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mardi, avril 23, 2024

Enquête. Torture, intimidations et affaires montées de toutes pièces : comment Gaid Salah a détourné à son profit la justice militaire

Dans une première partie, Algérie Part avait publié une enquête approfondie pour expliquer les tenants et aboutissants de la confiscation de la justice militaire algérienne par l’ex-chef d’Etat-Major de l’ANP, le défunt Ahmed Gaid Salah. Nous avions expliqué les subterfuges qui ont été utilisés par Gaid Salah pour soumettre la justice militaire à son diktat. Nous avions également révélé les noms des hauts responsables militaires impliqués dans ce processus de confiscation qui a permis à Gaid Salah de devenir le maître absolue de l’institution militaire algérienne. Pis encore, nous avions relaté comment Gaid Salah s’est approprié les pouvoirs judiciaires pour neutraliser ses ennemis et éliminer ses adversaires. 

Dans cette deuxième partie, nous dévoilerons à nos lecteurs et lectrices d’autres chapitres sombres de cette histoire secrète de l’instrumentalisation de la justice militaire par Ahemd Gaid Salah dans sa quête du pouvoir absolu. Une instrumentalisation qui a pris définitivement forme depuis la nomination du général Ammar Bousis en juillet 2017 à la tête de la direction centrale de la justice militaire au niveau du ministère de la Défense nationale.

C’est grâce au travail du général Ammar Bousis que  le nouveau code de justice militaire, taillé sur mesure en fonction des besoins politiques de Gaid Salah, est adopté officiellement le 1er Aout 2018. A la suite de l’entrée en application de ce nouveau code de justice militaire, Ahmed Gaid Salah s’est lancé dans la préfabrication des dossiers judiciaires pour monter de toutes pièces des affaires pouvant justifier les incarcérations de ses adversaires qui lui sont hostiles.  Le général Ammar Bousis ne s’arrête pas là puisqu’il est l’artisan de la loi du 14/10/2019 complétant l’ordonnance du n°2-06 du 28 février 2006 portant statut général des personnels militaires. Cette loi a fixé de nouvelles conditions pour les anciens fonctionnaires de l’armée qui ne pourront plus prétendre à toute activité politique pendant une période de cinq ans suivant leur admission à la retraite.

La Présidence de la République, dirigée à l’époque par Abdelkader Bensalah, a expliqué que cet amendement « vise à la mise en conformité des dispositions du Statut général des personnels militaires et la loi organique N 10-16 du 25 août 2016 relative au Régime électoral, amandée et complétée, en faisant obligation au militaire en activité de service admis à cesser définitivement de servir dans les rangs de l’ANP de s’abstenir, pour une période de cinq (05) années à compter de la date d’effet de la cessation d’activité, d’exercer toute activité politique partisane ou de se porter candidat à une quelconque fonction politique élective ».

L’objectif étant d' »empêcher » toute atteinte à l’honneur et au respect des institutions de l’Etat ainsi qu’à l’image de marque de l’institution militaire, en ce sens que le militaire en activité de service admis à cesser définitivement de servir est placé, pour une durée fixée à cinq (05) années, en disponibilité ce qui le met à la disposition de l’ANP qui peut le rappeler à tout moment, conformément aux dispositions des articles 1 et 3 de l’Ordonnance N 76-110 du 09 décembre 1976  portant obligations militaires des citoyens algériens, avait tenté de rassurer la Présidence algérienne.

Or, dans les faits, ce texte fut concocté par le général Ammar Bousis pour empêcher que les anciens hauts gradés de l’armée ne s’aventurent dans la politique dans la perspective de s’opposer au pouvoir d’Ahmed Gaid Salah, le seul militaire autorisé à faire de la politique grâce à sa casquette de vice-ministre de la Défense nationale et de premier responsable de l’Etat-Major de l’ANP. Depuis l’avènement en politique d’un certain général à la retraite Ali Ghediri, Gaid Salah est traumatisé et craint l’enrôlement des anciens hauts gradés de l’ANP dans un mouvement politique qui lui portera du tort et contestera son pouvoir.

D’ailleurs, Ali Ghediri finira en prison le 13 juin 2019 après avoir été placé en détention par le tribunal de Dar El Beida dans une sombre affaire que la justice algérienne n’a toujours pas daigné éclaircir. L’objectif de Gaid Salah était à peine voilé : empêcher Ghediri et ses semblables de faire de la politique ou de prétendre à la magistrature suprême.

