23.9 C
Alger
jeudi, mars 28, 2024

Exclusif. Le PDG de Sonatrach manœuvre pour écarter Total afin de le remplacer par ENI dans un important projet pétrochimique à Arzew

Le PDG de Sonatrach, Toufik Hakkar, a lancé de nouvelles manœuvres dans les coulisses pour obtenir la mise à l’écart du géant français de l’énergie Total d’un important projet pétrochimique qui devait voir le jour dans la zone industrielle d’Arzew à l’ouest du pays. Le premier responsable de Sonatrach a lancé, en parallèle, des négociations secrètes pour permettre au groupe italien ENI de remplacer Total dans ce projet stratégique pour l’industrie pétrochimique en Algérie, a pu confirmer Algérie Part au cours de ses investigations. 

Ce projet pétrochimique est le fameux projet « STEP » pour la Réalisation et l’Exploitation du complexe de déshydrogénation du propane et production du polypropylène (PDH – PP) prévu dans la Zone Industrielle d’Arzew. Selon nos investigations, depuis plusieurs semaines, le PDG de Sonatrach, Toufik Hakkar, est en pourparlers avec le groupe italien ENI afin de lui permettre de prendre la place du groupe français TOTAL dans ce projet pétrochimique consistant à doter l’Algérie  d’une capacité de production de 550 000 tonnes par an de polypropylène devant permettre ainsi l’Algérie de devenir un exportateur de cette matière première pour la plasturgie.

Il faut savoir à ce sujet que par le biais de sa filiale Versalis, Eni produit et vend des produits chimiques. Selon nos investigations, le groupe italien est très intéressé par le projet d’Arzew. Mais pour que le groupe ENI puisse entrer de plain-pied dans ce projet, il était impératif que la Sonatrach enterre son partenariat négocié et entériné avec TOTAL depuis 2018. Pour ce faire, le PDG de Sonatrach a entrepris plusieurs démarches ayant donné naissance à des malentendus et des conflits avec le partenaire français.

Toufik Hakkar a commencé par torpiller la rentabilité de ce projet pétrochimique en exigeant dés le début du printemps 2022 à Total d’accepter des changements importants au niveau de la composition de sa production industrielle finale. En effet, initialement, ce projet pétrochimique devait aboutir à la production du polypropylène. Et c’est sur la base de cet objectif industriel que les études techniques et commerciales avaient été exécutées en vue de mettre en place le partenariat ayant été signé le 17 janvier 2019 afin d’élaborer les statuts de la nouvelle société commune SONATRACH Total Entreprise Polymères « STEP » pour la Réalisation et l’Exploitation du complexe de déshydrogénation du propane et production du polypropylène (PDH – PP) dans la Zone Industrielle d’Arzew.

Selon nos investigations, Toufik Hakkar aurait exercé des pressions pour contraindre Total de produire également d’autres produits industriels dérivés du gaz naturel comme le  polyéthylène haute densité ou l’essence de pyrolyse. Ces exigences ont compromis la faisabilité de ce projet pétrochimique  qui nécessitait au préalable un investissement de 1,4 Md USD dans le but de construire à Arzew une usine de synthèse du polypropylène à partir du propane. Ce dernier devait être fourni par les installations existantes de séparation du GPL sur un site voisin. Dés le mois de juin 2022, le groupe français Total se retrouve forcé de menacer la Sonatrach de programmer son retrait du projet STEP d’Arzew entrevoyant également la possibilité de réclamer des indemnisations ou des dédommagements onéreux à la Sonatrach en raison de l’impact préjudiciable des blocages rencontrés dans ce projet.

D’autre part, des tensions ont éclaté entre la direction générale de Sonatrach et Total au sujet de la gestion du volet « commercialisation » sur les marchés internationaux des produits industriels de la STEP d’Azew.  La Sonatrach avait voulu modifier les termes du contrat initial en réclamant une implication importante dans la gestion de l’activité commerciale de ce projet pétrochimique. Une demande refusée catégoriquement par le groupe Total. Ces malentendus ont été sciemment entretenus par Toufik Hakkar dans le seul but de provoquer un clash avec Total pour l’obliger ensuite de céder sa place dans ce projet stratégique à un nouveau partenaire étranger, en l’occurrence l’italien ENI. Mais quelles sont les véritables motivations de ces manœuvres ?

