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vendredi, mars 29, 2024

Exclusif. L’ombre de Fuat Tosyalı et de Selim Bora plane sur la crise algéro-française

Non, la crispation des relations algéro-françaises ces derniers jours ne s’explique pas uniquement par « les attaques médiatiques » de certaines télévisions françaises comme le déplore le régime algérien. Ce coup de froid diplomatique a une raison qui est directement liée au business et aux perspectives du marché algérien. En vérité, l’Algérie fait l’objet en ce moment depuis l’arrivée d’Abdelmadjid Tebboune au pouvoir d’une « offensive turque de lobbying » inédite dans l’histoire contemporaine. 

Algérie Part a appris, en effet, au cours de ses investigations que des réseaux diplomatiques parallèles sont en train de s’activer énormément pour plaider la cause de plusieurs groupes industriels et économiques turcs en Algérie. Ces groupes désirent obtenir de gros marchés juteux dans le secteur du BTP, l’énergie, l’agriculture ou l’industrie. A la tête de cette « offensive économique », nous retrouvons deux poids lourds du business turc : Fuat Tosyalı, premier patron de Tosyali Holding, leader de fer et d’acier de Turquie devenu un géant mondial de la sidérurgie ces 5 dernières années, ainsi que Selim Bora, patron du géant du BTP turc SUMMA qui est présent dans plusieurs pays africains ces dernières années. Ces deux hommes d’affaires sont considérés et classés parmi les plus riches et puissants en Turquie. Ils tissent des liens très étroits avec l’entourage du Président Recep Tayyip Erdoğan, l’homme fort qui dirige la Turquie depuis 2003.

Tosyali est un fin connaisseur de l’Algérie et des rouages du régime algérien. Le groupe Tosyali est présent en Algérie depuis 2007. Grâce à ses relations au sein du régime Bouteflika, il a pu construire le plus grand et le plus intégré complexe sidérurgique de la Méditerranée et d’Afrique. Situé à Bethioua dans la région d’Oran, occupant une superficie de 2 millions de mètres carrés, Tosyali produit 2,800 millions de tonnes d’acier, 2,5 millions de tonnes en rond à béton, 550 000 de fil machine et des tubes spirales. Le complexe métallurgique de Tosyali Algérie comprend 9 méga-usines et autres unités. Il a coûté la bagatelle de 1,9 milliard de dollars. Or, dans ses valises l’investisseur turc n’a ramené que 130 millions de dollars. Tout le reste lui a été financé par les banques étatiques algériennes sur instruction du régime Bouteflika… C’est dire toute l’influence de Fuat Tosyali en Algérie grâce à ses multiples réseaux.

Aujourd’hui, oui Tosyali est une belle réussite en Algérie car six ans après son entrée en production, le groupe « Tosyali » avait réussi, l’année dernière, à exporter plus de 131.000 tonnes de rond à béton vers plusieurs pays, dont les Etats unis, le Canada et la Belgique, et ce à partir des ports d’Oran et de Mostaganem. Le montant global des exportations de ce groupe, qui constituent le plus important acquis réalisé par la production nationale hors hydrocarbures, a atteint près de 100 millions USD en 2019.

Selim Bora, patron du géant du BTP SUMMA, veut marcher sur les pas de Tosyali et constituer un empire en Algérie. Selim Bora est d’ores et déjà très influent dans plusieurs pays africains comme au Niger, Sénégal, Rwanda, Guinée Equatoriale ou le Congo Brazzaville. Dans ces pays, Selim Bora, accède aux présidents avec une facilité déconcertante et collectionne les marchés les plus prestigieux : construction de stades, aéroports, routes, hôtels, etc.

Selim Bora et Fuat Tosyali sont les deux cerveaux de l’offensive du lobby turc en Algérie. Depuis l’arrivée de Tebboune au pouvoir le 19 décembre 2019, ce lobby s’est nettement renforcé en Algérie d’autant plus que les deux milliardaires turcs connaissent parfaitement Abdelmadjid Tebboune. Malgré la chute du régime Bouteflika, Fuat Tosyali connaît personnellement le nouveau Président Tebboune et plusieurs membres influents de son entourage. Le businessman turc a joué un rôle important dans la préparation de la visite d’Erdogan à Alger le 26 janvier 2020. Une véritable offensive de charme qui a convaincu Tebboune de miser sur la Turquie pour faire de ce pays l’allié stratégique dans ce contexte troublant auquel fait face l’Algérie. La Turquie est pragmatique et promet à l’Algérie de nombreux investissements pour redémarrer la moribonde économie algérienne. En plus, en Libye, la Turquie détruit les velléités du général Hafter, l’homme qui dirige une force très hostile au régime algérien. Pour Tebboune, il n’y a aucun doute : l’avenir de l’Algérie est dans une alliance avec la Turquie.

Il s’avère que Selim Bora connaît également personnellement Tebboune et plusieurs membres de son entourage. Selim Bora est le milliardaire qui a rencontré Tebboune lors de ses vacances personnelles en Turquie et Moldavie en été 2017. Selim Bora détient en Moldavie des investissements gigantesques et réalise plusieurs projets d’infrastructures publiques et des hôtels de luxe dans ce petit pays de l’Europe de l’Est situé entre la Roumanie et l’Ukraine.

Selim Bora rêve de décrocher des affaires juteuses en Algérie et de réaliser de nombreux marchés. Avec Tebboune, c’est la meilleure perspective qui peut s’offrir à lui. Bora et Tosyali, les deux forces majeures du lobbying turc en Afrique, vont tout faire arracher des privilèges les plus onéreux en Algérie. Or, pour ce faire, il faudra neutraliser les adversaires qui font de la concurrence aux entreprises turques en Algérie. Comme la Turquie ne peut pas se mesurer encore à la Chine, elle espère au moins de devenir le deuxième partenaire commercial de l’Algérie. Et pour cela, il faut ravir cette place à la France. Une guerre médiatique est déclenchée donc contre la France et ses entreprises qui se retrouvent totalement à l’arrêt depuis l’avènement du régime Tebboune : la RATP éjectée du métro d’Alger, l’usine Renault d’Oran à l’arrêt et à l’avenir incertain, Suez souffre de plusieurs blocages avec l’algérienne des Eaux, le gel des projets de Total dans le secteur de l’énergie, les banques françaises fortement bousculées par les changements politiques et stratégiques du régime algérien, bref, les intérêts français en Algérie n’ont jamais été aussi menacés et compromis.

Les lobbyistes turcs en profitent pour semer la zizanie entre les deux pays dans l’espoir de reprendre les business français en Algérie, le plus grand pays du Maghreb, une zone stratégique pour le lobby turc. Avec comme Tosyali et Selim Bora à la manoeuvre, deux connaissances à Tebboune, Erdogan dispose d’une nouvelle force de frappe en Algérie. Mais, attention la France n’a pas encore dit son dernier mot et la bataille n’est pas encore totalement gagnée pour le Lobby Turc. A suivre…

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