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vendredi, mars 29, 2024

Enquête. Près de 21 mille KM de canalisations de pétrole et de gaz gérées par un bureaucrate et auditeur !

Les fuites de pétrole survenues jeudi au niveau de deux pipelines dans la région de Baaj, dans la Wilaya d’El Oued relancent plus que jamais le débat sur la gestion opaque du Réseau de Transport des Hydrocarbures Liquides et Gazeux par Sonatrach. La gestion et maintenance de ce réseau stratégique incombe à la direction de l’activité Transport par canalisations (TRC), l’une des directions les plus importantes du groupe Sonatrach. Malheureusement, il s’avère que l’activité TRC est aujourd’hui entre les mains de bricoleurs et des profanes qui n’ont strictement aucune compétence dans ce secteur névralgique de l’activité pétrolière et gazière.

En effet, depuis le 30 mars dernier,  l’activité de TRC est dirigé par un certain Amine Melaika, un cadre dirigeant de Sonatrach dont le parcours et les compétences n’ont strictement aucune relation avec les enjeux du secteur TRC ! Le  8 mai 2020, Algérie Part avait prévenu contre les dangereuses conséquences de la nomination d’Amine Melaika à la tête de l’activité TRC de Sonatrach. Et pour cause, cette nomination relève d’un amateurisme indigne d’une compagnie comme Sonatrach dont le rigueur professionnelle doit toujours être de mise dans la gestion de plusieurs chantiers sensibles dans le secteur des hydrocarbures, le seul secteur pourvoyeur de devises pour l’Algérie.

L’activité TRC est un département stratégique de Sonatrach a pour missions de développer le réseau d’infrastructures de Transport par Canalisations, de Stockage, de Chargement et Déchargement à travers les infrastructures portuaires à quai et en haute mer. L’activité TRC a également pour mission d’assurer le transport des hydrocarbures depuis les pôles de production au sud vers les pôles de demande et de transformation au nord (marché national et exportation).

Les champs d’action de cette direction de Sonatrach l’exploitation des ouvrages de transport des hydrocarbures et des installations portuaires à quai et en haute mer, la maintenance des ouvrages de transport des hydrocarbures et des installations de chargement portuaires à quai et en haute mer, les études et développement, à l’exception des études relevant de la Direction Corporate Business Development et Marketing (BDM) et la réalisation de projets relevant de la Direction Centrale Engineering et Project Management.

Ces missions exigent un background, un parcours et des formations spécifiques compte tenu des spécificités techniques de ce secteur clé des hydrocarbures.  Or, monsieur MELAIKA Amine est uniquement titulaire d’une licence en sciences économique- option gestion de l’Université d’Alger. Il est, certes, également titulaire d’une Post-Graduation spécialisée en audit interne de l’Ecole des Hautes Etudes Commerciales (EHEC) et d’un Executive Master Business Administration (EMBA) de l’Ecole Supérieure Algérienne des Affaires « ESAA » en consortium avec HEC/Paris.

Mais sa formation n’a strictement aucun lien avec la production et le transport des hydrocarbures, des domaines purement technique totalement différent du secteur de l’audit ou de la gestion dans lequel est spécialisé le nouveau Vice-Président de Sonatrach.

En plus, le dernier poste de Melaika Amine est responsable de l’audit en charge des Méthodes du Développement et du Reporting au niveau de la Direction Générale de SONATRACH. Il était égalementDirecteur Général du Holding Services Pétroliers & Parapétroliers (SPP) en charge du portefeuille des Filiales (ENTP, ENAFOR, ENSP,
ENAGEO, GCB, ENGTP, ENAC, SAFIR) et des joint-ventures « Schlumberger, General Electric (GE), Baker Hughes, Haliburton, etc.