En vérité, le PDG de Sonatrach entretient des relations très douteuses et troublantes avec le groupe italien qui figure parmi les très rares groupes étrangers qui ont accumulé les privilèges et les avantages commerciaux illicites en Algérie depuis l’accession de Toufik Hakkar aux commandes de la Sonatrach en février 2020 comme il a été démontré récemment dans les investigations d’Algérie Part. 

Il est à signaler enfin que le groupe italien ENI est réputé pour sa facilité déconcertante à offrir des pots-de-vin pour obtenir des marchés gaziers ou pétroliers en Afrique comme ce fut le cas dans l’affaire de l’acquisition d’un gisement offshore au Nigeria en 2011, cette affaire constitue le plus gros scandale de corruption du secteur pétrolier au Nigeria.

Il s’agit de l’affaire OPL 245 qui tire son nom du bloc pétrolier offshore le plus prometteur du Nigéria, estimé à 9 milliards de barils. L’histoire a vraiment commencé en 1998, quand la société Malabu Oil se voit attribuer l’exclusivité de l’OPL 245 – une surprise pour les multinationales pétrolières en compétition pour ce bloc, car Malabu est inconnue dans le milieu. Mais après la mort du dictateur Sani Abacha, de nombreuses affaires de corruption éclateront au grand jour et on découvrira que le propriétaire de Malabu n’est autre que Dan Etete, ministre nigérian du pétrole à l’époque de la vente.

Problème : cette révélation survient alors qu’une nouvelle transaction est en négociation avec Shell, qui cherche à acquérir 40% de l’OPL 245. Le gouvernement nigérian décide alors de retirer la licence de Malabu Oil. En 2003, Shell devient officiellement le propriétaire du bloc. Mais en parallèle, Dan Etete intente une action en justice afin de récupérer l’OPL 245.

En 2006, l’ancien ministre obtient un arrangement avec le gouvernement, qui lui promet l’accès au bloc en échange de $210 millions. S’estimant lésée par cette décision, Shell porte plainte contre le gouvernement devant un tribunal arbitral et suspend temporairement ses campagnes d’exploration.

Cependant Dan Etete garde de puissantes relations qui joueront en sa faveur. En 2010, alors que l’affaire est toujours devant les tribunaux internationaux, le nouveau président Goodluck Jonathan déclare que le propriétaire du bloc est Malabu. C’est alors que Shell s’allie à Eni pour reprendre le bloc. Le procureur général appelant à des négociations directes entre les différentes parties, un accord est conclu : Eni et Shell acceptent de payer $1,1 milliard, soit la valeur estimée du bloc. Les deux groupes consentent aussi à régler les $210 millions dus par Etete lors de l’acquisition originelle, concession qui s’explique par la volonté d’en finir avec la procédure, et par l’enjeu économique autour de ce bloc.

Mais à partir de 2013, l’ONG britannique Global Witness révèle que sur les $1,3 milliards définis par l’accord, seuls $210 millions ont été réellement perçus par le gouvernement nigérian. Selon l’enquête, les fonds auraient en fait été versés à Malabu Oil pour être redistribués à des membres du gouvernement, au président Jonathan lui-même, et à certains cadres de Shell et Eni.

Le parquet de Milan se saisit alors du dossier, requérant notamment une peine de dix ans de prison pour Dan Etete, une peine de sept ans et quatre mois pour Malcolm Brinded (ex-directeur général de la division Exploration et Production de Shell), ainsi que des peines de huit ans pour l’actuel PDG d’Eni Claudio Descalzi et son prédécesseur Paolo Scaroni, qui dirigeait l’entreprise au moment des faits. Pendant ce temps, l’OPL 245 redevient la propriété du gouvernement nigérian.

Il est clair qu’avec de telles pratiques scandaleuses et occultes, ENI est jugé par certains dirigeants algériens comme un partenaire beaucoup plus « séduisant » que ses autres concurrents occidentaux. C’est pour cette raison que le sieur Toufik Hakkar veut à tout prix lui apporter sur un plateau d’argent le projet pétrochimique d’Arzew.

dernières nouvelles
Actualités