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vendredi, mars 29, 2024

Exclusif. Plus de 1,5 milliard de dollars de pertes pour un simple rotor détérioré : les dessous de l’incroyable histoire de l’arrêt du complexe GNL de Skikda

Le complexe GLK1 est l’un des importants complexes pétrochimiques et gaziers en Algérie. Il s’agit du complexe de production du Gaz Naturel Liquéfié (GNL). Le GNL est du gaz naturel porté à l’état liquide. Indolore et facilement transportable, il est constitué en grande partie de méthane et est considéré comme une énergie fossile « propre » grâce à sa faible émission de CO2, le rendant moins polluant que le charbon ou le pétrole. Les exportations du GNL constituent d’importantes sources de devises pour l’Algérie.

En 2018, l’Algérie s’est classée le deuxième plus gros exportateur de gaz naturel liquéfié vers l’Europe, selon les données du rapport 2018 du groupe international des importateurs de GNL (GIIGNL). L’Algérie a exporté en 2018, 9.29 millions de tonnes vers le marché européen, arrive derrière le Qatar, premier plus gros exportateur, avec 16.42 millions de tonnes. Les revenus en devises que procure le GNL à l’Algérie dépassent les 3 milliards de dollars par an.

Or, en 2020, l’Algérie ne pourra plus compter sur son GNL parce que son plus important complexe de production celui de Skikda est à l’arrêt depuis le mois de décembre 2019 comme il avait été révélé par Algérie Part le 1 juin dernier. Nous étions le seul média qui avait parlé de cette information totalement scandaleuse car l’arrêt de production de cet important complexe gazier a coûté en 7 mois la facture salée de 1,5 milliard de dollars. Une véritable catastrophe financière pour l’Algérie en cette période de crise et de disette.

Aujourd’hui, mardi 7 juillet, nous avons découvert au cours de nos investigations que les travaux de réparation et de maintenance sont enfin terminés ! 8 mois plus tard, ces travaux ont pris fin. Les essais ont été lancés et, selon nos sources, ils sont concluants. Ceci dit, ni un rapport technique ni le moindre document interne n’a été dressé pour retracer les tenants et aboutissants de cette panne technique ayant duré 8 mois ! Sonatrach a voulu étouffer le scandale. Pourquoi ? Parce qu’il s’agit d’une pure maladresse qui s’explique par l’incompétence maladive qui ronge profondément le management actuel de Sonatrach.

Officiellement, les travaux de maintenance du site industriel de Skikda, à savoir le complexe GLK1 ont commencé vers la moitié du mois de décembre de 2019. Ces travaux devaient se terminer à la fin du mois de mars 2020. Ces travaux de maintenance ont été confiés par Sonatrach à ALGESCO. Il s’agit d’une filiale commune créée entre Général Electric, Sonatrach et Sonelgaz il y a de cela 20. Basé à Boufarik, ALGESCO fonctionne avec un personnel 100% algérien, comptant des ingénieurs et des techniciens de haut niveau, aux compétences multiples. Il s’agit d’une société très peu connue en Algérie au regard de ses activités très techniques et sophistiquées.

Pour assurer les travaux de maintenance du complexe GLN de Skikda, ALGESCO s’est associée aux américains de Baker Hughes, une filiale de Général Electric, l’un des principaux actionnaires d’ALGESCO.

Ce sont ainsi les équipes d’ALGESCO qui devaient assurer la maintenance des turbines à gaz, compresseurs de gaz ou ce qu’on appelle les machines tournantes. A Skikda, les ingénieurs d’ALGESCO ont pris en charge le contrôle des deux machines principales du complexe GLK1. Malheureusement, lors de l’opération de remontage de l’une de ses deux machines, un incident s’est produit et un rotor est tombé malencontreusement provoquant ainsi de considérables dégâts techniques.

Il faut savoir que Le rotor est un arbre sur lequel sont fixées des aubes ou ailettes dans les turbines gaz. Il tourne à l’intérieur d’un stator constitué d’un carter muni de déflecteurs fixes. Cela signifie qu’il est une pièce maîtresse pour le fonctionnement d’une turbine à gaz, la principale machine pour le fonctionnement du complexe gazier de Skikda.

Le rotor est tombé et il s’est totalement détérioré provoquant ainsi l’immobilisation de toute la turbine à gaz du complexe de Skikda. Cet incident a provoqué de vives tensions entre les équipes d’ALGESCO  et celles de Sonatrach. Les premiers accusent les deuxièmes d’être à l’origine de cet incident préjudiciable.

Les conséquences de cet incident sont effectivement très onéreuses. Pour ALGESCO, c’est l’absence d’un équipement appelé le palonnier au niveau du complexe de Skikda qui a empêché de transporter en toute sécurité le rotor. C’est ce qui explique pourquoi il s’est violemment cassé lors d’une opération de remontage de la turbine à gaz.

Pour Sonatrach, c’est l’incompétence des équipes d’ALGESCO qui est la cause de l’incident. Les pertes sont estimées entre 40 à 60 millions de dollars au regard de la cherté des composants d’une turbine à gaz. Il aura donc fallu plusieurs mois de tergiversations et de tensions entre ALGESCO et Sonatrach pour trouver une solution consistant à permettre aux experts de Baker Hughes de superviser tous les travaux de réparation de la turbine à gaz prolongeant ainsi l’arrêt de la production du complexe de GNL de Skikda de plusieurs mois.

Au final, les opérations de réparation vont durer 8 mois dans un climat très tendu entre ALGESCO et Sonatrach. La première compagnie est gérée dans une totale opacité et facture des prestations très onéreuses, voire douteuses, à une Sonatrach qui a exigé, de surcroît, d’associer des experts et partenaires étrangers parce qu’elle ne fait plus confiance au savoir-faire d’ALGESCO. Bref, pour une histoire d’incompétence et de manque de rigueur, l’Algérie a perdu l’équivalent de 1,5 milliards de dollars de recettes. Et aujourd’hui encore, la production du complexe GLK1 de Skikda n’a pas encore repris officiellement.

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