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vendredi, avril 26, 2024

Priver les Algériens de leur forte consommation de gaz naturel pour vendre davantage de quantités aux italiens : le régime algérien envisage-t-il cette option ?

C’est fait.  Le Premier ministre italien Mario Draghi a entamé ce lundi une visite en Algérie au cours de laquelle il devrait tenter d’obtenir une augmentation des fournitures de gaz algérien à son pays qui cherche de sortir de sa dépendance de la Russie. La visite de M. Draghi, sur invitation du président algérien Abdelmadjid Tebboune, « intervient dans le cadre du renforcement des relations de coopération entre les deux pays », selon la présidence algérienne. L’Algérie, l’un des principaux partenaires commerciaux de l’Italie, est son deuxième fournisseur en gaz, derrière la Russie dont proviennent 45% des importations gazières de la péninsule.

De nombreux médias italiens ont annoncé qu’un important gazier sera conclu en marge de cette visite d’Etat. Il s’agit d’un nouvel accord gazier pour une fourniture de 9 milliards de m 3 supplémentaires par an au profit de l’Italie. Or, il s’agit d’une quantité colossale que l’Algérie ne pourrait pas honorer dans l’immédiat si l’on prend en considération les indicateurs récents de sa production nationale du gaz naturel.

Comme il avait révélé auparavant par Algérie Part dans l’une de ses précédentes enquêtes, la production nationale du gaz naturel s’élève à 130 milliards de mètres cubes. Cette production nationale stagne depuis 2018 et elle peine à progresser en raison de la diminution des réserves existantes et du coût très onéreux des investissements nécessaires pour exploiter l’ensemble des gisements abritant potentiellement des réservoirs importants en gaz naturel. La majeure partie de cette production nationale est destinée à la satisfaction des besoins… nationaux. Depuis 2020/2021, des rapports internes au sein de Sonatrach consultés par Algérie Part démontrent que plus de 60 % du gaz naturel produit par l’Algérie est orienté exclusivement vers les divers besoins nationaux.

En effet, rien que la consommation domestique via le raccordement au réseau de gaz naturel, ce qui est appelé communément gaz de ville en Algérie, nécessite la consommation de 48 milliards mètres cubes par an. A ces volumes considérables, il faut rajouter d’autres grosses quantités de gaz naturel indispensables pour la production de l’électricité. Il faut savoir qu’en Algérie, pas moins de 99 % de l’électricité consommée par les Algériennes et Algériens est produite à partir… du gaz naturel. Depuis 2020/2021, la production de l’électricité nécessite une consommation annuelle dépassant les 20 milliards de mètres cubes.

Comment va faire donc l’Algérie pour livrer davantage de gaz naturel à l’Italie qui importe depuis 2019 environ 21 milliards de m3 depuis notre pays ? Avec cette quantité  supplémentaire de 9 milliards de M3, l’Italie pourrait élever sa consommation du gaz algérien à plus de 30 milliards de M3, à savoir le même niveau de consommation et d’importation de l’Italie du gaz russe. Le Gaz algérien permettra ainsi de réduire la dépendance de l’Italie vis-à-vis de la Russie. D’autres accords sont en cours de négociation entre l’Italie et plusieurs autres pays gaziers comme le Qatar ou le Nigeria. La fin de la dépendance vis-à-vis du gaz russe est une priorité nationale en Italie. Et l’Algérie devra jouer un rôle majeur… mais à condition de démontrer sa capacité à exporter de nouvelles quantités de gaz naturel vers le marché italien.

C’est justement à ce niveau que toutes les interrogations sont soulevées. Les données économiques ne mentent pas : pour l’heure, l’Algérie avec le même rythme de production nationale, est incapable d’augmenter ses parts de marchés en Italie. En 2018, les exportations de gaz se sont élevées à 51.5 Gm3 dont 75% par gazoduc et 25% sous forme de GNL. La première destination du gaz algérien reste le marché européen, essentiellement l’Italie (35%), l’Espagne (31%), la Turquie (8.4%) et la France (7.8%). Mais Les exportations par gazoduc sont négociés dans le cadre de contrats à long terme d’une durée moyenne de 10 ans.

Or, ce lundi, Mario Draghi devra signer un nouvel accord dont les modalités n’ont pas été encore précisées. Puisque l’Algérie ne peut pas contractuellement rompre ses contrats à long terme avec ses autres clients comme l’Espagne, à moins de rompre les relations diplomatiques avec Madrid et de provoquer un cycle de tensions géopolitiques très dangereux, une seule et unique option s’impose aux dirigeants algériens : réduire la forte consommation interne du gaz naturel pour pouvoir vendre et exporter davantage vers l’Italie.

En 2021, la demande en gaz naturel sur le marché local en Algérie a dépassé les 45 milliards de m3. C’est un seuil très élevé qui va encore augmenter à partir de cette année 2022. Cette grosse consommation nationale du gaz naturel occasionne des dépenses budgétaires affolantes. Et pour cause, l’Algérie, qui produit son électricité à 99% à partir du gaz naturel, vend cette ressource sur le marché local à 0.24 dollar le MMBTU (Million de BTU), alors qu’elle est facturée entre 7 à 9 dollars le MMBTU sur les marchés étrangers. Cela signifie que la consommation en gaz naturel va coûter à l’Etat algérien en 2021 l’équivalent de plus de 11,2 milliards de dollars. Cet argent, l’Algérie ne pourra jamais le récupérer puisque le gaz naturel est vendu au rabais sur le marché local, à savoir à des prix subventionnés.

Pour réduire cette forte consommation nationale, l’Algérie a besoin aussi d’une source d’énergies alternatives comme les énergies renouvelables. Or, le pays est totalement archaïque en matière de développement des énergies renouvelables. Dans ce contexte, réduire la consommation nationale équivaudra à rationner la consommation du gaz et de l’électricité par les consommateurs algériens. Un pari risqué qui ne manquera pas de déstabiliser le quotidien de la population algérienne et pourrait donner naissance à des troubles sociaux. Une telle option est donc très risquée pour le régime algérien. Comment va faire donc l’Algérie pour « offrir » une nouvelle quantité de 9 à 10 milliards de m3 par an à l’Italie ? A Alger, personne n’apporte des réponses claires et rationnelles à cette question qui intrigue tous les observateurs avertis de l’Energie.

 

 

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