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samedi, avril 20, 2024

Exclusif. Les capacités de production du GNL s’effondrent en Algérie : à peine 2,7 millions de tonnes exportés de janvier à octobre 2022

C’est une véritable catastrophe pour l’économie algérienne. Les capacités de production du gaz naturel liquéfié (GNL), l’une des énergies les plus prisées et les plus désespérément recherchées sur les marchés mondiaux, se sont totalement effondrées en Algérie au cours de cette année 2022. Preuve en est, notre pays a pu uniquement exporter 2,7 millions de tonnes de GNL de janvier à octobre 2022 alors que les capacités de production nationales sont de l’ordre de 16 millions de tonnes, a pu confirmer Algérie Part au cours de ses investigations. 

Cet effondrement des exportations du GNL made in Algérie s’explique par la diminution drastique des capacités de production de ses 6 complexes de production de GNL dont les 4 plus importants, ceux disposant de la capacité de production la plus élevée de GNL, sont situés dans les zones pétrolières et industrielles de Skikda et Arzew. Selon nos investigations, ces 4 complexes, 3 sont situés à Arzew et le dernier se trouve à Skikda, tournent uniquement à hauteur de 20 % de leur potentiel de production. Une chute vertigineuse provoquée essentiellement par la rupture de livraison du gaz naturel aux complexe de production de GNL. Cette décision a été prise par la direction générale de Sonatrach depuis le début du printemps 2022 afin de « détourner » les volumes de gaz naturel consacrés à la production du GNL vers les exportations via le gazoduc liant l’Algérie à l’Italie, à savoir le fameux Gazoduc Enrico Mattei (GEM) connu sous le nom de Transmed.

Cette manœuvre a été décidée par l’actuelle Direction Générale de Sonatrach sous l’égide de Toufik Hakkar dans le seul but d’honorer les nouveaux engagements gaziers contractés par l’Algérie auprès de l’Italie consistant à livrer à ce client européen au moins 4 nouveaux milliards M3 de gaz naturel afin de lui permettre de s’émanciper un tant soit peu de sa dépendance vis-à-vis du gaz russe. Pour rappel, en avril 2022, la compagnie nationale des hydrocarbures Sonatrach et son homologue italien ENI avaient signé un contrat d’approvisionnement en gaz, dont les détails n’ont pas été divulgués. Lors d’une visite d’Etat effectuée par le président algérien en Italie fin juin 2022, les deux groupes avaient aussi signé un autre accord pour le développement de champs gaziers et le lancement d’un projet pilote de production d’hydrogène vert en Algérie.

Et le 18 juillet 2022, Mario Draghi avait entamé une visite à Alger où il avait notamment signé officiellement un nouveau contrat d’approvisionnement en gaz pour réduire la forte dépendance énergétique de son pays vis-à-vis de la Russie. De janvier jusqu’à septembre 2022, l’Algérie a fourni à l’Italie 13,9 milliards de m3, dépassant de 113 % les volumes prévus initialement. Mais le nouvel accord signé entre la Sonatrach et ENI prévoyait de livrer encore à l’Italie pas moins de 6 milliards de m3 supplémentaires d’ici 2023 avec pour objectif final de porter ces nouvelles exportations à 8 voire 9 milliards de M3 en 2024.

Pour atteindre cet objectif qui n’est guère à la portée de l’Algérie en raison du recul permanent de ses capacités de production de gaz naturel, la direction générale de Sonatrach a opéré des coupes brutales au niveau de l’approvisionnement des complexes GNL en gaz naturel. Il est à souligner qu’en 2021, 39,5 Milliards m3 de gaz naturel ont été vendues aux clients étrangers de l’Algérie via les gazoducs à l’export et 20,5 Milliards m3 de gaz naturel ont été fournis aux complexes de production de gaz naturel liquéfié (GNL) d’Arzew et de Skikda.

En 2022, la direction générale a puisé dans ces volumes initialement dédiés aux complexes de production du GNL pour « offrir » encore davantage de volumes de gaz naturel à l’Italie. Les conséquences de cette décision sont désastreuses. Et pour cause, la production des complexes GNL d’Arzew et de Skikda a chuté brutalement impactant ainsi les exportations du pays. Et pourtant, le GNL est nettement plus prisé et plus recherché sur les marchés mondiaux que le gaz naturel traditionnel. Sur les marchés européens, le prix du GNL a dépassé récemment les 70 $/MMBtu alors qu’actuellement ces prix tournent autour d’une moyenne de 43 $/MMBtu.

Privée, ou presque, de gaz russe, l’Europe achète à prix fort du gaz naturel liquéfié, jusque-là réservé aux pays d’Asie. Mais entre aléas météo, déséquilibre de l’offre et incertitudes liées à la reprise chinoise, la compétition s’intensifie et plusieurs hivers tendus s’annoncent. Au premier semestre 2022, les importations ont augmenté de 5 % au niveau mondial et de 53 % en Europe, selon le Groupe international des importateurs de gaz naturel liquéfié (GIIGNL).

Les pays européens, des clients traditionnels de l’Algérie, consomment fortement en ce moment le GNL et le 14 décembre 2021, le tarif du GNL européen excédait pour la première fois celui de la zone asiatique. Un phénomène rare lié à une nouvelle contraction de l’offre en Europe malgré l’approche du pic hivernal. Durant cette période, le prix spot du GNL en Europe avait atteint le prix record de 41,946 $/MMBtu ($12,3/MWh). Au même moment, le tarif moyen du GNL en Asie du Nord-Est s’élevait à 39,021 $/MMBtu ($11,4/MWh). Un phénomène inhabituel sachant que l’Asie dépend beaucoup plus des importations que l’Europe.

L’Algérie est donc énormément perdante en réduisant sa production et ses exportations du GNL. La manœuvre de la direction générale de Sonatrach est totalement inconsciente et suicidaire pour l’économie nationale.

Signalons enfin que les exportations du GNL rapportent à l’Algérie de 3,1 jusqu’à 3,7 milliards de dollars USD par an. Depuis 2020, ces revenus ont baissé à 2,4 milliards de dollars USD et l’Algérie peine encore à retrouver des revenus conséquents depuis 2021 en raison des négligences inquiétantes de la direction générale de Sonatrach qui délaisse dangereusement le GNL alors que c’est le gaz qui rapporte en ce moment le plus d’argent aux pays productions d’énergie. A cause des dernières manœuvres de la direction générale de Sonatrach, l’Algérie va perdre jusqu’à 2 milliards de dollars USD au niveau de ses exportations de GNL. Une perte sèche qui est en réalité beaucoup plus élevée car avec les cours actuels du GNL sur les marchés mondiaux, les exportations de GNL de l’Algérie aurait pu rapporter facilement plus de 4 milliards, voire jusqu’à 5 milliards de dollars USD de précieux revenus.

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