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samedi, avril 20, 2024

Enquête. Nouvel aéroport international d’Oran : comment un méga-projet de plus de 200 millions de dollars a été saboté par un repris de justice

Sa réception était prévue avant de la fin de l’année 2018, mais jusqu’à aujourd’hui il n’est pas encore sorti de terre. Oui, le chantier du nouvel aéroport international Ahmed-Benbella d’Oran constitue à lui-seul l’un des plus gros scandales de mauvaise gestion et de dilapidation des deniers publics de ces 5 dernières années. Et pour cause, ce chantier avait suscité les convoitises de plusieurs lobbys et clans mafieux qui désiraient rafler les budgets consentis par l’Etat algérien pour financer ce projet stratégique.

Il faut savoir que tout a commencé en mars 2010, un contrat a été signé officiellement entre l’Etablissement de Gestion de Services Aéroportuaires (EGSA) d’Oran et le bureau d’études français « Egisavia », filiale du groupe EGIS, une grande entreprise d’ingénierie française.  Lancée en mai 2010, l’étude de ce bureau d’études français avait permis de préparer l’avis d’appel d’offres relatif au projet de modernisation et d’extension de l’aéroport international d’Es-Sénia qui devait être lancé en 2012.

Mais ce marché a été attribué, en novembre 2012, à l’entreprise publique Cosider Construction en mode gré à gré pour 20,99 milliards de dinars, à savoir près de 200 millions de dollars, avec un délai contractuel de 64 mois (5 ans et 4 mois). Un coût nettement plus élevé que les premières estimations du bureau d’études français évalué à quelques 135 millions d’euros.

L’homme qui est à l’origine de la toute mauvaise gestion et manque de transparence qui entoure cet important chantier public s’appelle Kessal Abdelkader, c’est le Directeur général de l’EGSA d’ORAN. Nous avons constaté au cours de nos investigations que ce dernier n’était pas prédestiné à devenir Directeur Général de l’EGSA d’ORAN. Or, Ali Haddad a réussi à le placer dans ce poste stratégique à la suite d’un impressionnant lobbying en dépit des antécédents de Kessal avec la justice algérienne.

En effet, Abdelkader Kessal a été condamné à 6 mois de prison avec sursis lorsqu’il travaillait comme cadre dirigeant de l’Entreprise nationale de réalisation d’infrastructures ferroviaires (Infrafer). En 2010, il avait été reconnu coupable dans une sombre affaire d’abus de biens sociaux, mais il s’en était brillamment sorti avec un verdict clément et douteux qui avait soulevé à l’époque de nombreuses interrogations. Limogé de l’Infrafer, Abdelkader Kessal a été recruté à partir d’août 2013 par l’EGSA d’Oran en qualité de directeur central technique.  Il a été ensuite promu dans des conditions troublantes, et à la surprise générale de plusieurs cadres du secteur, chef de projet de réalisation de la nouvelle aérogare internationale d’Oran.

Il faut savoir que le projet de Kessal n’a strictement rien à voir avec le secteur du transport aérien et le secteur aéroportuaire. L’homme dispose uniquement d’une licence en génie mécanique obtenue en 1984. Il avait également passé deux années d’études à l’Institut algérien du pétrole entre 1978 et 1980. Aucune expérience dans le secteur du transport, ni dans la logistique ni encore moins dans le domaine très particulier de l’aéroportuaire. L’homme n’a même pas géré ou participé à la supervision d’un projet de grande taille. Durant son parcours, il avait travaillé dans de petits projets de proximité comme un petit hôpital de 120 lits à Adrar, une clinique ophtalmologique à Béchar, centre des impôts à Saida ou une cour de justice d’Ain Témouchent.

En dépit de son incompétence flagrante dans la matière, Abdelkader Kessel fut promu premier patron de tout l’EGSA d’Oran depuis avril 2016. Comment est-ce possible ?

Kessal Abdelkader a été nommé Directeur Général de l’EGSA d’ORAN grâce à l’intervention d’un intermédiaire qui se  prénomme Mohammed YACOUB,  né le 5 janvier 1967. Celui-ci n’est que l’homme de paille d’Ali Haddad. En France, il est le gérant de la société HIG dont il est actionnaire à hauteur d’un 1 %  alors que l’oligarque algérien possède 199 % des actions  de cette société française.

