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vendredi, avril 26, 2024

Décryptage. Pourquoi l’Algérie est l’un des champions de l’opacité financière dans le monde

C’est une problématique majeure qui préoccupe depuis de nombreuses années les Algériennes et les Algériens : l’opacité qui règne autour de l’usage et de l’utilisation de l’argent public. Théoriquement des instruments de contrôle existent comme la Cour des Comptes ou l’Inspection Générale des Finances (IGF), des institutions de contre-pouvoir aussi comme le Parlement ou le Conseil de la Nation. Mais, dans la pratique, peu de données sont publiquement disponibles pour rendre compte de la gestion et de l’utilisation des budgets publics dans notre pays. 

Pis encore, ce problème s’aggrave d’une année à une autre et l’Algérie est devenue depuis 2020 le pays africain dont l’opacité financière est la plus impactante. Pour comprendre cette situation profondément alarmante, il faut prendre le temps de lire et analyser les conclusions de l’ONG britannique Tax Justice Network qui publie régulièrement l’indice de secret financier 2020, étude incluant 133 pays dans le monde. En nous basant sur ce rapport international qui fait référence dans le secteur financier, nous pouvons mesurer l’impact d’opacité financière sur le développement de l’Algérie. Nous pouvons surtout comprendre pourquoi l’Algérie est considérée réellement comme un pays qui entretient une énorme opacité autour de ces opérations économiques.

Il faut, d’abord, savoir que le classement de Tax Justice Network n’a pas pour ambition de constituer une liste noire, compte tenu de la politisation et de l’échec de cette approche. L’indice d’opacité financière confirme qu’il n’y a pas de distinction à faire entre les « bonnes » et les « mauvaises » juridictions, mais plutôt qu’il existe un éventail de degré d’opacité dans lequel tous les pays ont encore des progrès à faire.

Cet indice d’opacité financière publié par Tax Justice Network est « en réalité un outil précieux pour savoir où surgissent les réglementations néfastes sur la planète et pouvoir proposer des stratégies pour un monde plus transparent. La question de la taxation des plus riches est au centre du débat en cette année électorale aux Etats-Unis. Pour qu’elle puisse efficacement contribuer à la lutte contre les niveaux historiques d’inégalité aux Etats-Unis, nous devons mettre un frein au secret financier », comme le résume très bien Gabriel Zucman, membre de la Commission indépendante pour la réforme de la fiscalité internationale des entreprises (ICRICT) et professeur d’économie à l’Université de Californie à Berkeley.

Gabriel Zucman est un économiste français et ancien enseignant en économie à la London School of Economics, il est notamment connu pour ses travaux sur les inégalités sociales et les paradis fiscaux. L’ONG britannique Tax Justice Network a récemment épinglé l’Algérie  avec une 23ème place mondiale. L’Algérie est donc considérée depuis 2020 parmi les 30 pays les plus opaques financièrement du monde. En Afrique, l’Algérie est suivie du Kenya, du Nigéria et de l’Angola qui elle, remporte la palme de l’Etat au secret fiscal le plus impénétrable. Le Ghana et la Gambie sont respectivement 117ème et 124ème mondiaux.

Mais pourquoi l’Algérie est aussi mal classée ? La première origine de l’opacité financière dans notre pays est, selon les experts de la Tax Justice Network, l’incroyable manque de transparence dans la gestion des entités juridiques notamment des institutions et entreprises publiques. L’Algérie est effectivement classée parmi les 33 derniers pays au monde concernant la transparence dans la gestion des entreprises publiques et l’audit de leurs comptes financiers ou sociaux.

L’Algérie fait également partie des 33 derniers pays dans le monde concernant l’identification des entités légales impliquées dans des opérations économiques ou financières. L’Algérie est aussi à la traîne, toujours parmi les 33 derniers pays au monde,  au niveau de la divulgation des montants réels des impôts dont doivent s’acquitter les sociétés publiques ou étatiques.

L’indice de l’opacité financière de l’ONG Tax Justice Network nous apprend, par ailleurs, que le secret bancaire est difficilement pénétrable en Algérie. Preuve en est, notre pays est classé au 93e mondial concernant le secret bancaire. Il fait ainsi partie des 40 pays qui entretiennent le secret bancaire. Et pourtant, l’Algérie n’est pas un paradis fiscaux dans lequel des étrangers cachent des milliards de dollars blanchis depuis des activités illégales ou criminelles. Pourquoi donc autant d’opacité autour du secret bancaire ? Les autorités algériennes éludent le sujet et ne l’abordent jamais.

L’opacité financière de l’Algérie s’explique aussi par le manque de réactivité et l’absence d’une coopération approfondie entre l’Etat algérien et ses partenaires internationaux dans la lutte contre les flux financiers illicites. Ainsi, l’Algérie est classée une nouvelle fois parmi les 33 derniers au monde concernant l’application de traités bilatéraux dans la lutte contre l’évasion fiscale ou le blanchiment d’argent. L’Algérie fait partie encore et toujours des 33 derniers pays dans le monde concernant l’échange automatique d’informations. Il s’agit des échanges de renseignements pour une véritable coopération entre les administrations fiscales dans la lutte contre la fraude fiscale et pour protéger l’intégrité des systèmes fiscaux.

L’Algérie est un pays qui coopère rarement avec les pays étrangers pour lutter contre les fléaux financiers. Et pourtant, officiellement, l’Etat algérien par le biais de ses principaux responsables ne cesse de crier sa volonté de « traquer l’argent sale et volé se trouvant à l’étranger ». Des paroles qui n’ont jamais été suivies d’actes.

Au final, l’Algérie est bien notée uniquement dans la cohérence de l’impôt sur le revenu personnel où elle décroche le 38e rang mondial. L’Algérie fait également partie des 50 pays au monde qui préservent le mieux le secret fiscal, à savoir le caractère secret entourant toutes les informations recueillies à l’occasion des opérations d’assiette, de contrôle, de recouvrement ou de contentieux des impôts, droits, taxes et redevances prévues par la législation fiscale algérienne.

En revanche, concernant la transparence au niveau des statistiques publiques, l’Algérie patine au 70e rang mondial. Ce qui démontre une nouvelle une volonté manifeste d’étouffer l’information autour des opérations économiques et financières réalisées au niveau national.

Tant que l’Algérie ne fournit pas des efforts sérieux et concrets pour lever l’obscurité dans la gestion de toutes ces catégories fondamentales pour la gestion transparente des flux financiers entrants et sortants, elle sera toujours condamnée à demeurer… l’un des champions mondiaux de l’opacité financière.

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2 تعليقات

  1. Manque de volonté politique qui est du a travers le manque de transparence, la traçabilité et l’opacité pour favoriser la rapine, la corruption et l’évasion fiscale dont bénéficient certains Generaux, Compradores, fonctionnaires/ bureaucrates et politiques !!! Au pays des aveugles, le borgne est roi! Si l’Algerie le souhaitait, le retard pourrait être surmonté rapidement. La corruption est la source de notre fléau en Algérie.