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samedi, avril 27, 2024

Analyse. Vladimir Poutine et le risque d’une Troisième Guerre mondiale

L’invasion de l’Ukraine par la Russie le 24 février a marqué le début d’une troisième guerre mondiale qui a le potentiel de détruire notre civilisation. L’invasion a été précédée d’une longue rencontre entre le président russe Vladimir Poutine et le président chinois Xi Jinping le 4 février – au début des célébrations du Nouvel An lunaire chinois et des Jeux Olympiques d’hiver de Pékin. 

À la fin de cette réunion, les deux hommes ont publié un document de 5 000 mots, rédigé avec soin, annonçant un partenariat étroit entre leurs deux pays. Le document est plus fort que tout traité et a certainement exigé des négociations préparatoires minutieuses.

J’ai été surpris en voyant que Xi semble avoir donné carte blanche à Poutine pour envahir et partir en guerre contre l’Ukraine. Il doit être très confiant et tenir pour une simple formalité sa confirmation de dirigeant à vie de la Chine plus tard dans l’année. Après avoir concentré tous les pouvoirs entre ses mains, Xi a soigneusement préparé le scénario selon lequel il sera élevé au niveau de Mao Zedong et de Deng Xiaoping.

Après avoir obtenu le soutien de Xi, Poutine a entrepris de réaliser le rêve de sa vie avec une incroyable brutalité. À l’approche de ses 70 ans, Poutine estime que s’il veut imposer son empreinte sur l’histoire russe, c’est maintenant ou jamais. Mais sa conception du rôle de la Russie dans le monde est déformée. Il semble croire que le peuple russe a besoin d’un tsar qu’il puisse suivre aveuglément. C’est précisément le contraire d’une société démocratique – et c’est une vision qui déforme « l’âme » russe, émotionnelle
jusqu’à la sensiblerie.

Enfant, j’ai rencontré maintes fois des soldats russes lorsqu’ils ont occupé la Hongrie en 1945. J’ai appris qu’ils étaient prêts à partager leur dernier morceau de pain avec vous si vous le leur demandez. Plus tard, au début des années 1980, je me suis embarqué dans ce que j’appelle ma philanthropie politique. Tout d’abord, j’ai créé une fondation dans ma Hongrie natale, puis j’ai participé activement à la désintégration de l’empire soviétique. Lorsque Mikhaïl Gorbatchev est arrivé au pouvoir en 1985, la désintégration avait déjà commencé. J’ai créé une fondation en Russie, puis j’ai fait de même dans chacun
des États successeurs. En Ukraine, j’ai créé une fondation avant même qu’elle ne devienne un pays indépendant.

J’ai également visité la Chine en 1984, où j’ai été le premier étranger autorisé à établir une
fondation (que j’ai fermée en 1989, juste avant le massacre de la place Tian’anmen).
Je ne connais pas Poutine personnellement, mais j’ai observé son ascension de très près, en étant conscient de sa cruauté. Il a réduit à néant la capitale de la Tchétchénie, Grozny. Et il menace d’en faire autant avec la capitale de l’Ukraine, Kyiv.

Poutine était autrefois un opérateur astucieux du KGB, mais il semble avoir changé dernièrement. Ayant développé une idée fixe, il semble avoir perdu contact avec la réalité. Il a certainement mal évalué la situation en Ukraine.

Il s’attendait à ce que les Ukrainiens russophones accueillent les soldats russes à bras
ouverts, mais ils se sont avérés être tout à fait sur les mêmes positions que la population de langue ukrainienne.

Les Ukrainiens ont mis en place une résistance incroyablement courageuse contre un
opposant que rien ne semble pouvoir arrêter. En juillet 2021, Poutine a publié un long essai faisant valoir que les Russes et les Ukrainiens sont vraiment un seul peuple et que les Ukrainiens ont été trompés par des agitateurs néo-nazis. La première partie de son argument n’est pas sans justification historique, étant donné que Kyiv était le siège originel
de l’Église orthodoxe russe. Mais dans la deuxième partie, c’est Poutine qui a été induit en erreur.

