Algérie Part a obtenu, au cours de ses investigations, des documents et des informations exclusives qui dressent une longue liste de « hauts fonctionnaires » et « hauts responsables » de l’Etat qui ont été employés par le pouvoir algérien depuis le 8 avril 2019 pour servir son agenda politique et lancer la machine de la répression à l’encontre du Hirak à partir du mois de juin 2019.
Cette liste de ce que nous avons appelé « les collabos » comprend des cadres dirigeants de plusieurs ministères régaliens de l’Etat algérien qui ont bénéficié d’une astuce réglementaire leur permettant de jouir du pouvoir de réprimer, d’incarcérer des citoyens ou de les soumettre à une procédure judiciaire. Cet astuce s’appelle la « délégation de signatures ». Explications.
La délégation de signature est un procédé par lequel une autorité administrative charge une autre autorité, qui lui est hiérarchiquement subordonnée, d’agir en son nom, dans un cas ou dans une série de cas déterminés. Généralement, dans un Etat digne de ce nom et qui fonctionne selon les normes d’un Etat de droit, la délégation de signature ne constitue qu’une mesure d’organisation interne du service qui, à la différence de la délégation de pouvoir, ne modifie en rien la répartition des compétences.
Mais au printemps 2019, a-t-on appris au cours de nos investigations, le pouvoir algérien a poussé cette logique dans une orientation politique très dangereuse consistant à disposer à n’importe quel moment de décideur légalement prêt à exécuter et signer des décisions qui souffriront d’un déficit de légitimité. En clair, le pouvoir algérien a obligé de nombreux ministres de l’ancien gouvernement de Nourredine Bedoui à donner à un agent placé sous leur autorité hiérarchique à un membre de son cabinet ou à un agent relevant de son administration, le pouvoir et l’autorité de signer en leur nom ou en leur absence des décrets et des arrêtés ministériels. Dans le droit, il est admis universellement qu’une délégation de signature ne peut être générale ni transférer l’ensemble des pouvoirs de l’autorité délégante au délégataire, à titre d’exemple, les décrets ministériels ne pourront être contresignés que par le ministre en personne ou par un haut responsable conjointement avec le ministre auprès duquel il est placé.
Le pouvoir algérien a violé cette disposition essentielle du droit pour déléguer des pouvoirs ministériels à une liste précise de hauts responsables de l’Etat. De cette manière, le pouvoir algérien s’est protégé contre tout vide politique ou une vacance de l’autorité. C’est-à-dire même si un ministre était limogé de son poste, placé en détention ou chassé pour une quelconque raison, il n’a pas besoin de le remplacer illico presto par un autre ministre pour prendre des décisions et signer des décrets.
L’objectif clairement affiché était de mettre en placer une autorité indéboulonnable qui peut réprimer ou emprisonner les manifestants du Hirak si ce mouvement populaire de protestation avait réussi à renverser le pouvoir politique.
C’est, d’ailleurs, ce que craignait le pouvoir algérien à partir du mois de juin, date à laquelle la feuille de route de la répression a été lancée : arrestation arbitraire des manifestants pacifiques, emprisonnement manu militari des opposants et figures emblématiques du Hirak, étouffement des médias et fermeture des accès à la Capitale Alger, etc. Et pour garantir la « légalité » de ces mesures immorales et anti-constitutionnelles, le pouvoir algérien a confectionné une longue liste de « hauts responsables » recrutés pour être à ses services. C’est que nous appelons dans notre enquête les « collabos ». Et ces derniers jouissent tous des mêmes compétences qu’un ministre du gouvernement grâce à la « délégation de signatures » qui a été massivement et outrageusement utilisée par le régime algérien afin d’appuyer sa stratégique scélérate.
Cette liste de « collabos » comprend des magistrats, des secrétaires généraux, des directeurs centraux de ministères, des cadres dirigeants de plusieurs administrations notamment ceux des ministères de la Justice, de l’Intérieur et des Finances. Voici la première liste de ces « collabos » qui ont décidé de tourner le dos au Hirak pour pactiser avec le régime algérien et travailler sur son maintien à travers ce dispositif juridique et réglementaire, à savoir la délégation de signatures, tenu pendant longtemps secret. Ces noms font partie d’une première liste que notre rédaction a décidé de révéler au grand public pour prendre conscience de la gravité des agissements politiques auxquels était préparé le pouvoir algérien. Nous publierons d’autres parties de cette longue liste des « collabos » dans nos prochaines révélations.
Ministère de la Justice :
Zouaoui Ladjine, ex-secrétaire général du ministère de la Justice
Boudjemaa Ait Ouadhia, ex-directeur des ressources humaines du ministère de la Justice
Salim Laadaouri, directeur général des finances et des moyens généraux au ministère de la Justice
Abdelmadjid Bitam, directeur des personnels greffiers et administratifs au ministère de la Justice
Omar Toubache, sous-directeur de la gestion des corps du greffe
Mohamed Mazouzi, sous-directeur de la gestion des personnels administratifs
Sami Lihoum, sous-directeur de la gestion des carrières des magistrats,
Slimane Boudi, ex-premier président de la Cour Suprême
Louardi Benabid, ex-procureur général près la Cour Suprême
Mokhtar Benharadj, ex-Président de la Cour d’Alger
Fatiha Boukhers, ex-présidente de la Cour de Tipaza
Abderrachid Tabi, premier président de la Cour Suprême,
Majid Abderrahim, procureur général près la Cour Suprême
Djamel Gasmi, président de la Cour d’Alger
Benaissa Beniketir, procureur général près la Cour d’Alger
Abdelkader Hamdane, inspecteur général au ministère de la Justice
Abdelhafid Djarir, directeur général des affaires judiciaires et juridiques
Mokhtar Felioune, l’ex-directeur général de l’administration pénitentiaire et de la réinsertion
Ministère de l’Intérieur :
Abdelhalim Merabti, directeur général des ressources humaines, de la formation et des statuts
Cherif Kichou, directeur général des transmissions nationales
Ramdane Hadiouche, directeur des finances et de la comptabilité
Mahfoud Bensalem, directeur des personnels et de la formation à la direction générale de la protection civile
Miloud Rami, sous-directeur des personnels à la direction générale de la protection civile
El Hadi Bounoua, sous-directeur du budget et de la comptabilité à la direction générale de la protection civile
Amina Mazouz, sous-directrice du programme d’investissement centralisé
Ministère des Finances :
Abdennour Hibouche, président de la cellule de traitement du renseignement financier
Ali Terrak, chef de l’inspection générale des finances
Farouk Bahamid, ex-directeur général des douanes algériennes
Djamel Khezznadji, directeur général du domaine national
Fayçal Tadjnite, directeur général du Trésor,
Farid Baka, directeur général du budget
Mohamed Larbi Ghanem, directeur général de la comptabilité
Abdelhak Bedjoui, directeur général des relations économiques et extérieures,
Sid Mohamed Ferhane, directeur général de la prévention et des politiques
Mohamed Zemmouri, directeur général de la Prospective
Hassiba Benseffa, directeur de l’agence judiciaire du Trésor,
Salim Bellache, directeur des ressources humaines,