C’est donc un pur gestionnaire et auditeur dont la formation et le métier est de gérer des administrations ou de contrôler les dépenses ainsi que les états financiers d’une société. Malheureusement, les activités purement techniques du réseau de transport des hydrocarbures de leur stockage ne relèvent pas du tout des compétences de Melaika Amine. Comment peut-il ainsi diriger et veiller sur le bon fonctionnement d’un département aussi sensible s’il n’a pas la moindre idée sur sa spécificité ? Le drame qui vient de produire dans la wilaya d’El-Oued nous fait parvenir une belle réponse à cette interrogation lancinante.

Jeudi dernier, les mauvaises conditions météorologiques qui ont touché les régions du sud ces derniers jours ont provoqué des incidents au niveau de deux pipelines causant ainsi deux fuites au niveau du pipeline Ok1 qui relie le bassin rouge (Hassi Messaoud) à Skikda.

La première fuite a été enregistrée à la sortie de la station de pompage SP2 à Djaamaa, dans la commune d’El Oued, point 190 + 200 (PK), contrôlée par les équipes de maintenance de Sonatrach, a indiqué le communiqué, affirmant que des travaux d’entretien sont en cours. La deuxième fuite a été, quant à elle, enregistrée au point PK 263 dans la région d’Al-Baaj, dans la wilaya déléguée d’El M’gheir. Comme il a été expliqué par Algérie Part dans une précédente révélation, la Sonatrach a commis de graves erreurs qui expliquent en partie l’origine de ces deux fuites de pétrole : le défaut de maintenance !

En effet, le deux points des deux pipelines endommagés par les inondations n’ont pas été inspectés ni fait l’objet des travaux de maintenance depuis de très nombreuses années ! Selon nos sources, cela fait maintenant presque 20 ans que les divers segments composant le pipeline reliant Hassi-Messaoud à Skikda n’ont pas été inspectés et soumis à des procédures de maintenance exigées par les protocoles de sécurité en vigueur dans le secteur du TRC. L’arrivée à la tête  du pôle TRC de Sonatrach d’Amine Melaika n’a pas du tout arrangé cette situation et l’incompétence clairement affichée de ce haut responsable dans ce domaine a aggravé encore davantage les déficiences de surveillance et maintenance des pipelines de Sonatrach.

Amine Melaika se comporte dés son arrivée dans son nouveau poste le 30 mars dernier comme un nabab et sème la discorde au sein de l’activité TRC de la compagnie nationale des hydrocarbures. Il se dispute rapidement avec Sahli Abderrahmane, directeur de la division maintenance de l’activité TRC à Sonatrach. Amine Melaika l’écarte et cherche à l’éjecter de la prise de décision alors que Sahli Abderrahmane est un véritable connaisseur du fonctionnement des procédures de maintenance et surveillance des canalisations de transport du pétrole et du gaz.

D’ailleurs, le vendredi dernier, quand Amine Melaika s’est déplacé à El-Oued pour inspecter les sites de l’incendie et fuites de pétrole, il a refusé d’emmener avec lui… Sahli Abderrahmane ! Une véritable aberration puisque le sieur Melaika est un véritable profane dans ce secteur et élimine sciemment la meilleure compétence de Sonatrach au moment où un incident majeur menace les deux pipelines les plus importants de Sonatrach dans le sud du pays. Pourquoi une telle attitude inconscient ? Amine Melaika a peur que Sahli Abderrahmane lui fasse de l’ombre et lui vole la vedette dans la gestion de cette situation de crise. Le haut responsable de Sonatrach a préféré donc satisfaire son égo et protéger ses intérêts personnels au détriment de l’urgence de préserver l’intérêt général de la compagnie Sonatrach.

Mais le drame ne se limite pas à cette bêtise. Amine Melaika a fait une autre grave erreur : au lieu d’envoyer en urgence les techniciens spécialisés de Sonatrach dés jeudi après-midi, soit à peine quelques heures après l’apparition de ces fuites de pétrole, Amine Melaika attendu jusqu’à vendredi bouger le petit doigt et déployer un dispositif de secours et mobiliser les techniciens spécialisés en maintenance de Sonatrach ! Une perte de temps catastrophique qui a coûté cher à Sonatrach puisque les fuites de pétrole se sont répandus dangereusement durant toute la nuit du jeudi au vendredi.