Le général Ammar Bousis avait même imaginé un subterfuge machiavélique pour garantir l’impunité au clan Gaid Salah. Il avait échafaudé un projet de loi portant sur la protection que l’Etat algérien engage à accorder à tout le personnel de la justice militaire pour le mettre à l’abri contre toutes les poursuites liées à l’exercice de ses fonctions…

Cette loi a été signée aussi par Abdelkader Bensalah dont Gaid Salah s’était servi pour faire aboutir ses projets totalitaires en les dissimulant dans des lois militaires scélérates.  Avec cette loi, le général Ammar Bousis a pu garantir aux juges et procureurs des tribunaux militaires une totale impunité lorsqu’ils sont amenés à « distribuer » les condamnations arbitraires à l’encontre des personnalités ciblées par Ahmed Gais Salah et son clan.

Mais au-delà du volet judiciaire, les dérapages d’Ahmed Gaid Salah n’ont pas connu de fin puisque certains officiers algériens ont été non-seulement emprisonnés pour des faits imaginaires ou inventés par des juges aux ordres, mais aussi torturés et violentés dans les casernes des services secrets algériens. Ce fut le sort malheureux qui avait réservé au lieutenant-colonel Fouad Boukhari.

Ce jeune procureur militaire, fils de l’ancien Procureur Général près le tribunal militaire permanent de Blida et ancien directeur central de la justice militaire, le colonel à la retraite Boukhari Belkacem, a été au début muté vers la 6e région militaire sur instruction de Gaïd-Salah dans le seul but de l’éloigner de Blida où la nouvelle équipe de magistrats militaires ayant prêté allégeance à Gaid Salah exécutait en catimini l’agenda secret du défunt chef d’Etat-Major de l’ANP.

Mais Gaid Salah ne s’est pas contenté d’excommunier Fouad Boukhari. Il voulait à tout prix casser sa carrière pour se venger contre son père avec lequel il entretient un différend historique sur lequel Algérie Part reviendra dans ses prochaines investigations. Gaid Salah convoque le général major Mohamed-Salah Benbicha, le directeur du personnel du ministère de la Défense nationale, pour lui demande d’admettre Fouad Boukhazi à la retraite anticipée.

Cependant, enivré par son esprit de revanche, Gaid Salah va finalement passer à la vitesse supérieure et ordonne au général Ammar Bousis de monter une cabale judiciaire à l’encontre de Fouad Boukhari. Ce dernier va vivre un véritable calvaire. D’abord, il a été convoqué une première fois par le général Ammar Bousis et ce dernier a tenté de le forcer à signer une demande de mise à la retraite. Le lieutenant-colonel Fouad Boukhari résiste et refuse de céder aux menaces.

Face à cet entêtement, le général Ammar Bousis a usé d’un procédé ordurier : il a menacé tout bonnement Foued Boukhari d’incarcérer son propre père le colonel Belkacem Boukhari ! Face à cette ignominie, Foued Boukhari se retrouve contraint de satisfaire les exigences d’Ammar Bousis et accepte de signer sa demande de mise à la retraite qui va le priver de son droit de bénéficier d’une pension jusqu’à ce qu’il atteigne l’âge de 60 ans car il n’avait pas terminé ses 25 années de service.

Les déboires du jeune Fouad Boukhari avec Gaid Salah et son équipe se sont aggravés après qu’il ait regagné la vie civile. En effet, le général Wassini Bouazza, l’ex-patron de la direction générale de la sécurité intérieure (DGSI), monte un guet-apens au lieutenant-colonel Fouad Boukhari.

A la suite d’une sombre et douteuse affaire ayant ébranlé toute la hiérarchie de la direction centrale de la sécurité de l’armée (DCSA) à l’époque du colonel BOB, mais qui n’a jamais été élucidée par la justice militaire, Fouad Boukhari fut interpellé et emmené en juillet 2019 dans le plus important centre opérationnel de la DGSI, la fameuse caserne « Antar » à Ben Aknoun.

Le lieutenant-colonel à la retraite Fouad Boukhari a été descendu manu-militari aux sous-sols de la caserne « Antar » où rien ne lui a été épargné : insultes, crachats, coups de bâton, chiffon « nechaf », bref, des actes de torture qui renvoient les services algériens aux heures les plus horribles de notre histoire contemporaine. A la fin de cet interrogatoire musclé, Fouad Boukhari a été transféré à l’infirmerie de la prison militaire de Blida avant d’être incarcéré en bonne et due forme dans le cadre de son inculpation dans une affaire supposée de chantage, d’abus de fonction et d’enrichissement illicite.  8 mois plus tard, à savoir fin avril 2020, comme le colonel Bob, le lieutenant-colonel Fouad Boukhari a été innocenté par la justice militaire et bénéficie d’un non-lieu. Ahmed Gaid Salah était mort et il n’y a donc plus aucune raison qui pouvait justifier son incarcération. C’est vous dire qu’il n’y avait point de justice au tribunal militaire de Blida. Tout était dicté aux juges par le général Ammar Bousis selon les désirs et envies du pharaon Ahmed Gaid Salah..

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