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mardi, avril 16, 2024

Révélations. Abderrachid Tabi, Hamdane Abdelkader, Gasmi Djamel et les autres : les visages de la justice du « téléphone » en Algérie

La « justice du téléphone ». Tout le monde en parle en Algérie, mais personne ne sait exactement de quoi il s’agit. Comment cette justice de l’arbitraire exécute des injonctions qui lui sont communiquées par téléphone et d’en-haut ? Quels sont les véritables acteurs et responsables de ce système judiciaire qui emprisonne chaque jour des jeunes militants pacifiques et inoffensifs ? Algérie Part vous explique tout. 

Le système judiciaire algérien est une pyramide qui repose sur un pouvoir surélevé ayant des ramifications multiples jusqu’à la base. En haut de la pyramide, nous retrouvons 6 hommes qui forment la véritable chaîne de décisions de ce système. Il s’agit de : Abderrachid Tabi, président de la Cour Suprême, Abderrahim Madjid, Procureur général près la Cour Suprême, Bitam Abdelmadjid, Directeur général des ressources humaines au ministère de la Justice, Hamdane Abdelkader, inspecteur général du ministère de la Justice, Djaarir Abdelhafid, Directeur général des affaires judiciaires et juridiques au ministère de la Justice, Gasmi Djamel, président de la Cour d’Alger, la plus importante cour de justice de tout le pays.

Ces 6 hommes sont ceux qui qui forment le commandement actuel du système judiciaire. Tous les gros dossiers passent par eux. Ils sont à l’origine de tous les verdicts préfabriqués. Ils sont la source de toutes les poursuites judiciaires et décisions arbitraires prises à l’encontre des militants du Hirak ou des citoyens innocents lesquelles croupissent en ce moment en prison pour avoir revendiqué des libertés individuelles ou publiques. Mais avant d’expliciter les dessous de ces décisions, concentrons-nous d’abord sur le parcours et les « qualités morales » de ces décideurs.

Force est, en effet, de constater qu’ils sont les purs produits du système algérien et de ses pratiques occultes ou claniques. Prenons le cas du président de la Cour Suprême, Abderrachid Tabi. Il avait  occupé pendant presque deux ans, le poste d’avocat général auprès de la Cour Suprême.  Il y a 20 ans déjà, il avait occupé le poste de chef de cabinet à l’APN, du temps de Karim Younes. Avant cela, il avait été nommé en tant que chef de cabinet du ministre de la Justice et puis, au même poste ministère des Moudjahidine. Auparavant, Abderrachid Tabi avait exercé en tant que secrétaire général auprès des cours de justice d’Oum El-Bouaghi et de celle Bouira.

On le voit bien, ce haut responsable est formaté par le système, il a été éduqué et élevé suivant les méthodes du régime algérien qui étouffent toute liberté d’agir au magistrat. Le magistrat est un serviteur dévoué pour le régime, il ne peut en aucun cas constituer un élément indépendant soucieux de la défense des droits civiques du citoyen algérien.

Abderrachid Tabi comme les autres « chefs » hiérarchiques sélectionnés par le régime algérien pour diriger le secteur de la Justice sont des « fidèles soldats » qui ne peuvent en aucun cas désobéir au diktat politique. Ils ont été forgés au cours de leur long parcours pour agir et réfléchir en tant que simple maillon de la longue chaîne du système sécuritaire de gouvernance en Algérie.

Il faut savoir également que ces 6 décideurs du système judiciaire algérien ont été tous nommés le même, à savoir le 10 juin 2019, par le président par intérim Abdelkader Bensalah. Un communiqué officiel de la Présidence de la République sorti ce jour-là a officialisé la nomination de : Abderrachid Tabi, Premier président de la Cour suprême, Abderrahim Madjid, Procureur général près la Cour suprême, Bitam Abdelmadjid, Directeur général des ressources humaines au Ministère de la Justice, Hamdane Abdelkader, Inspecteur général au Ministère de la Justice,  Djaarir Abdelhafid, Directeur général des affaires judiciaires et juridiques au Ministère de la Justice et Gasmi Djamel, Président de la Cour d’Alger.

Selon nos investigations, cette équipe a été formée par l’actuel ministre de la Justice, Belkacem Zeghmati en concertation avec un certain Wassini Bouazza, le général et ex-chef de la Direction Générale de la Sécurité Intérieure (DGSI), l’un des hommes clés du système mis en place par le défunt Ahmed Gaid Salah.

Depuis le 14 avril dernier, le général Wassini Bouazza a chuté brutalement et se retrouve à la prison militaire de Blida. Mais le système qui l’avait dessiné et proposé au haut commandement militaire de l’ANP, véritable détenteur du pouvoir depuis la disparition du clan présidentiel des Bouteflika, est toujours en place. Zeghmati et son équipe de collaborateurs sont toujours en fonction et poursuivent l’exécution de la même feuille de route.

Cette feuille de route consiste à étouffer toutes les voix discordantes qui dérangent le régime militaire et sécuritaire instauré par Ahmed Gaid Salah. Une répression qui est légalisée puisqu’elle passe par l’usage des articles les plus sombres du code pénal algérien en leur apportant des modifications violentes ou des interprétations sournoises.

Et concrètement, comme fonctionne la justice de téléphone ? Le ministre de la Justice instruit l’inspecteur général Hamdane Abdelkader et lui donne l’ordre de s’attaquer à une « cible »? Hamdane Abdelkader qui prend attache avec les Procureurs Généraux près des Cours de Justice et les Procureurs de la République près des tribunaux répartis à travers le territoire national. Il leur communique verbalement les consignes et les injonctions.

Ensuite, c’est Djaarir Abdelhafid, Directeur général des affaires judiciaires et juridiques au Ministère de la Justice, qui intervient pour traiter les dossiers judiciaires et impose la façon dont la « cible » doit être poursuivie et jugée. Les Procureurs généraux passent à l’action et ordonnent aux services de police judiciaire des divers services de sécurité d’agir et d’ouvrir les enquêtes. DGSN, gendarmerie nationale et même les éléments de la DGSI, l’ex-DRS, sont mis à contribution. A ce niveau aussi, des instructions verbales sont communiquées sans aucune trace pour « préfabriquer » des dossiers accablants à l’encontre des militants, activistes ou personnalités ciblées par machine judiciaire. Les PV des services de sécurité sont ensuite transmis aux Procureurs généraux qui communiquent finalement leurs instructions aux juges d’instruction pour incarcérer les « cibles ».

Les Procureurs généraux près des 48 cours de justice répartis à travers le territoire national contrôle minutieusement le travail des juges d’instruction et des chambres d’accusation, les principaux instruments de l’incarcération des personnalités ciblées par le régime algérien.

Ces 48 procureurs généraux doivent contrôler les 210 tribunaux répartis dans toutes les régions en Algérie. Les instructions ou injonctions immorales ou illégales ne sont jamais communiquées par écrit. Tout est transmis par téléphone afin de ne laisser aucune trace qui pourrait se retourner contre les supérieurs hiérarchiques du système. Et c’est ainsi que fonctionne la fameuse « justice du téléphone », le principal outil de la  répression arbitraire en Algérie.

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