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vendredi, mars 29, 2024

Fermeture du gazoduc Maghreb-Europe : une triste erreur stratégique de Tebboune

La fermeture du gazoduc Maghreb-Europe est en train de tourner clairement au désavantage de  l’Algérie. Le Maroc et l’Espagne ont pu établir une alliance qui leur permettra de surmonter la dépendance vis-à-vis du gaz algérien. Au lieu d’affaiblir politiquement le Maroc et de rallier l’Espagne à la cause de l’Algérie, la fermeture de ce gazoduc stratégique a obtenu l’exact effet inverse provoquant ainsi un rapprochement historique entre le Maroc et l’Espagne au détriment des intérêts de l’Algérie. 

Ce jeudi 28 avril, les autorités espagnoles ont réagi officiellement la menace algérienne de rompre le contrat gazier liant les deux pays. Elles ont assuré que « le gaz devant être acheminé vers le Maroc ne proviendra pas d’Algérie ». L’Espagne a confirmé aussi sa décision  d’approvisionner le Maroc en gaz à travers le Gazoduc Maghreb Europe (GME), abandonné, en novembre 2021, par l’Algérie sur fond d’une grave crise diplomatique opposant les deux voisins du Maghreb. Selon les autorités espagnoles, Rabat va pouvoir acheter du gaz naturel liquéfié (GNL) sur les marchés internationaux et se le faire livrer en Espagne où il sera regazéifié avant d’être acheminé au Maroc via le GME.

« En aucun cas le gaz acquis par le Maroc ne sera d’origine algérienne », a affirmé le ministère espagnol de la Transition écologique. « L’activation de ce mécanisme a été discutée avec l’Algérie ces derniers mois et communiquée mercredi au ministre algérien de l’Énergie », a-t-il ajouté. Cette réaction espagnole est une réponse directe au ministère algérien de l’Energie et des mines qui a brandi mercredi la menace de rompre le contrat gazier avec l’Espagne, évoquant une décision espagnole d’alimenter le Maroc en gaz naturel algérien via le gazoduc Maghreb-Europe (GME).

« Tout acheminement de gaz naturel algérien livré à l’Espagne, dont la destination n’est autre que celle prévue dans les contrats, sera considéré comme un manquement aux engagements contractuels, et par conséquent, pourrait aboutir à la rupture du contrat liant la Sonatrach à ses clients espagnols », a menacé le ministère algérien. Cette réaction est intervenue, selon la même source, après que le ministre de l’énergie, Mohamed Arkab, ait été informé « par message électronique, par son homologue espagnole, Mme Teresa Ribera, de la décision de I’Espagne d’autoriser le fonctionnement, en flux inverse, du Gazoduc Maghreb Europe (GME) ».

La ministre espagnole a informé son homologue algérien que « cette opération interviendra ce jour ou demain (mercredi ou jeudi, ndlr) ». Pour rappel, l’Algérie et l’Espagne traversent une véritable crise suite à la décision du gouvernement espagnol de soutenir, à partir du mois de mars dernier, le plan marocain de l’autonomie du Sahara Occidental a changé la nature des relations algéro-espagnoles. L’Espagne a donc clairement choisi le camp du Maroc au détriment de l’Algérie. Elle vole au secours du Maroc qui a ainsi rompu l’isolement énergétique auquel il était soumis par l’Algérie depuis la fin octobre 2021, date de la fermeture du gazoduc Maghreb-Europe.

L’Algérie est en train de perdre la face dans ce conflit énergétique qu’elle avait déclenché pensant hâtivement qu’elle pourrait plier son adversaire géopolitique le Maroc en contraignant l’Espagne à dépendre uniquement d’un seul gazoduc, à savoir celui du Medgaz qui relie directement l’Algérie au territoire espagnol  sans passer par le voisin marocain. Cette option hasardeuse avait été critiquée par de nombreux experts internationaux et connaisseurs du secteur des hydrocarbures. A titre d’exemple, Francis Perrin, senior fellow au Policy Center For The New South (PCNS), avait prévenu dés la fin décembre 2021 que le Medgaz (Algérie/Méditerranée/Espagne) ne pourra pas satisfaire l’Espagne qui dispose de trois moyens pour garantir la sécurité énergétique : importer du GNL de l’Algérie, importer du gaz naturel d’autres fournisseurs, en particulier sous forme de GNL (la filière GNL offre beaucoup plus de flexibilité que la filière gazoduc); et/ou puiser dans ses stocks gaziers. Les deux dernières options ont été privilégiées par le gouvernement espagnol faisant ainsi perdre des parts de marchés importantes pour l’Algérie qui avait longtemps dominé outrageusement le marché espagnol du gaz naturel.

En Espagne, le journaliste espagnol Pedro Canales avait jugé aussi la décision de fermeture du Gazoduc Maghreb/Europe comme une « erreur stratégique » qui aura des « conséquences désastreuses » pour Alger. Dans un article publié par le magazine espagnol « Atalayar », le journaliste espagnol avait estimé qu’Alger « a commis deux erreurs stratégiques en l’espace de quelques mois. La première a été de rompre unilatéralement les relations diplomatiques avec le Maroc et la seconde est la fermeture du gazoduc Maghreb/Europe, qui acheminait 6 milliards de mètres cubes de gaz de Hassi R’Mel vers l’Espagne via le Maroc ». « Ces deux décisions ont été prises par le Haut Conseil de sécurité algérien, un organe militaire qui est passé du statut d’organe consultatif à celui d’organe exécutif, et auquel sont associés, sans droit de veto, le président de la république, les ministres de l’Intérieur et des Affaires étrangères, et les chefs de la sécurité », fait savoir M. Canales, ancien correspondant de plusieurs médias espagnols au Maghreb.

En dépit des positions, certes, favorables au Maroc de ce journaliste espagnol, il apparait évident à la lumière des nouvelles évolutions de ce dossier que la fermeture du gazoduc Maghreb-Europe s’est soldée par un échec cuisant pour le pouvoir algérien. Comme il a été expliqué précédemment dans un article d’Algérie Part, le président Abdelmadjid Tebboune a été induit gravement en erreur par des hauts responsables de Sonatrach qui lui ont fourni des rapports erronés sur les potentielles conséquences de la mise à mort de ce gazoduc du côté de l’Algérie. Aujourd’hui, le Palais Présidentiel d’El-Mouradia devra réclamer des comptes à ces artificiers de Sonatrach qui lui ont fourgué des analyses superficielles avec pour résultats des menaces dangereuses pour les intérêts stratégiques de notre pays.

 

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