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vendredi, mars 29, 2024

Ok, Rebrab est libre, mais l’Etat Algérien demeure désarmé face au fléau de la surfacturation

La première fortune du pays, le milliardaire Issad Rebrab est sorti dans la nuit de mardi à mercredi de la prison d’El-Harrach après avoir été condamné par le tribunal de Sidi M’hmad à Alger à  six mois de prison ferme et une année de prison avec sursis pour infraction à la législation relative au mouvement des capitaux et surfacturation lors d’une opération d’importation. 
Etant donné que Rebrab est emprisonné à El-Harrach depuis le 23 avril dernier, il a pu ainsi quitter sa cellule et jouir de la libération puisqu’il a effectué entièrement sa peine de prison ferme. Ceci dit, au delà de la libération du patron de CEVITAL, le premier groupe privé en Algérie, qui enchante légitiment les partisans de Rebrab et un certain nombre d’Algériens fans du parcours et de la réussite de cet homme d’affaires, ce procès aura révélé toute l’incapacité de l’Etat algérien à juguler le fléau de la surfacturation. Oui, un véritable fléau qui ronge l’économie du pays depuis des années et dont l’Etat est incapable de contrôler.
En effet, ce procès a prouvé que Rebrab est bel et bien coupable de surfacturation, à savoir une inquiétante infraction à la législation des changes. L’expertise des douanes algériennes des factures gonflées a révélé que la valeur réelle des équipements importés par le groupe Cevital est de 98. 983.000 DA et a révélé un écart de 691.576.630 DA entre la valeur réelle des équipements en question et le montant déclaré. En clair, le montant déclaré auprès de la Douane est de 5 750 000 euros, alors que, selon l’expertise, le prix réel des machines importées est de 98 millions de dinars, à savoir à peine 800 000 euros.  Ce qui constitue une anomalie et un transfert illicite de devises. Naturellement, les avocats d’Issad Rebrab ont tenté de démentir cette accusation en prétextant que l’expertise réalisée par les douanes algériennes n’est pas neutre et il faudrait commander une nouvelle expertise.
Un argument qui n’est pas suffisant pour convaincre les plus réticents puisque même un expert bancaire indépendant, à savoir M. Si Fodil, interrogé par la présidence de la séance a expliqué  qu’il y avait bien une anomalie dans l’opération d’importation menée par la filiale du groupe CEVITAL puisque dans le dossier fourni, il y avait un document, le bon de livraison au nom d’Ev Con, établi dix jours avant la création de la société EVCON.

Ensuite, l’enquête judiciaire a démontré que le transport de la marchandise de la société de Rebrab s’est effectué selon un bon de chargement daté du 10 mai 2018,  alors que l’existence légale de la société EvCon a eu lieu le 20 mai 2018. A ce propos, le directeur de la société EvCon, Hocine Medjahed, a expliqué à ce propos que le chargement du matériel a été fait, dans un premier temps, au nom de Cevital, et comme son acheminement par voie maritime allait prendre plusieurs semaines, ils ont eu le temps de refaire la domiciliation au nom d’EvCon, qui est une filiale du groupe.

Néanmoins, les anomalies s’enchaînent dans cette affaire puisque la fameuse machine révolutionnaire de production d’eau ultra-pure a été commandée auprès d’une société sud-coréenne appelée Woojin qui fabrique ces équipements sur commande et non en série vu leur prix et la faiblesse de la demande. Et pourtant, le groupe CEVITAL avait expliqué que cette machine est le fruit d’une technologie unique au monde conçue par un centre de recherche et développement EvCon Technology, basé à Munich.

Ensuite, la justice algérienne découvre que la commande a été effectuée auprès d’un intermédiaire et non pas directement auprès du véritable fabricant. Des soupçons entourent la société montée en Corée du Sud qui aurait des intérêts financiers divers avec Issad Rebrab et ses proches.  Par ailleurs, les avocats de Rebrab n’ont pas du tout réussi à convaincre les plus réticents concernant la véritable facturation du prix de cette machine et Rebrab a véritablement payé cette machine à sa propre société 10  fois son prix d’achat proposé par le fabricant initial. Les devises servant à financer cette opération d’importation  sont transférées par une banque algérienne, à savoir la Housing Bank Algérie. Et le taux de change qui a permis à Rebrab de bénéficier du financement de la banque établie à Alger n’est pas celui du square Port Said mais l’officiel, à savoir un taux compensé et soutenu par la Banque d’Algérie et les deniers publics.
La suite de l’affaire nous réserve des surprises gênantes et nous explique, en vérité, les véritables dessous du mode de la surfacturation. En effet, ce n’est pas la facture du fabricant que le milliardaire Issad  Rebrab fait prévaloir auprès de la banque basée à Alger, des services des Douanes et des services du Fisc algériens ou de la comptabilité de son groupe. Mais c’est celle dont le montant est 10 fois supérieurs au prix initial de cette machine. D’ailleurs, il se fait délivrer cette société par une société intermédiaire.
Les devises transférées à l’étranger pour les besoins de cette importation d’importation ont provoqué un préjudice au Trésor Public étant donné que certaines de ces sommes qui ont quitté l’Algérie vont atterrir dans les caisses d’une entreprise étrangère et qu’elle ne déclarera qu’au fisc du pays où cette société est enregistrée. Et cette opération est totalement gagnante pour Issad Rebrab surtout si ce dernier détient des participations dans cette société sud-coréenne auprès de laquelle il avait importé ses machines en Algérie.
Nous sommes donc face à un véritable cas d’école que les autorités algériennes doivent traiter en toute urgence pour en finir avec ce fléau de la surfacturation des importations algériennes surtout que les importateurs algériens recourent  à des sociétés d’exportation dans lesquelles ils détiennent eux-mêmes des actifs ou des participations. Et ces sociétés exportent seulement ce que ces importateurs algériens importent… et au prix fort !
C’est le subterfuge très simple qui a permis à tous les « opérateurs économiques »  algériens de se faire des comptes garnis en devises transférées « très légalement » parce que dans la loi algérienne rien n’interdit à un opérateur algérien d’être…son propre client à l’étranger. Ou du moins les services des douanes ne font pas sérieusement leur travail pour vérifier ces situations opaques et douteuses.  Si aucune mesure légale ne vient réglementer ces transactions entre l’opérateur algérien et sa propre société située à l’étranger, ou une société détenue par des prêtes-noms qui travaillent directement ou indirectement avec l’importateur algérien, absolument rien n’arrêtera l’hémorragie en devises dont souffrent cruellement notre pays.
Naturellement, il ne sert à rien d’incarcérer des hommes d’affaires pour trouver des solutions  à ce problème. Il est nettement plus utile de revoir la législation algérienne, de moderniser nos banques et nos services des douanes. Il est, surtout, urgent de revoir notre politique monétaire qui incite tous les opérateurs économiques à recourir à la surfacturation pour gagner de précieuses devises qu’ils ne peuvent justifier ou obtenir en Algérie.
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