Il aurait  dû se montrer plus prudent. De nombreux Ukrainiens ont combattu vaillamment lors des manifestations

Les événements de 2014 l’ont plongé dans une colère noire. Mais l’armée russe a fait piètre figure lorsqu’elle a reçu l’ordre d’attaquer ses frères ukrainiens. La corruption enracinée dans l’attribution des contrats de défense a également joué un rôle important dans ses résultats insuffisants.

Pourtant, plutôt que de s’en vouloir, Poutine semble être devenu littéralement fou. Il a décidé de punir l’Ukraine pour s’être opposée à lui et semble agir sans rencontrer la moindre résistance. Il lance toute l’armée russe dans la bataille et ignore toutes les règles de la guerre, notamment en bombardant sans discrimination la population civile. De nombreux hôpitaux ont été frappés et le réseau électrique qui alimente la centrale
nucléaire de Tchernobyl (actuellement occupée par les troupes russes) a été endommagé.

Dans Marioupol assiégé, 400 000 personnes ont été sans eau et sans nourriture pendant près d’une semaine. La Russie pourrait bien perdre la guerre. Les États-Unis et l’Union européenne envoient des armes défensives à l’Ukraine et des efforts sont en cours pour acheter des chasseurs MIG de fabrication russe, que les pilotes ukrainiens savent piloter. Cela pourrait faire toute la différence.

Quel que soit le résultat, Poutine a déjà fait des merveilles en parvenant à renforcer la détermination et l’unité de l’UE. Pendant ce temps, Xi semble avoir réalisé que Poutine fait cavalier seul. Le 8 mars, un jour après que le ministre chinois des Affaires étrangères Wang Yi a insisté pour que l’amitié entre la Chine et la Russie reste « solide », Xi a appelé le président français Emmanuel Macron et le chancelier allemand Olaf Scholz pour dire qu’il soutenait leurs efforts de rétablissement de la paix. Il a souhaité exprimer un maximum de
retenue dans la guerre pour éviter une crise humanitaire.

Il est loin d’être certain que Poutine accédera aux souhaits de Xi. Nous ne pouvons qu’espérer que Poutine et Xi seront destitués avant qu’ils ne détruisent notre civilisation.

Par George Soros, fondateur et président de Open Society Foundations. Il a publié dernièrement In Defense of Open Society (Public Affairs, 2019).

Copyright : Project Syndicate, 2022.
www.project-syndicate.org

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3 تعليقات

  1. Poutine bluffe !
    Et c’est regrettable que Biden et les européens
    n’aient pas donné dans la surenchère comme lui
    pour maintenir l’équilibre de la terreur tel qu’il a
    toujours existé depuis la guerre froide !
    On assiste à une forme de retour sur investissements
    négatifs des occidentaux qui ont toujours privilégié
    le commerce avec les dictateurs au détriment des
    peuples qui recherchent leurs émancipations.
    Résultat, au lieu d’ouvrir le monde pour le grand
    bien de l’humanité, les occidentaux, par égoïsme,
    le ferme, en contribuant à la création d’un bloc de
    despotes irresponsables pour qui, les peuples ne
    sont que des variables d’ajustement.
    Méfions-nous de la foi des nouveaux convertis !

  2. Mettre sur le tapis de la gouvernance actuelle de l’Algérie, le rôle des DAF c’est ignorer que ceux-ci ont été mis au rancart depuis longtemps. Il y a des schémas qui ont la vie dure et qui durent … on dirait!

    Notre junte militaire a des rapports privilégiés avec les responsables militaires de la Russie de Poutine et cela depuis Bouteflika et même avant. Les russes forment et ont formé des cohortes d’officiers et sous officiers algériens, tant au niveau du mode d’emploi du matériel qu’ils nous vendent sachant que celui-ci nous est vendu que parce que nous allons dans le sens de leur politique anti occidentale. Nous participons à des manœuvres communes en Russie comme en Méditerranée. Et nos soldats sont présents dans des manifestations sportives militaires. Sans oublier, l’action psychologique qui va avec toute formation militaire quelque soit la nation. Comme disait l’autre dans un commentaire sur un site algérien bien connu « Nous sommes tous russes !».

