Révélations. Air Algérie, Port d’El Hamdania : comment les 30 actions approuvées par Tebboune sont tombées à l’eau

En 2016, lorsque le Ministère des Transports fusionne avec celui des Travaux Publics il y avait une raison, elle était nécessaire pour permettre au ministre des travaux publics de l’époque de continuer à profiter des gros projets que le secteur des transports aller ramener dans son escarcelle.

De grands et gros projets s’annonçaient : Le Port centre (El Hamdania), Le renouvellement de la flotte d’air Algérie, les différents projets de tram, les extensions ferroviaires et de métro, les télécabines, les gares routières, les joint-ventures avec les américains et avec les suisses dans le ferroviaire pour ne citer que les plus importants. Or, dans tous ces projets, en plus de la manne qu’ils allaient prodiguer et qui allait arroser tout le monde, deux gros oligarques, Les frères Kouninef et Ali Haddad, voulaient avoir les plus grosses parts du lion.

En janvier 2020, avec le premier gouvernement Djerad I, Farouk Chiali avait été nommé Ministre des Travaux Publics et des Transports avec l’espoir qu’il allait être souple avec au moins deux dossiers, celui du Port centre, celui des 2 bateaux porte-conteneurs. Quand il a été remarqué que le Ministre n’était pas aussi malléable, il est mis fin à la fusion des deux ministères en nommant un ministre des transports qu’on espérait “arrangeant”. Farouk Chiali est dessaisi des Transports, car il n’a manifestement pas été très souple pour les deux premiers projets. Il reste néanmoins ministre des Travaux publics, alors que Hani est nommé ministre des transports, le 23 juin 2020. Avec l’assomption qu’il serait proche de Djerad, il serait malléable à loisir. On était même content qu’il soit fustigé comme par certains pour qu’il est “la gueule de l’emploi” et mieux abîmer son image.

Un plan d’action approuvé 

Mais les choses ne se passent pas vraiment comme elles semblaient avoir été planifiées par ceux qui avaient pensé à ce plan. Tout au début du mois de juillet, le Président de la République, Abdelmadjid Tebboune, demande à Hani, un plan d’actions. Ce dernier lance l’élaboration de ce plan au moment où il rejoint son domicile car infecté par le COVID. Le plan d’actions est quand même produit et présenté d’abord au conseil du Gouvernement pour être approuvé au Conseil des Ministres du 23 août 2020.

Il commence tout de suite à mettre en pratique son plan d’action. Tout d’abord une stratégie de développement du transport aérien au début septembre 2020. Il la passe en conseil de gouvernement et juste après en conseil de ministre. Il est proposé, un redéploiement total de la compagnie Air Algérie pour l’élever au niveau de l’excellence et rivaliser avec toutes celles qui lui prennent des parts de marché depuis des décennies. En plus de plus étoffer le réseau national tant en nouvelles lignes qu’en aéroports, il était prévu l’ouverture de nouvelles lignes telles que New York, Kuala Lumpur, Amsterdam, Johannesburg, Lagos, Nairobi, Marrakech, Guangzhou… La totalité de la flotte, vieillissante, devait être changée en l’espace de 10 ans, notamment la pourvoir de longs courriers pour les nouvelles destinations intercontinentales. Une nouveauté pour l’acquisition de ces avions, il était proposé un montage innovant qui ménage les finances publics pour l’acquisition de ces aéronefs. Un recours aux leasing pour près de 48% du montant. Près du quart de cette somme viendrait des fonds propres (106 Milliards de DA) de la compagnie air Algérie et le dernier quart d’un crédit bancaire bonifié.

Les prévisions étaient que la compagnie passerait bénéficiaire dès la sixième année avec cette acquisition. En vrac d’autres dispositions étaient proposées et qui devaient être mises en place dès octobre 2020 : Réorganisation globale des aéroports, de la compagnie, de son système d’information et de l’utilisation et l’application des technologies du numérique à tous les niveaux. La filialisation de toutes les activités du transport aérien : notamment l’assistance au sol et la maintenance. Fermeture des représentations à l’étranger à l’exception de 4 représentations avec des effectifs ciblés, la pléthore de personnels actuelle ne peut être justifiée avec l’utilisation de l’Internet dans l’aérien. Création d’un Hub à Alger. Création d’une filiale low-cost pour occuper la niche du low cost et non pas d’une compagnie aérienne intérieure comme la presse l’avait annoncé. Adhésion à des alliances internationales et enfin prises de participations dans des capitaux de compagnies aériennes en Algérie et en Afrique. Voilà ce qui était prévu et qui avait commencé à être appliqué pour le personnel à l’étranger mais “empêché” temporairement par la Covid-19.

Un transport maritime en situation de faillite 

Sur sa lancée, Hani présente le 4 octobre 2020, une stratégie de développement du transport maritime, au conseil de gouvernement. Elle propose la dissolution pure et simple des compagnies CNAN Nord (Déficit : 1,8 MDA et Endettement : 16,8 MDA) et CNAN MED (Mixte dont 49 italien. Déficit : 387 MiDA et Endettement : 8,8 MDA. la dissolution : à rappeler que c’est l’autre raison pour laquelle le Ministre voulait annuler l’achat des deux bateaux porte conteneurs), d’une part tout en proposant la création d’une compagnie de transport des céréales, une autre de transports de conteneurs et une société de Manning. Il est proposé tout un plan de formation et de valorisation de la ressource humaine. De remettre en route la construction et réparation navale, pour ne citer que les grandes lignes de de cette stratégie de développement du maritime algérien. C’était ce plan qui aurait pu permettre, s’ils avaient été appliqués plutôt, d’améliorer les indicateurs des 3 compagnies maritimes algériennes, CNAN Nord, Cnan Med et ENTMV (Transport de voyageurs) : une situation de quasi faillite de ces 3 compagnies, un poids des charges notamment celles relatives au personnel et surtout un surendettement disproportionné pour les entreprises.

