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samedi, avril 20, 2024

L’Algérie a décidé de se détourner définitivement de l’Espagne pour « offrir » son gaz naturel à l’Italie

C’est un nouveau repositionnement stratégique qui est en train de s’opérer à Alger. Pour faire valoir leurs intérêts et défendre leurs agendas, les autorités algériennes ont décidé officiellement de recourir à l’arme fatale du gaz naturel. Et cette arme sera utilisée en premier lieu contre l’Espagne qui vient de décider de s’aligner officiellement sur la position du Maroc, le grand adversaire de l’Algérie, dans le très délicat dossier du Sahara Occidental. Le régime algérien a, effectivement, officiellement décidé de se détourner de l’Espagne pour consacrer son gaz naturel à l’Italie, le nouveau allié européen avec lequel Alger veut construire des relations solides et durables. 

C’est une équation très complexe qui est en train de se jouer entre Alger, Madrid et Rome. Selon diverses sources bien informées contactées par Algérie Part, les dirigeants algériens ont exercé un puissant lobbying pour convaincre Mario Draghi de se déplacer en toute urgence à Alger afin de sceller une nouvelle alliance énergétique avec l’Algérie. Les dirigeants algériens ont tout fait pour séduire le président du Conseil des ministres d’Italie. Et leur unique atout est naturellement le gaz naturel autour duquel il y a de très fortes tensions internationales en raison du bras-de-fer opposant la Russie à l’Occident depuis le début de la guerre en Ukraine à la fin du mois de février dernier.

Le calcul d’Alger est très simple : rompre avec l’Espagne pour vivre une lune de miel avec l’Italie. Le Premier ministre espagnol Pedro Sanchez a été reçu le jeudi 7 avril à Rabat par le roi du Maroc Mohammed VI. Cette visite a permis au Maroc d’obtenir définitivement le soutien de l’Espagne pour appuyer sa position dans le très sensible dossier du Sahara Occidental.

Affichant jusqu’ici sa neutralité, Madrid avait annoncé publiquement le 18 mars, à la surprise générale, son soutien au plan d’autonomie marocain, qu’il considère désormais comme « la base la plus sérieuse, réaliste et crédible pour la résolution de ce différend ». Ce geste attendu par Rabat a permis de mettre fin à près d’un an de crise diplomatique majeure avec Madrid, provoquée par l’accueil en Espagne en avril 2021 de Brahim Ghali, chef des indépendantistes sahraouis du Front Polisario, ennemi juré de Rabat, pour y être soigné du Covid-19.

La ralliement de l’Espagne au camp marocain a fortement choqué et déplu à Alger. L’Algérie a décidé ainsi de sévir en remettant en cause totalement son partenariat avec l’Espagne basé essentiellement sur le… gaz naturel ! Concrètement, cela signifie quoi ? L’Algérie va consacrer en priorité toutes ces ventes de gaz naturel à l’Italie, son client privilégiée.

Ce lundi à Alger, Mario Draghi a été reçu en grande pompe par les dirigeants algériens. Et le haut responsable Italien devra signer un nouvel accord gazier pour une fourniture de 9 milliards de m 3 supplémentaires par an. Cette information a été, pour le moment, uniquement confirmée et révélée par la presse italienne. Du côté d’Alger, plusieurs sources confirment la conclusion d’un nouvel accord gazier, mais aucune source fiable n’a voulu donner des chiffres précis. Or, une question revient sur toutes les lèvres : d’où est-ce que l’Algérie va se procurer les nouveaux 9 milliards de M 3 de gaz naturel qu’elle doit vendre à l’Italie au moment où sa production nationale patine et peine à augmenter.

Une seule option se dessine : réduire les fournitures de gaz naturel à l’Espagne pour privilégier l’Italie. Il faut savoir que l’Algérie exporte depuis 2019 environ entre 20 et 21 milliards de mètres cubes de gaz naturel vers l’Italie, environ 12 milliards vers le Portugal et l’Espagne, et de plus petites quantités vers la France, la Turquie et la Grèce.

Le rythme de la production nationale du gaz algérien empêche toute augmentation conséquente d’exportation en raison de la forte augmentation de la consommation nationale. Pour honorer un nouvel engagement vis-à-vis de l’Italie, l’Algérie devra donc réorienter ses exportations de l’Espagne vers… l’Italie. Mais concrètement, c’est une option qui semble irréalisable pour le moment puisque l’Algérie est liée contractuellement avec l’Espagne, son deuxième client plus important européen avec l’Italie.

En juin 2018, Sonatrach avait paraphé des accords portant sur le renouvellement des contrats de vente et d’achat de gaz naturel à destination de l’Espagne avec la compagnie Naturgy, anciennement Gas Natural Fenosa, et ce, jusqu’en 2030 pour 8 milliards de mètres cubes/an. L’Algérie ne peut pas suspendre ce contrat du jour au lendemain.

En juin 2019, la Sonatrach avait validé un accord avec l’italien Enel qui porte sur le renouvellement du contrat de vente/achat de gaz naturel portant sur un approvisionnement, via le gazoduc Enrico Mattei, de 3 milliards de mètres cubes par an, pour une durée de 10 ans à partir de 2020, dont deux années optionnelles. En mai 2019, Sonatrach avait conclu également un accord avec le groupe italien ENI pour un volume de 9 milliards de m3 par an et une durée de 10 ans, ce qui donne un total de 12 milliards de m3 par an pour le marché italien. La fourniture de 9 milliards M3 supplémentaires signifie une augmentation des livraisons effectuées depuis le fameux gazoduc Transmed qui lie l’Algérie à l’Italie depuis 1983. Il s’agit de l’un des plus vieux gazoducs au monde et même en Italie, les spécialistes les plus crédibles sont sceptiques concernant la capacité de l’Algérie à livrer de nouvelles quantités de gaz naturel.

Et si l’Algérie ne peut pas rompre son contrat avec l’Espagne, que lui reste-t-il comme option pour signer un nouvel accord avec l’Italie ? La réduction de la consommation intérieure pour booster les exportations et satisfaire ses clients italiens. Or, cette option nécessite une réorganisation radicale de la consommation interne du gaz naturel. Algérie Part reviendra sur ce sujet complexe dans une prochaine publication.

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