ALI  HADDAD avait un plan bien huilé : son projet consistait à écarter la société Cosider de la réalisation de l’aéroport d’Oran afin de réaliser la construction de la nouvelle aérogare avec son Groupe l’ETRHB  et en assurer, par la suite, la gestion pour en tirer de conséquents profits.

Pour cela, ALI HADDAD avait besoin d’un pion qu’il pouvait manipuler à sa guise et KESSAL Abdelkader  présentait le profil parfait pour ce rôle.  Ainsi, Ali Haddad aurait  ordonné à KESSAL Abdelakder  par le biais de Mohammed Yacoub de mettre Cosider en mise en demeure pour prétexter une résiliation du contrat avec l’entreprise publique et la remplacer par l’ETRHB  HADDAD.

Mais Kessal Abdelkader ne va pas réussir dans cette mission de sale besogne et Ali Haddad s’est finalement rendu compte qu’il avait  réalisé un mauvais investissement en plaçant KESSAL Abdelakder à la tête de l’EGSA d’Oran puisque ce dernier n’avait pas été à la hauteur des espérances du roi des oligarques algériens.

Pour rectifier cette contre-performance, Ali HADDAD a tenté, dans un deuxième temps, d’obtenir la construction du parking à étages dont le coût final était estimé à environ 12 millions d’euros. Or, KESSAL Abdelakder a trahi Ali Haddad en négociant ce marché en cachette avec  Barhim Hasnaoui, un autre oligarque bien introduit dans l’ouest algérien.

En échange,  Brahim Hasnaoui devait  lui octroyer un duplex dans l’une de ses promotions immobilières à Oran ou Sidi Bel-Abbès et lui assurer une protection auprès de l’ancien chef de sûreté de la wilaya d’Oran et contrôleur de police de la région Ouest, Salah Nouasri ainsi que le Wali d’Oran, Mohand Chérifi, un proche de Rebbouh HADDAD, le frère d’Ali Haddad.

Malheureusement, les conséquences de la nomination d’Abdelkader Kessel à la tête de l’EGSA d’Oran et à la tête du chantier stratégique du nouvel aéroport international d’Oran a provoqué des gros problèmes de mauvaise gestion. L’inexpérience de Kessel, son incompétence en matière de gestion des projets aéroportuaires et sa soumission aux diktats des lobbys affairistes ont fini par porter un énorme préjudice à ce chantier.

Les conséquences sont finalement désastreuses car Oran est privée de son aéroport et se contente d’une vieille infrastructure qui fait honte à la deuxième ville du pays. Annoncée pour juin 2019, puis pour juin 2020, finalement, l’inauguration du nouvel aéroport d’Oran ne sera effective qu’en 2021. Et encore, rien n’est certain en raison des irrégularités et anomalies constatées jusqu’à aujourd’hui dans la gestion de ce projet.

Par ailleurs, ces retards accumulés risquent de compromettre l’organisation la 19e édition des Jeux Méditerranéens prévue à Oran en 2021. Sans un aéroport digne de ce nom, comment Oran peut-elle accueillir les athlètes méditerranéens ? Fin juillet 2019, l’ex-ministre  Travaux publics et des transports, Mustapha Kouraba, avait assuré que les autorités ont levé toutes les contraintes qui avaient pénalisé la livraison du projet dans les délais fixés initialement.

Mais les affirmations de ce ministre ont été démenties par les réalités du terrain car les essais techniques prévus à la fin du premier trimestre 2020 n’ont pas pu avoir lieu comme prévu ou comme il avait été annoncé par Mustapha Kouraba. Les autorités algériennes se retrouvent piégées par l’incompétence des premiers responsables de ce chantier. Abdelkader Kessel n’a pas pu être remplacé et limogé en raison de sa proximité avec l’adjudant-chef Zoheir et le colonel Salah, deux hauts gradés de la direction générale de la sécurité intérieure (DGSI) et deux hommes de main du fameux général Wassini Bouazza. Ces hommes ont « couvert les arrières » de Kessel pour faire main basse sur plusieurs marchés publics accordés à des opérateurs privés ou étrangers comme il avait été révélé récemment par Algérie Part dans ses investigations. 

Aujourd’hui, avec le déclenchement d’une enquête de la direction centrale de la sécurité de l’armée (DCSA) sur les affaires du clan Wassini, le chantier du nouvel aéroport d’Oran va-t-il enfin être repris en main par des véritables connaisseurs du secteur aéroportuaire ?

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