous-traités dans leur totalité par GEAT à Général Electric et toutes les prestations ont été payées en devises alors que le personnel activant dans le cadre de ce contrat est composé de travailleurs Algériens payés DA.

En guise de conclusion, il convient de préciser que l’obtention des tarifs du kilowatt-heure  (KWH) photovoltaïques à moins de 04 dinars (entre 2et3 cUS$/kWh ) à travers des appels d’offres nationaux et internationaux adressés à des investisseurs (sous la formule dite IPP) , sans avoir recours à une quelconque subvention de l’Etat algérien ou compensation financière par le Trésor Public est très envisageable en Algérie.

Il suffit pour cela que le processus échappe au contrôle de la direction générale de Sonelgaz et ouvert à la compétition avec comme seul critère le prix du kwh le plus bas possible avec la fixation d’un prix KWH plafond à I’image de ceux obtenus à l’international.

Ces appels d’offres peuvent être lancés par La commission de régulation de l’électricité et du gaz (CREG), un organisme indépendant du secteur Énergie en Algérie, comme le prévoit la loi, sous le contrôle direct des services du Premier-Ministre par exemple et confiés à des hommes intègres et compétents.

La formule de réalisation du programme sous la formule dite IPP, à savoir l’intégration par parties, maintiendra la responsabilité de l’investisseur par rapport à la qualité et performances des installations et équipements fournis sur la durée de vie de la centrale solaire.

Par ailleurs si l’Etat algérien envisage d’assurer le financement à travers des Banques Locales, il  réduira le risque lié à la variation du taux de change pour les investisseurs et par conséquence, le prix du KWH ne sera pas indexé à la variation du taux de change et limitera enfin les montants des dividendes transférables sur la durée de vie des centrales solaires en cas de dévaluation du dinar.

 

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