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jeudi, avril 25, 2024

Exclusif. Vive inquiétude autour d’un méga-marché de plus de 10 millions d’euros débloqués par Zeghmati pour équiper les tribunaux et prisons en scanners

Dans la plus grande des discrétions, le ministère algérien de la justice a lancé un avis d’appel d’offres pour acquérir plus de 500 scanners à bagages  pour les installer dans divers tribunaux et prisons algériennes, a appris Algérie Part au cours de ses investigations. Il s’agit d’un énorme marché public qui va dépasser l’équivalent des 10 millions d’euros. 

Ce marché a été divisé en plusieurs lots. Des appels d’offres pour 3 premiers lots ont été d’ores et déjà lancés depuis le 8 août dernier. Il s’agit d’un lot de 18 scanners destinés pour des centres et établissements pénitentiaires, d’un lot de 42 scanners destinés pour des tribunaux et 20 autres scanners pour les locaux du ministère de la Justice ainsi que pour des Cours de justice.

Les appels d’offres pour les autres lots sont toujours en cours de préparation. Cet immense marché attise les convoitises de trois opérateurs internationaux. Il s’agit de Nuctech Company, une grande société chinoise spécialisée dans les produits d’inspection de sécurité. Nous retrouvons aussi SARL Saba d’Alger de son vrai nom la société Algérienne de Bureautique et d’Audio-Visuel dont le siège social est à Annaba avec une Direction Régionale à Alger qui est le partenaire de la société américaine Astro-Physics.

Le troisième opérateur qui veut remporter ce marché est le distributeur SARL HTDS. Comme vous pouvez le remarquer, seulement un fabricant mondial, le chinois NUCTECH, a déposé sa candidature pour ce marché. Les autres intéressés sont des revendeurs qui ne disposent de référence internationale dans ce secteur. Ces revendeurs vont devoir importer eux-mêmes les scanners pour les revendre au ministère de la Justice sans garantir un service de maintenance de haute qualité.

Mais, en vérité, c’est la proximité de l’un de ces opérateurs avec l’entourage du ministre Belkacem Zeghmati qui alimente les inquiétudes et les soupçons d’une attribution irrégulière des lots de ce marché public. Il s’agit du distributeur HTDS qui est très connu à Alger pour avoir tissé des relations très solides avec un certain Tahar Allache, l’actuel patron de l’aéroport d’Alger, l’une des personnalités les plus corrompues en Algérie et dont le nom est cité dans plusieurs scandales judiciaires ayant trait à des pratiques de corruption et de détournement des deniers publics.

Il faut savoir effectivement que SARL HTDS est une entreprise française installée en Algérie depuis 2001 et derrière laquelle nous retrouvons l’homme d’affaires français d’origine libano-syrienne Louaya Moudarres. Depuis 2008, cette société française distributeur de la marque américaine RAPISCAN, équipe les aéroports et ports algériens en scanners de sûreté. HTDS détenait en 2018 jusqu’à 80 % de parts du marché de fourniture des scanners aéroportuaires et portuaires, un marché estimé à plus de 50 millions d’euros par an.

Une position de leadership qui s’explique par les facilités déconcertantes accordées par Tahar Allache, le patron de l’aéroport international et national d’Alger. C’est ce haut responsable controversé et sulfureux entretenant des liens très solides avec plusieurs caciques du régime algérien qui a octroyé des marchés importants à HTDS.

Rien qu’à l’aéroport d’Alger, nous avons compté plus de 90 scanners commercialisés et fournis par HTDS. A l’aéroport d’Oran, il y au moins 11 scanners qui ont été installés par HTDS. Au port d’Alger, deux scanners à containers ont été fournis par HTDS en 2016. A Béjaïa, le port s’est équipée auprès de HTDS de deux scanners à containers. Partout en Algérie, les scanners vendus par HTDS dominent outrageusement nos infrastructures de transport.

Une domination qui a soulevé de nombreuses interrogations. Et pour cause, la qualité de ces scanners vendus aux ports et aéroports algériens est médiocre en raison des pannes successives qui bloquent régulièrement les voyageurs algériens. Issus d’un montage réalisé en Malaisie, ces scanners souffrent de plusieurs déficiences techniques, a-t-on appris au cours de nos investigations. Les cartes d’interface et les cartes de puissance des scanners commercialisés par HTDS tombent souvent en panne. Des condensateurs qui explosent et câbles de connexion qui se déchirent, les problèmes sont légion et les pannes interviennent chaque semaine occasionnant ainsi des frais d’entretien évalués à plusieurs milliers d’euros pour chaque appareil. Il faut savoir que les fabricants mondiaux estiment le coût de la maintenance d’un scanner entre 8 et 10 % du montant du prix initial du scanner.

En revanche, HTDS facture en Algérie le coût de maintenance entre 15 et 20 % du prix initial du scanner. Il faut savoir à ce propos que le scanner coûte en moyenne entre 400 et 800 millions de centimes. Quant aux pièces de rechange, un composant qui coûte 3000 euros peut être facturé par HTDS jusqu’à 9000 euros.

HTDS n’est qu’un revendeur de scanners. Il n’est nullement un fabricant. Et pourtant, il rafle les marchés les plus importants en Algérie à l’image des scanners tomographiques vendus en 2016 à l’aéroport d’Alger pour la modique somme de 6,5 millions d’euros. L’aéroport d’Alger a préféré conclure ce marché avec le revendeur HTDS alors que son concurrent direct, un fabricant de renommée mondiale, avait fait une proposition de 6,3 millions d’euros.

Pourquoi octroyer un aussi important marché à un revendeur au lieu de collaborer directement avec un fabricant de scanners disposant de toutes les références internationales et pouvant intervenir rapidement pour parer à la moindre panne ? Cette question est revenue sur toutes les lèvres des connaisseurs et des techniciens spécialisés dans ce secteur. Mais il n’y a que Tahar Allache qui peut nous fournir la réponse, lui qui a permis à HTDS de devenir le leader du marché algérien en fourniture et installation de scanners aéroportuaires. Aujourd’hui, HTDS lorgne le marché du ministère de la Justice. Or, Tahar Allache est très proche de l’entourage de Belkacem Zeghmati et plusieurs intermédiaires établissent des contacts entre les deux personnalités.

Preuve en est, poursuivi pour de graves chefs d’inculpation que sont la surfacturation, dilapidation de deniers publiques, corruption, attribution d’indus avantages au titre de l’octroi de marchés publics et de contrats, de trafic d’influence, de favoritisme, de passation de marchés en violation des dispositions législatives et réglementaires, abus de fonction… Tahar Allache aurait du faire l’objet d’un mandat de dépôt lors de sa convocation, n’était-ce l’intervention express de Belkacem Zeghmati. Ce dernier avait donné vers le 20 août dernier une instruction pour ménager Tahar Allache dont l’implication est pourtant clairement définie et prouvée dans des scandales de corruption. Selon nos sources, Belkacem Zeghmati a été “sollicité” par une autre personnalité politique pour venir en aide à Tahar Allache. Ce qui démontre la complicité qui profite au sulfureux directeur de l’aéroport international d’Alger au plus haut sommet de l’Etat algérien.

Encore en liberté et épargné par la lutte contre la corruption, Tahar Allache pourrait être tenté d’influencer l’entourage de Belkacem Zeghmati lors de l’attribution des lots de ce méga-marché de 10 millions d’euros. C’est ce que craignent malheureusement les observateurs et acteurs du marché des équipements de sécurité en Algérie.

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