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mercredi, avril 24, 2024

Enquête. Le transport maritime : un secteur où l’Algérie a perdu toute sa souveraineté nationale

Le transport maritime est l’un des secteurs où l’Algérie a perdu toute sa souveraineté nationale. C’est effectivement un secteur où l’Algérie est presque exclusivement dépendante des armateurs étrangers pour pouvoir importer et acheminer ses matières les plus élémentaires afin de répondre aux besoins  de sa population. Enquête. 

Le secteur du transport maritime, en Algérie souffre de plusieurs difficultés qui entravent
son développement intégré. Les principales contraintes sont liées à l’organisation et à
l’insuffisance de l’infrastructure portuaire, et au retard en matière des services
logistiques.

La flotte nationale à fin 2017 est constituée de 16 unités réparties entre 8 vraquiers, 4 navires Multipurpose et 2 navires RO‐RO appartenant à l’entreprise publique CNAN et
un RO‐RO et un vraquier appartenant à la société privée Nolis, une filiale du groupe
Cevital. L’âge moyen de la flotte CNAN est supérieur à 30 ans (entre 30 et 35 ans) correspondant à celui de la réforme technique. En réalité, depuis l’année 2016, cinq (05) navires seulement étaient opérationnels. Les deux navires de Nolis sont utilisés essentiellement pour la couverture des besoins du groupe Cevital en matière de transport.

Dans ce contexte, le pavillon national assure moins de 3% des volumes de commerce extérieur de marchandises du pays (1,4% par rapport au tonnage global des marchandises solides et 1,75% par rapport au trafic conteneurs). Alors que 90 % du commerce mondial continue de se réaliser par voie maritime, le classement tenu par le secrétariat de la CNUCED, la Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement  se basant sur les données de IHS Fairplay confirme l’absence de l’Algérie de cet important marché aux enjeux multiples.

La Compagnie Nationale de Navigation « CNAN » gérait dans les années 1970 à 1985 en
totale propriété prés de 80 navires entre vraquiers, tankers, chimiquiers, transporteurs
de gaz, pétroliers, Multipurpose, RO‐RO et car‐ferries. Cela sans compter l’affrètement
pour les vracs secs et liquides pour le transport des céréales, charbon, huiles et vins,
etc.). la CALTRAM, une joint‐venture entre la CNAN et la Libye, avaient quatre autres
navires. L’armement national assurait 35% des échanges extérieurs de l’Algérie avec pour objectif d’atteindre les 50%. Une évolution qui devait accompagner la croissance de la demande en transport.

Cependant pour des causes liées essentiellement à une gestion défaillante de l’entreprise
publique (CNAN), l’évolution de cette flotte a été inversement proportionnelle à celle du
commerce extérieur. L’Algérie, couvre aujourd’hui une part insignifiante du trafic de
marchandise générale. Les cargaisons homogènes sont couvertes dans leur quasi‐ totalité par le biais d’affrètement majoritairement conclus et contrôlés par les fournisseurs étrangers dans le cadre de leurs ventes CFR aux importateurs algériens.

En effet, les conditions d’exercice de l’activité d’affrètement telles qu’énoncées dans le
Code Maritime Algérien ne permettent pas aux opérateurs nationaux d’affréter des
navires pour transporter leur cargaison importée ou exportée. L’article 649 modifié du Code maritime Algérien précise ce qui suit : « les activités d’affrètements de navires peuvent être exercées par toute personne physique de nationalité algérienne ou Toute personne morale de droit algérien ayant la qualité d’armateur et dont le centre principal d’activité se trouve sur le territoire national ».

Donc, pour être affréteur, il faut être armateur et, suivant l’art.572 : « l’armateur est
toute personne physique ou morale qui assure l’exploitation d’un navire en son nom soit
à titre de propriétaire du navire, soit à d’autre titre lui attribuant l’usage du navire ».

Il en ressort que l’affréteur peut être assimilé à un armateur, et un affréteur doit obligatoirement être armateur pour exercer les activités d’affrètements, c’est‐à‐dire,
être propriétaire du navire. Cette condition constitue un obstacle que les importateurs algériens rencontrent pour négocier les contrats d’affrètement, ce qui les amènent à faire appel à des négociants étrangers qui ne souffrent d’aucune contrainte, n’étant pas obligés d’avoir cette qualité .