    Il est à noter que l’Algérie qui s’intitule « défenseur des peuples soumis à des puissances étrangères » tels que les Palestiniens et Sahraouis s’abstient de condamner la Russie de Poutine qui envahit et détruit un pays étranger, l’Ukraine… Cette attitude prouve parfaitement que les dirigeants actuels ont trahi les grands principes de la Révolution de 1954. Ce qui n’empêche pas la mobilisation des commentateurs appointés par la gouvernance Tebboune pour rameuter l’opinion publique sur le bien fondé de cette intervention en développant et en justifiant l’argumentaire de Putin.

    Du point de vue économique, le fait de déclasser la qualité du blé que nous devons acheter à l’étranger a permis d’ouvrir nos achats vers le marché russe et … ukrainien (!) dont le pourcentage de grains punaisés est le double du blé français. Un détail qui en dit long sur la mentalité de la gouvernance.

    Ainsi, l’Algérie représenterait aux yeux des diplomates français ou des officiers des services de renseignements un pays très instable et fragile en raison de ses grosses difficultés internes. Mais cette interrogation n’est pas seulement que française. Elle concerne toute l’Europe du Sud et pas seulement la France. Il suffit de lire la presse espagnole, italienne, maltaise, française et même britannique pour se rendre compte que nous sommes l’objet d’une interrogation quant à notre devenir institutionnel, démographique et climatique.

    Il serait nécessaire d’avoir le courage de faire revenir notre peuple à la réalité. Comme nous venons de le voir, avec le soutien à Putin de la gouvernance, nous n’avons plus cette capacité à contribuer à l’ordre moral de ce monde. La confiscation de la Nation, par une junte militaire se dissimulant derrière un pouvoir mal élu, affaiblit la cohésion sociale. Notre puissance économique basée uniquement sur la vente d’hydrocarbure est très fragile et ne présente pas un niveau économique ni un haut niveau technologiquer et encore moins un grand marché intérieur. Ce qui nous rend complètement vulnérable aux aléas de la politique mondiale. Il reste notre puissance militaire qui est conséquente et peut rivaliser avec d’autres puissances dans une guerre conventionnelle.

    Il est aberrant de constater que beaucoup de commentateurs exprimant un « point de vue algérien » n’ont pas encore pris conscience qu’une guerre nucléaire nous impacterait tous dans notre chair comme dans nos moyens de subsistance. Ils raisonnent comme s’ils étaient encore dans leur jeu vidéo sur internet ! Il serait temps qu’ils s’informent et lisent quelques ouvrages traitant de la question.

    Nos concitoyens, sanctionnés, emprisonnés, et obligés de s’expatrier, car critiques envers cette gouvernance est un autre aspect que présente notre nation aux yeux du monde. Nous sommes ainsi répertoriés dans le clan des pays fermé où règne un pouvoir dictatorial et corrompu.
    Et pourtant ceux qui osent critiquer, en développant un argumentaire logique, prouvé, constructif, allant évidemment à l’encontre de la doctrine officielle n’ont qu’un seul but : faire prendre conscience à notre peuple qu’il nous faut refonder complètement notre nation sur des bases permettant à l’Algérie de perdurer et de s’adapter. Pas seulement sur le plan économique mais aussi sur le plan sociétal. Une volonté populaire puissante et motivée est seule capable de construire un pays. Et cette volonté se forge par l’éducation, le civisme, le travail, la justice et la liberté. Et non par des slogans.

    — « Quoi ! Quoi ! Qu’est ce que tu racontes Timour le traître, espèce de harki, tu as une volonté manifeste d’essayer de créer les conditions d’un chaos en Algérie que les Algériens n’ont aucune envie de revivre, pas plus d’y plonger. Ils tiennent à la stabilité de leur patrie, à leur sécurité assurée par leur vaillante Armée nationale populaire et à leur liberté garantie et protégée par le président de la République, Abdelmadjid Tebboune ».
    Dixit un compatriote, se disant patriote, à propos d’un commentaire développant les mêmes considérations qui ont été développées ci-dessus.

    Conclusion, nous sommes effectivement devenus russes … sans le savoir