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jeudi, mars 28, 2024

Investissement, salaires ou agriculture : Tebboune a fait de nombreuses promesses, mais pourra-t-il les concrétiser ?

Hier samedi 23 avril, le Chef de l’Etat, Abdelmadjid Tebboune, lors d’une interview télévisée et diffusée par toutes les chaînes de télévision algériennes, a fait de nombreuses promesses concernant l’amélioration des indicateurs économiques du pays et des conditions de vie de la population algérienne. Ces promesses engagent des chantiers majeurs conduisant à une véritable refondation du modèle économique du pays. Mais Tebboune a-t-il vraiment les moyens nécessaires pour concrétiser ces engagements ? 

C’est la question est soulevée par le nouveau discours de Tebboune sur la situation économique et financière du pays. Le regard du Chef de l’Etat sur la réalité du pays est beaucoup plus lucide, mais les moyens mis en oeuvre pour aboutir à des changements concrets manquent à l’appel. Concentrons nous d’abord sur les constats et promesses faites par Tebboune.

Le Chef de l’Etat a reconnu, d’emblée, que l’agriculture algérienne est souffrante, défaillante et ses rendements sont insuffisants pour satisfaire les besoins alimentaires du pays. A ce propos, il a souligné l’importance d’augmenter la production nationale des produits agricoles, notamment les céréales, en vue de réaliser la sécurité alimentaire.

Abdelmadjid Tebboune a indiqué à ce sujet que « la solution radicale face à l’envolée des cours des produits alimentaires et à leur pénurie sur les marchés internationaux est de renforcer la production nationale ». Le chef de l’Etat a rappelé, dans ce cadre, les incitations décidées par l’Etat au profit des producteurs, y compris le financement des projets à hauteur de 90%. Selon Tebboune, cette démarche découle de l’importance accordée par l’Etat à l’augmentation des niveaux de production locale qui constitue « la base de la sécurité alimentaire du pays ». A ce propos, il a cité la filière des céréales qui ne couvre qu’environ la moitié des besoins du pays, estimés à environ 9 millions de tonnes.

Le Président de la République a insisté aussi sur l’importance d’augmenter le rendement des terres agricoles dédiées à céréaliculture pour passer d’une moyenne de 20 quintaux/hectare actuellement à 40 quintaux/hectare, relevant que la moyenne dans certains grands pays producteurs de céréales pour ne citer que les Etats-Unis s’élevait à 120 quintaux/hectare. Le constat de Tebboune est véridique et pertinent. Mais que faut-il faire pour redresser l’agriculture algérienne ?

Abdelmadjid Tebboune ne fournit pas des réponses concrètes à cette question. Il parle d’investissements publics importants pour booster la production locale des produits alimentaires. Mais ces investissements nécessite des budgets colossaux et leur rentabilisation exige une stratégie de bonne gouvernance pour atteindre des objectifs tracés préalablement et en conformité avec les besoins du pays. C’est toute une feuille de route que l’Etat algérien doit conduire. Or, le gouvernement actuel sur lequel compte Abdelmadjid Tebboune pour améliorer la situation du pays est défaillante et miné par les dysfonctionnements internes.

Tebboune reconnaît cette vérité et promet un remaniement. Lors de la même interview, il a évoqué ouvertement la possibilité d’opérer un remaniement ministériel, faisant remarquer que l’objectif escompté est de parvenir à l’efficacité dans la mise en œuvre des décisions prises en Conseil des ministres et lors des réunions du gouvernement.

Affirmant que la majorité des ministres « sont animés de bonne volonté », le Chef de l’Etat a relevé que l’expérience « s’acquiert par la pratique et la persévérance ». Certains ministres ont « manqué » dans l’exercice de leurs fonctions, a-t-il fait remarquer, notant que le remaniement ministériel, s’il devait avoir lieu, s’effectuera « en fonction des résultats de chaque secteur », la norme étant « le taux d’application des décisions prises lors des Conseils des ministres ».

Ces promos nuancés et prudents démontrent que Tebboune n’est pas tenté par des changements radicaux pour modifier la composante dominante du gouvernement. Et pour cause, il n’est pas certain qu’il pourra trouver des « profils » de bons ministres capables d’insuffler la dynamique nécessaire au redressement du pays. Tebboune fait clairement face à une « pénurie » de cadres dirigeants brillants et travailleurs pour lui permettre de s’offrir un bilan économique satisfaisant. C’est une problématique majeure dont il s’agit car la crise politique ayant ébranlé le pays depuis 2019 a fait fuir des cadres technocrates compétents et renforcé les clivages idéologiques sabotant ainsi tout processus d’union nationale pour secourir le pays face aux périls qui le menacent.

Malgré le poids lourd de cette problématique, Tebboune a maintenu des promesses qui risque, justement, de ne jamais les concrétiser faute de bons résultats dans la gestion du pays.

Il a annoncé, à titre d’exemple, des augmentations des salaires et de l’allocation chômage devant entrer en vigueur début 2023. « Une augmentation des salaires et de l’allocation chômage interviendra d’ici la fin de l’année et entrera en vigueur début janvier 2023 », a promis Tebboune d’après lequel il attend « les résultats définitifs des recettes nationales devant être réalisées à fin 2022 ». Cela signifie qu’il espère des revenus en devises importants du pays grâce aux exportations des hydrocarbures pour financer ces augmentations. Or, cette hypothèse est très incertaine sur le plan économique car si les prix du pétrole et du gaz ont « explosé » depuis le début de 2022, les exportations algériennes n’ont jamais été aussi réduites et faibles en comparaison avec les années précédentes, hormis l’année 2022 marquée par la pandémie de la COVID-19. Cette équation délicate ne permettra pas à l’Algérie de s’enrichir comme Tebboune le souhaite. Ce qui rend l’exécution de ses promesses très difficile car les dépenses publiques sont d’ores et déjà très élevées en Algérie et le déficit budgétaire du pays ne cesse de se creuser menaçant les équilibres du pays. 

Tebboune a, peut-être ou certainement, des bonnes intentions pour redresser le pays. Mais il lui manque clairement les capacités de bâtir un cadrage macroéconomique confortable pour l’Algérie. Ce qui risque de compromettre la tranquillité de son fin de mandat présidentiel d’ici 2024.

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