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vendredi, avril 19, 2024

Exclusif. Des marchés publics de plusieurs millions de dollars attribués à des intermédiaires privés : Les dessous du scandale qui ébranle la PCH

Après l’enquête parue sur Algérie Part le 27 mars dernier, la justice algérienne a ouvert au début du mois de mai une instruction judiciaire concernant les pratiques opaques et les passations douteuses de marchés publics conclus par la Pharmacie Centrale des Hôpitaux (PCH) pour importer des médicaments et des produits pharmaceutiques à l’étranger. C’est le tribunal de Dar El-Beida à Alger qui s’est saisi de ce dossier et dés la deuxième semaine du mois de mai, les premiers témoins et personnes suspectes ont été auditionnées par des juges d’instruction. 

La majorité de ces témoins et personnes suspectes sont des cadres dirigeants de la Pharmacie Centrale des Hôpitaux (PCH) située au niveau de la zone industrielle de Oued Semar. C’est à la PCH que le ministère de la Santé a confié le budget de 100 millions de dollars débloqués en toute urgence par le gouvernement algérien pour importer et acquérir auprès de la Chine des produits pharmaceutiques comme les tests de dépistage ou les moyens de protection comme les masques ainsi que les bavettes médicales.

Depuis le début de la crise sanitaire de l’épidémie du COVID-19, Algérie Part n’a pas cessé d’alerter l’opinion publique et les autorités algériennes sur les dérapages de la PCH qui gérait ses achats en Chine de produits pharmaceutiques nécessaires à la lutte contre le COVID-19 sans aucune transparence et suivant des modes d’attribution de marchés publics qui ne permettent aucune procédure de concurrence loyale ni la moindre possibilité de contrôler les transferts effectifs des devises de l’Etat vers les fournisseurs chinois.

Le 17 et 18 mai derniers, les enquêtes du tribunal de Dar El Beida confirment plusieurs de nos soupçons et informations révélées au cours de nos enquête. Le juge d’instruction près le Tribunal de Dar El Beida (Alger) a décidé dans ce contexte d’ordonner le placement du Directeur général de la Pharmacie centrale des hôpitaux (PCH), Tarek Djaboub, en détention provisoire, pour passation de marchés en violation de la législation. Le juge d’instruction avait ordonné, aussi, le placement en détention provisoire pour le même chef d’accusation du directeur des achats Kamel Slimani et du sous-directeur en charge des équipements médicaux, Abdellatif Tali et le placement sous contrôle judiciaire du directeur de la finance et de la comptabilité, Farid Chibane.

Mais qu’est-ce que la justice algérienne avait découvert exactement pour incarcérer si brutalement le patron de la PCH ?

Selon nos investigations, la justice algérienne a bel et bien découvert que les hauts responsables de la PCH ont recouru à un réseau d’intermédiaires privés algériens pour commander de grosses quantités de produits pharmaceutiques auprès de la China Meheco Group Co., la principale compagnie pharmaceutique chinoise qui commercialise et exporte dans le monde divers produits pharmaceutiques. Elle est l’une des grosses compagnies pharmaceutiques chinoises spécialisées dans le secteur des  Produits pharmaceutiques commerciaux et se consacre principalement à la vente en gros et à la distribution de produits pharmaceutiques et d’instruments médicaux. Cette société chinoise est l’un des plus importants acteurs chinois de l’exportation internationale et du ressourcement médical. La China Meheco Group emploie plus de 8 767 personnes et réalise un chiffre d’affaires dépassant les 7,4 milliards d’euros.

La PCH a directement pris attache avec la China Meheco Group pour commander en urgence des grosses quantités de produits pharmaceutiques. Mais, les dirigeants et commerciaux de l’entreprise chinoise sont totalement débordés et dépassés par l’ampleur des commandes mondiales qui pleuvent sur eux depuis les quatre coins de la planète. La China Meheco Groupe tarde à répondre à la PCH et ne montre pas une grande célérité pour prendre en compte ses besoins urgents en médicaments.

Face à cette situation, au lieu d’opter pour la voie diplomatique à travers l’ambassade d’Algérie à Pékin et au lieu de démarcher d’autres fournisseurs chinois,Tarek Djaboub ainsi que les autres dirigeants de la PCH ont recouru à un réseau d’intermédiaires privés, des hommes d’affaires ou des représentants de fabricants pharmaceutiques internationaux entretenant des relations privilégiées avec les fournisseurs chinois, pour leur attribuer les marchés publics des opérations d’importation des masques, bavettes, tests de dépistage au COVID-19 et autres divers équipements médicaux.

Ces intermédiaires privés sont en réalité des regroupeurs, comme on les appelle dans le jargon des affaires et du business, à savoir des revendeurs qui traitent directement avec les fournisseurs du marché du gros pour revendre ensuite de grosses commandes à des clients particuliers dont des institutions étatiques comme la PCH en Algérie.

C’est au niveau de ce circuit que des opérations de surfacturation et des transferts douteux de devises vers l’étranger ont été identifiés par l’enquête du tribunal de Dar El Beida. Ces intermédiaires privés déploient régulièrement des montages fiscaux opaques à l’étranger pour réaliser et financer leurs opérations d’importation.

Mais dans ce dossier, le Directeur général de la Pharmacie centrale des hôpitaux (PCH), Tarek Djaboub, est-il le principal responsable de ces pratiques peu respectueuses des dispositions du code des marchés publics algérien ? Non, loin s’en faut. Au juge d’instruction près le tribunal de Dar El Beida, Tarek Djaboub a tenté d’expliquer que le contexte d’urgence sanitaire provoquée par l’épidémie du COVID-19 et les pénuries mondiales des produits pharmaceutiques ont incité la PCH à solliciter ces regroupeurs bien introduits au sein du marché chinois. Mais le patron de la PCH a avoué surtout au juge qu’il a pris attache avec les intermédiaires ou importateurs qui lui ont été recommandés par des hauts responsables du ministère de la Santé notamment l’actuel chef de cabinet du ministre Abderrahmane Benbouzid, Omar Bouredjouane et El Hadj BENCHERIK, Directeur des ressources humaines au ministère de la Santé, deux poids lourd du secteur de la Santé en Algérie réputé pour leur proximité avec le milieu des importateurs de médicaments et laboratoires pharmaceutiques. Nous y reviendrons dans une prochaine enquête d’Algérie Part.

Tarek Djaboub n’a pas agi « en cavalier seul » et sans l’aval du ministère de la Santé, il n’aurait jamais pu conclure le moindre contrat ou marché pour importer des produits pharmaceutiques à l’étranger. Pourquoi le tribunal de Dar El Beida n’a pas convoqué ces hauts responsables du ministère de la Santé ? Pourquoi n’a-t-il pas saisi le ministre de la Santé, Abderrahmane Benbouzid, à qui revient aussi en premier lieu la responsabilité de veiller sur le bon fonctionnement de la PCH ? Les réponses à ces questions troublantes vont avoir de graves répercussions sur tout le pouvoir algérien.

Algérie Part poursuit ses investigations et reviendra sur ce dossier avec de nouvelles révélations dans ses prochaines publications.

 

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