En résumé,  l’Algérie souffrant de grands dysfonctionnements.  Incompétence du management aussi bien au niveau du Groupe qu’au niveau des filiales ; Non diversification des activités au sein des filiales ; Mauvaise gestion de la flotte ; Pléthore de personnel souvent à l’origine d’un climat social délétère ; Poids du syndicat ; Déficit en personnel navigant notamment en Officiers.

Ce document est bien passé en conseil de gouvernement comme indiqué plus haut, il était programmé pour passer en Conseil des Ministres le 14 octobre. Il a été reporté d’une semaine puis d’une autre et puis c’est le départ de Tebboune en Allemagne, le 28 octobre. M. Hani ne devait plus avoir l’occasion de présenter quoi que ce soit ni au conseil du Gouvernement et encore moins au Conseil des Ministres.

Tout ce qu’il a pu faire, c’est pouvoir réaliser 4 actions du numérique pour la fin 2020 tel que planifié dont la création du premier partenariat public-privé qui a vu la naissance d’un incubateur des transports hébergé à l’ETUSA avec une capacité de 10 startups. Cette opportunité, un fleuron pour le monde de la logistique et la mobilité a fait deux émules, un à Annaba, un autre à Tébessa et, avec 2 autres en cours de création à Oran et à Béchar. Quant aux actions, 14 font partie du plan de relance économique du gouvernement, elles sont programmées pour être réalisées en 2021 et 2022. Il se trouve que l’équipe qui s’en occupait, une cellule de professionnels dans la gestion et le suivi de projets qui était aussi chargé de la numérisation du secteur, détachés d’entreprises du secteur, a été déchargée de ses missions.

Le plan d’actions est du coup orphelin ainsi que toutes les 30 actions (Moins 4) approuvées par le Président de la République dont 12 dans le numérique. Tout ce travail, ces trois documents, Le plan de 30 actions, la stratégie de développement du transport aérien et la stratégie du transport maritime, ont été produits en 3 mois (Juillet-Août-septembre). Les actions avaient été identifiées, codifiées et inscrites dans le temps avec un planning au 30 jours près. Il n’y avait pas de place pour l’imprévu ni pour des séances de “rattrapage-colmatage” de projets foireux. Les maîtres-mots étaient la numérisation, le numérique pour améliorer le bien être du citoyen en prenant en compte la Covid-19 et l’amenuisement des finances du pays.

Le catalyseur des actions du Ministère était l’incubateur Naql Tech (Créé le 29 décembre 2020, en présence des Ministres de la poste et des télécommunications et le Ministre délégué aux startups et l’économie de la connaissance).

Le deal avec les chinois : personne n’y touche ! 

En guise de conclusion, il est à retenir que Farouk Chiali a émis des réserves quant au montage concernant la réalisation du Port centre ainsi que pour l’acquisition des 2 bateaux porte conteneurs. Le 23 juin 2020, Hani est nommé ministre des transports. Le 9 janvier 2021, il est remercié et remplacé par Chiali, par intérim. Ce dernier est de nouveau sollicité pour la prise en charge. Il exprime de nouveau ses réticences. Le couperet tombe de nouveau, Chiali est remercié le 21 février. Il est remplacé par un proche de Tebboune, M. Nasri quitte l’Habitant pour reprendre les deux ministères tels qu’ils étaient jumelés (avant le 23 juin 2020) : Ministère des travaux publics et des Transports.

Une semaine plus tard, le 28 février, Tebboune demande au nouveau ministre de relancer le projet du port centre (El Hamdania) comme prévu. Sachant que le financement est chinois, il est prévu que cela soient aussi les Chinois qui choisissent le gestionnaire du Port une fois qu’il est réalisé “minhoum fihoum”, ils devront être aussi des Chinois. Vu que c’était les conditions du financement, Lazhar Hani voulait juste que l’Algérie récupère le port une fois réalisé pour que le gestionnaire ait un contrat avec Serport et non pas avec les chinois. Cela permet à l’Algérie d’avoir l’usufruit du port en donnant une concession aux chinois choisis pour le gérer. Apparemment des parties ne voulaient pas de ce montage qui n’arrangerait que l’Algérie.

Au début du mars 2021, les deux bateaux porte conteneurs étaient prévus pour la livraison à partir de Marseille. Des équipages de GATMA ont été préparés pour aller les chercher.
Conclusion : Ce que Chiali n’a pas voulu faire une première fois, ça lui a valu de perdre la partie Transports de son ministère. Hani se voit confier les Transports, il veut arrêter l’acquisition des deux bateaux (surtout qu’il avait prévu la dissolution des deux CNAN) et renégocier le contrat de réalisation du Port centre (El Hamdania) à l’avantage de l’Algérie. Les deux Ministres qui empêchaient que les choses se fassent comme il était prévu avant le 22 février 2019, sont limogés. Dès que M. Nasri les remplace : les bateaux sont en cours de livraison et le Port centre sera réalisé et géré tel que convenu par les Chinois.