C’est pour cette raison que seule une part mineure du fret est contrôlée par les opérateurs nationaux dans le cadre de leurs achats en FOB. Aujourd’hui les opérateurs subissent le diktat des armements étrangers qui refusent de charger les frets payables en Algérie et ceci en l’absence de capacités d’affrètement de l’armement national, seul autorisé à procéder à l’affrètement de navires.

En l’absence d’un armement national, les armements étrangers imposent leurs
conditions. De même que les prix pratiqués par les armateurs de lignes desservant les
ports algériens sont fixés librement. Ces derniers amasseraient ainsi entre 5 et 6 milliards de dollars chaque année, selon diverses estimations formulées par de nombreux experts et acteurs économiques algériens dépendants entièrement de ces armateurs étrangers.

Rien n’exclut enfin que ces armateurs ne s’entendent sur des taux de fret – plancher et
des «pénalités» excessives (surestaries de conteneurs) que nous avons abordé auparavant dans une profonde enquête menée par Algérie Part. 

Il est alors logique de déduire que l’Algérie et probablement beaucoup de pays africains
paient un surcoût du fait de l’absence de leur flotte maritime : les produits importés sont
payés plus cher ; ceux exportés assurent un revenu moindre parce que rognés par le haut
niveau des frets maritimes.

A cela, il faut ajouter que les ports algériens ne permettent pas de saisir les opportunités offertes par une position géographique stratégique à proximité de l’Europe et de l’une des routes maritimes les plus fréquentées. Le développement du transport maritime se doit de relever les défis nationaux de concurrence et de compétitivité et contribuer à la réalisation des objectifs attendus, surtout, en matière de positionnement commercial régional et international.

La mer représente le principal mode de transport pour le commerce international avec
un seuil de 80% du volume mondial total des marchandises mouvementées.
Les ports et notamment la chaine de la logistique commerciale ont une importance
significative dans la réalisation de la compétitivité. Il est donc impératif que l’Algérie améliore le secteur de la logistique pour renfoncer sa compétitivité et intégrer aisément le système commercial international.

C’est aussi un des moyens de réduire sa dépendance des recettes des hydrocarbures.
La majeure partie des échanges de l’Algérie étant externes tant à l’import qu’à l’export
(hydrocarbures) et empruntant quasi exclusivement les ports, les coûts liés au transport
et transit maritime sont fatalement importants. Le grave déficit en infrastructure portuaire et maritime de l’Algérie est un des principaux facteurs qui influent sur les coûts de transport.  La banque mondiale dans un de ses rapports a souligné « l’inefficience des ports
compromettent fortement les perspectives de croissance durable ».

Les importations annuelles moyennes de l’Algérie avaient avoisiné les 60 Milliards de Dollars (exception faite des années 2016 à 2018 durant lesquelles la chute du prix du baril de pétrole a généré une politique de restrictions aux importations sans oublier la crise sanitaire de 2020 qui a fait chuter la demande nationale sur de nombreux produits importés).  Le coût total du fret à destination de l’Algérie se situerait à 6,84 Milliards USD
(équivalent à 11,4 % du coût de la marchandise importée d’après UNCTAD, review of
marine transport 2014) .

Le manque de maîtrise du marché du transport maritime international, et parfois la recherche de facilité des entreprises (notamment celles du secteur public), en ayant recours exclusivement à la conclusion de contrat en mode CFR, engendre donc un manque à gagner considérable.

En effet, ces entreprises paient la facture du transport dans le prix global de la
marchandise, sans pouvoir connaître le cout de transport et où seul le fournisseur le fixe
et le répercute à la société importatrice.

Le Doing Business place l’Algérie au 131eme rang dans le classement des 189 économies
sur la facilité du commerce transfrontalier. Cette étude réalisée par le Doing business en
2014 montrait que l’Algérie se place derrières le Maroc et la Tunisie respectivement à la
31 ieme place et 50 eme place. Ce classement résulte des différences entre pays quant au nombre de documents nécessaires à l’import et à l’export d’un conteneur standard de marchandises, la durée d’acheminement du dit conteneur et son cout de transport.

Une seule conclusion s’impose en dernier lieu : l’efficacité des ports maritimes est indispensable pour la promotion des exportations ainsi que pour la réduction des coûts des marchandises importées par une réduction des délais de transit. Malheureusement, l’actuel gouvernement algérien tarde à réagir pour concrétiser de véritables solutions qui peuvent permettre au pays de reconquérir sa souveraineté dans le transport maritime international.

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