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jeudi, mars 28, 2024

Mégaprojet d’exploitation du phosphate de l’est algérien : a-t-on dit toute la vérité à Tebboune ?

Ce dimanche 10 avril, un important Conseil des ministres est prévu à Alger sous la présidence d’Abdelmadjid Tebboune. Des dossiers stratégiques ont été inscrits à l’ordre du jour à l’image du taux de suivi du projet de Phosphate. Un dossier dans lequel de nombreuses interrogations persistent depuis les récentes annonces  concernant la conclusion d’un partenariat qualifié de « stratégique » avec deux sociétés chinoises qui n’ont, pourtant, aucune envergure mondiale dans le domaine de l’exploitation minière et la transformation industrielle des matières premières. Dans ce dossier, il semble que le Chef de l’Etat, Abdelmadjid Tebboune, est très mal informé, voire grossièrement manipulé par ses collaborateurs et les membres du gouvernement. 

Le 22 mars dernier, les autorités algériennes ont organisé la cérémonie de signature d’un pacte d’actionnaires pour la création, en partenariat algéro-chinois, d’une société par actions de droit algérien pour entamer le développement de ce qui est appelé le Projet phosphates intégré (PPI).

Officiellement, ce projet impliquant les groupes algériens ASMIDAL (filiale de Sonatrach) et Manadjim El Djazair (MANAL) d’une part, et les sociétés chinoises » Wuhuan » et « Tian’an » d’autre part, avec un investissement très important allant jusqu’à 7 milliards de dollars, s’étalera sur 4 wilayas de l’est du pays.  Il comprend des projets d’infrastructures connexes nécessaires pour accompagner le PPI, estimés à 5 à 6 milliards de dollars. Pour les besoins de ce mégaprojet, une nouvelle société algéro-chinoise a été créée et appelée « Algerian Chinese Fertilizers Company » (ACFC).

Sa création a été donc annoncée officiellement le 22 mars dernier et elle devra avoir pour mission d’effectuer l’ensemble des études économiques et techniques. Par la suite, une partie de la production sera orientée vers le marché local et une grande partie sera orientée vers l’export, ce qui fera de l’Algérie « l’un des importants producteurs et exportateurs » d’engrais phosphatés sur le plan international, ont promis les initiateurs de ce mégaprojet notamment l’actuel PDG de Sonatrach, Toufik Hakkar.

La nouvelle société dénommée « ACFC » est détenue à 56% par la partie algérienne et à 44% par la partie chinoise. Représentant un investissement d’environ sept (7) milliards USD, le PPI est le premier projet intégré en Algérie dans le domaine de l’exploitation minière et la production d’engrais, selon les données obtenues lors de la cérémonie de signature.

Or, comme vous l’avez certainement compris, pour l’heure, les autorités algériennes ont validé uniquement la création d’une nouvelle société dédiée à l’exploitation des gisements du phosphate du pays. Pour l’heure, aucun projet industriel n’a été lancé et aucun échéancier précis n’a été fixé pour concrétiser ce lancement. En clair, aucune activité industrielle ne sera lancée à court-terme ni à moyen-terme puisque la nouvelle société, d’après les explications fournies le jour même de la signature de sa création, devra, d’abord, effectuer « des études économiques et techniques » pour assurer la faisabilité de ce méga-projet.

Cette position est en soi une anomalie pour la simple raison que toutes les études sur ce projet industriel ont été réalisées et achevées depuis au moins 2016/2017 puisque précédemment, des groupes chinois avaient conclu un premier accord avec l’Algérie pour lancer l’exploitation industrielle du phosphate dans notre pays.

Comme il a été expliqué récemment dans une enquête précédente d’Algérie Part, le géant chinois CITIC s’était engagé officiellement par le passé à apporter les 80 % de parts de l’investissement de 6 milliards de dollars nécessaires pour la réalisation de ce méga-projet d’exploitation et de transformation de phosphate. Le géant chinois avait également signé publiquement au moins deux accords officiels avec le gouvernement algérien pour concrétiser ce méga-projet.

Le 26 novembre 2018, l’ex-PDG de Sonatrach, Abdelmoumen Ould Kaddour, et le PDG de la société chinoise CITIC, Chen Xiaoijia, ont signé un accord officiel à la direction de transfert du gaz à Oglet Ahmed, dans la wilaya de Tébessa, en présence de l’ex-Premier ministre, Ahmed Ouyahia, qui stipule un partenariat à 51-49 % entre les groupes industriels publics algériens Sonatrach et Asmidal, majoritaires, et le conglomérat chinois Citic. Le projet intégré d’exploitation et de transformation du phosphate et de gaz naturel, dont la partie algérienne détient 51% contre 49% pour la partie chinoise, est réparti entre le gisement de Bled El-Hadba dans la wilaya de Tebessa (Est d’Algérie), sur 2045 hectares, la plateforme de Oued Kebrit à Souk Ahras, s’étendant sur 1484 ha , celle de Hadjar Essoud à Skikda, sur 149 ha et enfin le port de Annaba sur 42 ha.

Cela signifie que depuis au moins 2018, toutes les études étaient prêtes et l’Algérie disposait également d’un partenaire chinois qui était disposé à injecter les investissements nécessaires au lancement du projet dont l’entrée en service devait commencer cette… année 2022.

Aujourd’hui, nous sommes en 2022 et l’Algérie n’a absolument rien lancé. Pis encore, elle a changé dans des conditions très troublantes et suspectes ses partenaires chinois pour créer une nouvelle entité dont personne ne sait encore quels seront encore ses futures sources financements.

En effet, qui apportera les 7 milliards de dollars nécessaires à l’exploitation des gisements de phosphate du pays ? En 2018, on savait ouvertement, et c’était acté publiquement, que le géant CITIC allait mettre sur la table 80 % des investissements en devises indispensables pour la réalisation de ce méga-projet. En 2022, les nouveaux partenaires chinois de l’Algérie sont deux petites sociétés dont les revenus n’égalent même pas le seuil des 10 % du méga-budget exigé pour la concrétisation de ce méga-projet.

Ce dimanche, le Conseil des Ministres affirme dans son ordre du jour plancher sur le taux de suivi du projet du Phosphate. Or, malheureusement, il n’y a justement aucun taux de suivi possible ou réalisable puisque le projet lui-même n’a pas encore commencé et il a été totalement gelé depuis 2019 et de nouveaux partenaires chinois ont été sélectionnés au bout de deux années de troublantes manoeuvres de lobbying qui ont été racontées et minutieusement décrites par Algérie Part dans ses investigations.

Il s’avère enfin que ce méga-projet souffre de nombreuses incohérences, voire des zones d’ombre obscurcissent toujours les véritables intentions de ses initiateurs. Et aucun projet industriel n’est prêt de débuter dans les mois à venir, voire même les années à venir en l’absence d’un plan d’action transparent et rigoureux. Tebboune est-il conscient de toutes ces réalités intrigantes dans ce dossier classé comme « une priorité nationale » pour l »économie algérienne .

 

 

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