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mercredi, avril 24, 2024

Un train jusqu’à Tamanrasset et Adrar avec une SNTF déficitaire, endettée et entièrement mal-gérée ?

L’Algérie veut développer son rail et connecter toutes les régions du pays par des trains modernes. Hier dimanche, lors  des travaux d’un Conseil des ministres présidés par Abdelmadjid Tebboune, le gouvernement algérien a été instruit de développer le « rail pour englober les quatre coins du pays jusqu’à Tamanrasset et au delà, Adrar et au delà, dans la perspective de la réalisation et de la mise en service du Port-centre d’El Hamdania, à même d’alléger la surcharge sur le trafic routier et baisser les coûts de transport des marchandises et des personnes ». 

L’Algérie est un vaste pays et immense territoire. C’est le plus grand pays sur le continent africain. Le rail peut effectivement faciliter les transports et insuffler une véritable dynamique économique. Cependant, le rail algérien est entre les mains de la Société nationale des Transports ferroviaires (SNTF), une entreprise étatique totalement déstructurée, endettée et largement dominée par la mauvaise gouvernance. Sans une véritable réforme du management de la STNF, il est impossible de rêver du développement du rail en Algérie.

Il faut savoir que le chiffre d’affaires annuel de la SNTF avoisine à peine les 4 milliards de DA, à savoir près de 26 millions d’euros. Un chiffre totalement ridicule et incroyable dans un pays vaste comme l’Algérie où le train jouit de perspectives énormément prometteuses. A titre de comparaison, au Maroc, l’Office national des chemins de fer (ONCF), l’équivalent de la SNTF, a réalisé en 2019, un chiffre d’affaires global de 374 millions de dollars ! Et pourtant, le Maroc est beaucoup moins vaste et moins peuplé que l’Algérie. En Tunisie, la Société nationale des chemins de fer tunisiens ou SNCFT va presque égaler la SNTF puisqu’elle réalise un chiffre  d’affaires qui dépasse l’équivalent 10 millions d’euros alors que tout le territoire tunisien ne dépasse pas la superficie d’une seule wilaya en Algérie.

On l’aura compris : la SNTF en Algérie est un véritable frein au développement du rail car sa mauvaise gestion est, d’abord, la première source de tous ses problèmes. Aucun rapport financier sérieux ni le moindre audit profond n’a été entamé depuis des années pour ausculter la gestion financière de la STNF. La situation actuelle de ses dettes et de son déficit fait l’objet d’une opacité très inquiétante. Entre 2009 et 2010, la SNTF frôlait la faillite et avait besoin en extrême urgence de 30 milliards de dinars, dont 8 milliards de dinars de liquidités, pour retrouver son équilibre.

Et depuis l’Etat algérien n’avait jamais cessé d’injecter de l’argent pour maintenir en vie cette entreprise déficitaire. Preuve en est, près de 68 milliards de dinars, à savoir près de 460 millions d’euros, entre 2015 et 2020 ont été alloués par l’Etat pour le renouvellement du matériel roulant et le développement de l’activité de la SNTF. Celle-ci devait ouvrir de nouvelles destinations et réhabiliter 80% des voitures et 90% des locomotives exploités.

Or, jusqu’à aujourd’hui, ces nouvelles destinations, les Algériens les attendent avec impatience ! L’Etat algérien avait également financé un autre programme d’investissement qui devrait être lancé pour la période 2020-2025 et sera financé principalement par le « restant des 127 milliards de dinars déjà attribués par l’Etat en 2011″, a tenté de relativisé récemment la direction générale. Or, comment cet argent a été géré ? Et quels sont les retours sur investissement ? Naturellement, personne ne rend des comptes en Algérie.  Il s’agit, pourtant, d’un budget équivalent à 840 millions d’euros !

Malgré tout argent alloué à la SNTF, cette entreprise étatique assure à peine 5 % du marché du transport terrestre des marchandises en Algérie ! Et dire qu’elle dispose du monopole et se contente de 5 % de parts de marchés.  Les objectifs de la SNTF est d’atteindre 17 %, avec les grands projets industriels de Bellara et la transformation du phosphate. Pourquoi dépendre de ces projets alors que l’Algérie est un vaste territoire et le transport des marchandises dans toutes les wilayas du pays est un enjeu économique majeur ? Silence énigmatique. Il est à souligner que la part du rail dans le transport national de voyageurs en Algérie est passé difficilement de 5% en 2007 à 20% en 2015. Et encore ces chiffres officiels ne traduisent pas la réalité du terrain car le train est beaucoup moins utilisé que cela par les algériens.

Et pour cause, des gares insalubres, des trains éternellement en retard, un réseau encore vieillissant hérité de l’époque coloniale, les problèmes qui aggravent le sous-développement du rail en Algérie sont nombreux. Pour maquiller son bilan catastrophique, la SNTF tente de rassurer en affirmant que son déficit baisse d’une année à une autre et met toujours en exergue les performances de sa ligne Alger-Oran grâce aux trains CORADIA du constructeur ALSTOM qui roule régulièrement à 120 KM pour connecter les deux grandes villes du pays. Toutefois,  la vitesse moyenne des trains actuellement est de 70 Km/h en Algérie. Ridicule dans un monde caractérisé par les trains à grande vitesse.

Le réseau ferroviaire actuel en Algérie souffre de plusieurs déficiences comme les passages à niveaux anarchiques ou les constructions illicites autour des rails. Un véritable fléau. Le réseau ferroviaire est d’à peine plus de 4 576 km en Algérie avec à peine 324 Km de voies électrifiées. Il était prévu en 2021 de se doter de 2.300 km au niveau de la ligne des Hauts plateaux reliant l’extrême-est du pays, de la wilaya de Tebessa à Moulay Slissene dans la wilaya de Sidi Bel-Abbès. Mais jusqu’à aujourd’hui, aucune trace de ces nouvelles voies ferrées. Pour expliquer les retards de la réalisation de certains projets, les autorités algériennes invoquent des  » délais longs d’expropriation et aux décrets exécutifs relatifs à l’intérêt public ».

L’Algérie doit absolument revoir le mode de fonctionnement de son secteur ferroviaire et cesser de dépendre de la SNTF si elle veut réellement rattraper tout son retard.

 

 

 

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