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jeudi, avril 25, 2024

Yasmina Khadra : « Aujourd’hui, soixante ans plus tard, nous continuons de chercher nos repères »

Le célèbre écrivain algérien Yasmina Khadra a publié un émouvant texte dans les colonnes de l’hebdomadaire français Le Journal de Dimanche à l’occasion de la commémoration du 60e anniversaire de l’Indépendance de l’Algérie. « Aujourd’hui, soixante ans plus tard, nous continuons de chercher nos repères », a indiqué Yasmina Khadra dans son long texte écrit avec une plume affutée et intitulé :  « l’Algérie refuse crânement de couler ». 

« Nous avons tout subi, la vacherie des slogans creux, la tyrannie par moments, l’exclusion par endroits, le terrorisme, nous avons touché le fond, connu l’humiliation, l’injustice, la spoliation, les gouvernements voyoucratiques, la démagogie assassine, l’une des corruptions les plus ahurissantes, exercée comme une seconde nature à tous les niveaux, du portier au directeur, du guichetier au ministre; chaque jour, nous assistons, impuissants et encombrants à la fois, à la fuite éperdue de nos enfants, de nos cadres, de nos élites qui ont choisi l’exil à la déréliction, de repartir de zéro malgré tant de sacrifices, tant de diplômes et tant de patience, mais, au fond de nous, subsiste encore, semblable à une braise récalcitrante, cette brûlure qui nous interdit d’être insensibles au naufrage de notre patrie et de croire que tout est perdu », a relaté ainsi l’auteur de plusieurs ouvrages et roman considérés comme des best-sellers dans plusieurs pays à travers le monde à l’image des « Hirondelles de Kaboul », « L’Attentat » et « Les Sirènes de Bagdad ».

Dans ce même texte, Yasmina Khadra n’a pas manqué de rendre hommage au courage et l’abnégation du peuple algérien.  « Nous sommes le peuple-boomerang. Le sort nous catapulterait à travers mille déconvenues que nous finirions par retourner chez nous fleurir nos monuments, renouer avec le serment fait à nos morts et nous reprendre en mains afin que naisse, sur le bassin méditerranéen, un joyau nommé Algérie. Nous sommes le peuple-saumon, les vertiges abyssaux, la féerie des coraux, le clinquant illusoire, l’espace infinie des océans ne sauront guère nous détourner de notre source natale et aucun torrent ne nous empêchera de remonter à contre-courant jusqu’au coeur de notre patrie », souligne à ce sujet l’écrivain algérien qui traduit dans une quarantaine de langues.

Yasmina Khadra reconnaît, par ailleurs, que le bilan de ces 60 ans d’Indépendance est mitigé et nourrit de nombreuses frustrations. Mais l’optimisme demeure de mise grâce à la dignité héroïque du peuple algérien et son sens élevé des responsabilités.

« Certes, beaucoup reste à faire après tant de gâchis. Les mentalités sont polluées, l’école et l’université sont quasiment sinistrées, la médiocrité continue de gangréner les secteurs névralgiques de la nation. Plus personne ne croit en personne ni en un idéal, et c’est tout à fait normal après six décennies de mensonges, de népotisme et de clochardisation idéologique. Aucun peuple ne pourrait rester lui-même s’il venait à subir ce que les Algériens ont subi. Mais il arrive, parfois, aux forêts de survivre aux incendies et à la flore que faire d’un terrain vague un jardin d’éden. Il sera ainsi pour l’Algérie, j’en suis absolument convaincu. Maintenant que nous avons touché le fond, et creusé encore et encore, nous sommes obligés d’admettre que notre salut n’est pas là où nous creusons, mais là où il va nous falloir ériger. Nous avions presque atteint ce rêve avec le Hirak, sauf que nos objectifs ne convergeaient pas et ce qui devait nous unir nous a misérablement disloqués. Avons-nous retenu la leçon ? Je l’ignore; ce dont je suis certain est que si nous avons survécu au terrorisme et aux manoeuvres scélérates de vingt ans de règne mafieux, ce n’est point un hasard, mais notre destin », a conclu ainsi l’auteur qui est devenu l’écrivain algérien le plus célèbre de sa génération.

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