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vendredi, avril 19, 2024

La lettre des marcheurs de la voix des détenu.e.s d’opinion en Algérie à Michelle Bachelet

Nous, marcheurs de la « VOIX DES DÉTENUS D’OPINION EN ALGÉRIE », signalons et dénonçons par la présente lettre ouverte les violations flagrantes des Droits Fondamentaux du peuple Algérien.

Madame la Haute-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme, Michelle Bachelet,

​Par cette présente lettre, nous sommes venus porter la voix de millions de nos concitoyens qui depuis le 22 février 2019 manifestent pacifiquement et de façon hebdomadaire dans toutes les villes de notre pays, ainsi que dans les plus grandes villes du Monde comme Paris, Londres, Milan ou Montréal. Ces millions de citoyennes et citoyens algériens sortent pour un changement radical de système en Algérie, pour réclamer l’application des droits de l’homme et pour exprimer leur volonté de définir leur propre système politique, économique et socio-culturel qui reposera sur leur pleine participation à tous les aspects de leur existence dans le respects des libertés et droits de l’Homme, garantis par la constitution et les textes internationaux.

​Par cette présente lettre, nous sommes venus porter la voix des détenu.e.s d’opinion en Algérie, qui sont victimes de plus en plus d’arrestations et de détentions arbitraires. En effet, depuis le 21 juin 2019, des centaines d’arrestations et détentions arbitraires ou plutôt de kidnapping et séquestration à l’encontre de jeunes algériennes et algériens ont lieu dans notre pays. Nous sommes venus porter la voix de ces familles divisées, de ces mamans meurtries au plus profond de leur âme, et surtout de cette jeunesse déterminée à en finir avec ces injustices.

​ Par cette présente lettre, nous sommes venus porter la voix de ces manifestants traînés et torturés dans les commissariats, présentés devant les juges dans un état critique, les jambes cassés et ne pouvant même pas se tenir debout. Nous sommes venus porter la voix de ces jeunes femmes déshabillées dans les commissariats, passées à tabac et touchées dans leur intégrité physique et psychologique.

​ Par cette présente lettre, nous sommes venus porter la voix de ces jeunes citoyens algériens éborgnés à la fleur de l’âge, éborgnés pour s’être opposés à l’oppression et à l’injustice, éborgnés car leur seul tort est de voir clair.

​ Par cette présente lettre, nous sommes venus porter la voix de nos concitoyens victimes d’acharnement judiciaire et en danger de mort pour certains et mort pour d’autres dans des conditions atroces dans les geôles depuis plusieurs mois.

​Par cette présente lettre, nous sommes venus porter la voix de ces médias muselés et ces journalistes arrêtés condamnés à de lourdes peines de prison pour avoir fait leur travail, d’éclairer la population et le monde de ce qui se passe en Algérie.

​ Par cette présente lettre, nous sommes venus porter la voix de ces étudiants qui ont dû passer leur année scolaire dans les geôles et interrompre leur études.

​Par cette présente lettre, nous sommes venus porter le voix de ces jeunes femmes et ces jeunes hommes libres arrêtés pour « atteinte à l’unité nationale » à cause de leurs opinions politiques (pour l’expression de leur volonté d’un état civil et non militaire, de la liberté de la justice et de la presse, du port du drapeau Amazigh et même du port du drapeau national lors des manifestations), traînés dans les tribunaux pour avoir défendu leurs idées, être eux même et le revendiquer.

​ Par cette présente lettre, nous sommes venus porter la voix de ces jeunes algériens qui, pour avoir partagés leurs avis sur les réseaux sociaux se retrouvent arretés. N’a-t-on plus le droit de s’exprimer librement en Algérie en 2020 ?


​Par cette présente lettre, nous sommes venus porter la voix de nos concitoyens qui ont été condamné, à tord, pour « atteinte à l’unité national », « atteinte au moral de l’armée », « incitation à l’attroupement non armé », « outrage à la personne du président de la république algérienne» car leur seul tord est d’aimer profondément leur patrie.

Madame la Haute-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme,

​Malgré la pandémie du COVID-19, qui a contraint le mouvement populaire à suspendre ses manifestations pacifiques, la répression continue à s’abattre sur les opposants, les activistes, les journalistes et médias indépendants afin de restreindre la libre circulation de l’information, plus d’une centaine de personnes ont été arrêté depuis la mi-mars 2020 (liste des détenus en pièce jointe).

Notez bien que les détenus n’ont en aucun cas utilisés ou appelés d’aucune manière à la violence, à la haine ou à l’intolérance ; ils ont été privés de leur liberté, pour avoir exercer leur droit à la liberté d’expression, d’opinions protestataires, dont leur droit à manifester pacifiquement, garanties par la constitution Algérienne et l’article 19 de la déclaration universelle des droits de l’homme et du pacte international relatif aux droits civils et politique tous ratifiés par l’Algérie.

Madame la Haute-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme,

​​Nous attirons votre attention sur le manque de respect systématique des droits fondamentaux des manifestants incarcérés. Ces derniers, lors de leurs arrestations, sont victimes de sévices corporels, menaces et insultes, bien que notre pays soit signataire du Pacte international des Nations unies relatif aux droits civils et politiques dont l’article 10 stipule que « toute personne privée de sa liberté doit être traitée avec humanité et le respect de la dignité inhérente à la personne humaine ».
Nous attirons votre attention à la violation des droits juridiques des interpellé.e.s; atteintes au droit de la défense lors de la garde à vue : dont celle d’être assisté par un avocat, qui peut être de son choix ou commis d’office, de son droit d’être informé au moment de son arrestation, des raisons de cette arrestation, de son droit d’introduire un recours devant un tribunal afin que celui-ci statue sur la légalité de sa détention pendant la garde à vue ;

Les détentions provisoires des autorités qui « jettent» en prison sans juger, qui, lors de procès, accélèrent la programmation des affaires en appel pour garder les détenu.e.s en prison malgré le fait qu’ils aient purgé leur peine en première instance.

​​Rejet des demandes de report de l’affaire pour préparer la défense, en violation de l’article 56 de la constitution qui stipule que : » toute personne est présumée innocente jusqu’à l’établissement de sa culpabilité par une juridiction régulière dans le cadre d’un procès équitable lui assurant les garanties nécessaires à sa défense ». Et l’article 24.3 du pacte international relatif aux droits civils et politiques de 1966 (ratifiée par l’Algérie le 12 septembre 1989).

Des abus que le collectif d’avocats des détenus dénoncent en répondant par des boycotts, retrait de procès ou par des déclarations rendues public.

Madame la Haute-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme,

En votre qualité de Haut-commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme, nous nous permettons de vous alerter sur la situation en Algérie, sur ces arrestations et détentions arbitraires, sur ces atteintes aux droits à la défense, ces procès non équitable qui ne respectent pas les normes internationales, sur ces violations au nom du droit inaliénable de tout peuple à s’exprimer librement et à manifester pacifiquement pour le respect de la Constitution et de la démocratie. Nous vous demandons de rappeler le gouvernement algérien de ses obligations juridiques internationales et de remplir ses mêmes obligations.
​Tout en espérant que vous interpellerez au plus vite les autorités algériennes concernées par l’objet de cette missive, nous vous vous prions, Madame le Haut-commissaire, d’agréer l’expression de notre profonde considération.

​​​​​Les marcheurs de la voix des détenu.e.s d’opinion en Algérie.

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