Cette très mauvaise gestion de la crise dont s’est rendu coupable Amine Melaika indique clairement un déficit de compétence inquiétant à la tête de l’activité TRC de Sonatrach. Amine Melaika n’est pas l’homme qu’il faut à ce poste sensible et stratégique. Sa nomination par le PDG Toufik Hakkar s’apparente à « un acte de sabotage » des intérêts de la compagnie Sonatrach.

Les Algériens et Algériennes ignorent les enjeux importants de l’activité TRC. Le Réseau de Transport des Hydrocarbures Liquides et Gazeux est constitué d’un ensemble de canalisations, de stations de pompage, de stations de compression, de parcs de stockage, assurant le transport des effluents issus des champs de production, d’un centre de stockage ou d’un dispatching, vers les pôles industriels de traitement et de liquéfaction, de transformation, d’exportation et d’alimentation du marché national. Le Réseau de Transport inclut également les lignes d’expédition et les installations de chargement situées au niveau des ports d’Arzew, de Bethioua, de Béjaïa et de Skikda, faisant partie des Extensions des STC Nord de pétrole brut et Condensat OZ1/OZ2, OB1/OG1, OK1, NZ1 et NK1.

La direction TRC de Sonatrach gère des canalisations d’une longueur totale de 20 927 km, est composé principalement de ce qui suit :  21 oléoducs d’une longueur de 9 946 km, avec une Capacité de transport de 247,553 Millions de Tep/an; 18 gazoducs d’une longueur totale de 10 981 km, avec une Capacité de transport de 195,121 Milliards de Sm3
/an; 83 stations de pompage et de compression; 127 bacs de stockage de pétrole brut et de Condensat, d’une Capacité design de 4,2 Millions de Tep;  02 Centres de Dispatching Liquides et Gaz;  12 postes de chargement de pétrole brut et de Condensat à quai et 05 postes de chargement de pétrole brut en haute mer (02 à Arzew, 02 à Skikda et 01 à Béjaïa) de type SPM (Single Point Mooring), implantés au niveau des terminaux marins dans les différents ports (Arzew, Bethioua, Béjaïa et Skikda). Toutes ces infrastructures représentent des installations industrielles très sensibles qui nécessitent un énorme travail de surveillance et d’entretien.

Et en ce moment à Sonatrach tout cet immense travail doit être mené et dirigé par un auditeur financier titulaire d’une licence en sciences économiques ! Est-ce conscient ? Est-ce sérieux ? Faut-il attendre un autre drame similaire à celui d’El-Oued pour comprendre qu’il faut confier les directions les plus névralgiques de Sonatrach à des cadres expérimentés qui maitrisent les enjeux de leurs secteurs ?

Notons enfin qu’une délégation ministérielle conduite par le ministre de l’Intérieur, des Collectivités locales et de l’Aménagement du territoire, Kamel Beldjoud, s’est rendue samedi dans la wilaya d’El-Oued, pour s’enquérir de la situation concernant la fuite de pétrole survenue jeudi dernier sur l’oléoduc OK1. Composée également des ministres de l‘Energie, de l’Environnement, des Ressources en eau et de l’Agriculture et du développemrespectivement, Abdelmadjid Attar, Nassira Benharrat, Arezki Berraki et Abdelhamid Hamdane, la délégation a visité le site où s’est déclaré la fuite afin de s’enquérir des dégâts occasionnés et de la menace pesant sur l’environnement ainsi que des mesures prises pour remédier à la situation. Pour le moment, aucune décision concrète et salutaire n’a été prise à la suite de cette visite ministérielle…

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