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mardi, avril 23, 2024

Le contrôle de l’agence nationale des produits pharmaceutiques : un « ring de boxe » pour de nombreux lobbys

C’est une véritable bataille rangée qui bouleverse depuis plusieurs semaines le secteur de la Santé en Algérie. Des lobbys ont transformé ce secteur en un « ring de boxe » avec pour but de prendre le contrôle d’une institution importante et stratégique : l’Agence nationale des produits pharmaceutiques (ANPP). 

Algérie Part a été le premier média algérien qui avait révélé les tenants et aboutissants d’un projet totalement machiavélique consistant à retirer l’ANPP du giron du ministère de la Santé pour la confier au département de l’industrie pharmaceutique dirigé par l’affairiste Lotfi Benbahmed dont les accointances avec des groupes privés et des businessmans sulfureux ont été aisément démontrées par les révélations d’Algérie Part. 

En dépit des éléments troublants, Lotfi Benbahmed a pu convaincre le gouvernement algérien d’étudier un nouveau projet de loi qui permet de retirer l’ANPP au ministère de la Santé pour la placer sous l’autorité du ministère de l’Industrie pharmaceutique. Ce qui constitue une anomalie inquiétante car la quasi-majorité des pays du monde entier les agences spécialisées dans le contrôle des médicaments ou des produits pharmaceutiques sont rattachées aux ministères de la Santé ou jouissent d’une totale autonomie administrative et financière leur permettant de disposer d’une véritable indépendance qui les protège contre l’influence malsaine de l’industrie pharmaceutique laquelle défend naturellement des intérêts mercantiles.

L’enjeu est majeur et énorme dans ce dossier car l’ANPP est l’entité qui enregistre les médicaments qui sont commercialisés en Algérie et délivre également les homologations des médicaments ou des dispositifs médicaux fabriqués localement ainsi que les fameuses Autorisations de mise sur le marché (AMM) indispensables à la commercialisation tout produit pharmaceutique en Algérie. Il s’agit d’une mission très sensible qui relève de la défense de l’intérêt général et de la préservation de la santé publique.

Face aux résistances de plusieurs catégories du secteur de la Santé comme les syndicats autonomes des praticiens de la Santé et des Pharmaciens, Lotfi Benbahmed et ses alliés ont recouru à plusieurs titres de la presse algérienne pour orchestrer une véritable campagne médiatique dans le but d’influencer les pouvoirs publics et de les persuader d’accélérer le processus d’attribution de l’ANPP au ministère chargée de l’Industrie Pharmaceutique, un ministère en quête d’identité car les professionnels de la Santé ne savent pas toujours le bien-fondé de son existence puisque il existe d’ores et déjà, voire depuis toujours, un ministère dédié à l’Industrie tout court en Algérie.

Force est ainsi de constater que cette campagne médiatique a mobilisé plusieurs titres comme le Soir d’Algérie, TSA, El-Bilad, El Watan et Echorouk pour diffuser des articles totalement favorables à cette « libéralisation » et « assouplissement excessif »  du contrôle sanitaire et pharmaceutique des médicaments et dispositifs médicaux. Une option très dangereuse qui met en péril la santé publique car ce secteur ne peut être régi par des intérêts commerciaux basés sur les gains rapides.

Naturellement, le fonctionnement actuel de l’ANPP est à revoir. Naturellement, les lenteurs bureaucratiques dans l’enregistrement des médicaments et l’homologation des produits pharmaceutiques et de dispositifs médicaux ne sont pas acceptables et il faut corriger ces carences dans les plus brefs délais. Mais ces réformes urgentes ne doivent justifier en aucun cas la mise à l’écart du ministère de la Santé et une mise au service d’une autorité stratégique comme l’ANPP au service de l’Industrie pharmaceutique prenant le risque d’exposer la santé publique à des situations de conflits d’intérêts énormément dangereuses. Celui qui contrôle les médicaments ne doit en aucun cas être placé sous l’égide de celui qui est chargé de la promotion et la défense des intérêts des fabricants de… médicaments. Dans aucun secteur, on ne peut être juge et partie. Encore moins dans le délicat secteur de la santé.

Malheureusement, les relais médiatiques du clan de Lotfi Benbahmed tentent d’occulter cette dimension fondamentale du dossier de l’ANPP et basent leurs attaques sur le problème des « 700 médicaments » qui  « sont en attente de la décision d’enregistrement, alors que les lots de validation ont été soumis au contrôle depuis plus d’une année ». Il est vrai que « ces médicaments concernent toutes les classes thérapeutiques, dont certains sont actuellement sous tension ». Comme il est vrai que la fin de la bureaucratie au ministère de la Santé et à l’ANPP « pourrait économiser des millions de dollars sur la facture d’importation » à l’Algérie. Ceci dit, les relais médiatiques de Lotfi Benbahmed ne disent pas aux Algériens que les moyens humains et matériels de l’ANPP sont très limités. Aucune agence de contrôle des médicaments au monde ne peut travailler convenablement avec des moyens rudimentaires et des ressources humaines dérisoires. 

L’amélioration de la gouvernance et de la gestion de l’ANPP est totalement possible sans toucher aux prérogatives et aux statuts de cette agence étatique stratégique. En Tunisie, à titre d’exemple, le Laboratoire national de contrôle des médicaments fonctionne de manière beaucoup plus moderne et efficace que l’ANPP en Algérie. Et pourtant, en Tunisie, cette institution est placée sous la tutelle du ministère de la Santé publique. Au lieu d’aborder un débat fondamental pour la santé publique en termes sains, les lobbys affairistes tentent de manipuler les Algériens et Algériennes pour concrétiser leurs ambitions personnelles.

 

 

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