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vendredi, avril 19, 2024

Document exclusif. L’Espagne a remis Mohamed Benhalima aux autorités algériennes à cause de ses relations avec « Rachad » et sur la base de simples « soupçons »

Algérie Part a obtenu au cours de ses investigations le document officiel émis par les autorités espagnoles pour justifier l’expulsion de l’ancien militaire, devenu depuis fin 2019 cyber-activiste et l’une des figures emblématiques du Hirak, Mohamed Benhalima. Ce document est l’avis d’expulsion adopté par le Secrétariat d’État à la Sécurité, l’une des plus importantes et névralgiques directions du ministère intérieur en Espagne. Ce secrétariat d’Etat est dirigé en ce moment par Rafael Pérez Ruiz, ancien magistrat qui a occupé de 2018 jusqu’à 2020 les fonctions de directeur de cabinet de l’actuel ministre espagnol de l’intérieur Fernando Grande-Marlaska. 

A partir de juin 2020, Rafael Pérez Ruiz est devenu le secrétaire d’Etat à la Sécurité qui supervise et contrôle en Espagne la Direction générale de la Police et la Direction générale de la Garde Civile, l’équivalent de la Gendarmerie Nationale en Algérie. C’est Rafael Pérez Ruiz qui a signé le 24 mars dernier cet avis d’expulsion permettant aux autorités espagnoles de remettre officiellement Mohamed Benhalima aux autorités algériennes.

Et dans cet avis d’expulsion long de 8 pages, le Secrétariat d’État à la Sécurité a motivé sa décision en se basant sur de nombreux soupçons autour des intentions, idéologie et ancien parcours de l’ancien militaire algérien. En effet, dans ce document, Mohamed Benhalima est accusé par les autorités espagnoles de « Participer à des activités contraires à la sécurité nationale ou susceptibles de nuire aux relations de l’Espagne avec d’autres pays ». Pour appuyer cette décision, l’Espagne étale de nombreux arguments qui relèvent uniquement de simples soupçons.

Cet avis d’expulsion explique ainsi que « Benhalima MOHAMED AZZOUZ » était soldat dans les rangs l’armée algérienne. « En tant qu’ancien membre de l’armée algérienne, il aurait reçu une formation et aurait des compétences dans le maniement des armes, ainsi qu’une formation aux techniques et tactiques militaires », relève ce document d’après lequel la formation militaire de Benhalima permettra à une probable organisation terroriste de l’embrigader pour perpétrer ensuite des actions violentes sur le sol espagnol.

Pour les autorités espagnoles, il y a un risque élevé de voir « Benhalima MOHAMED AZZOUZ » agir « de manière autonome » ou « soit en suivant les plans d’une organisation mère » qui est qualifiée de « terroriste » dans cet avis d’expulsion.

Par ailleurs, au-delà de son passé de militaire algérien, les autorités espagnoles ont remis directement en cause la sincérité du militantisme de Mohamed Benhalima estimant dans leur avis d’expulsion qu’il est un « idéologue » et non pas un partisan du changement démocratique dans son pays l’Algérie.

« Benhalima MOHAMED AZZOUZ » a été ainsi accusé par les autorités espagnoles d’utiliser les réseaux sociaux pour « diffuser son idéologie auprès du plus grand nombre de personnes, quelle que soit leur nationalité dans le but d’établir des modèles de comportement basés sur une idéologie ».  Les autorités espagnoles ont même fait le rapprochement entre cet « activisme idéologique » avec le travail mené par « certaines célèbres organisations terroristes » comme Al-Qaïda ou Daech.

« Le vide du pouvoir que des organisations telles que DAESH et Al-Qaïda ont laissé dans la sphère internationale pourrait amener des organisations qui jusqu’à présent seraient restées en sommeil, à tenter de mener des actions violentes sur le territoire européen, afin de se renforcer parmi leurs partisans », craint ainsi le ministère espagnol de l’Intérieur d’après lequel Mohamed Benhalima présente le profil idéal d’une future recrue de ces organisations terroristes.

Cependant, aucun fait palpable n’a été présenté par les autorités espagnoles pour démontrer que Mohamed Benhalima représentait une réelle menace contre la sécurité publique en Algérie. L’Espagne se contente d’affirmer qu’il « existe des informations qui avertissent de l’existence d’anciens déserteurs de l’armée algérienne qui tentent contourner les mesures de sécurité des Forces et Corps de Sécurité » pour s’établir clandestinement en Europe. Et ces anciens militaires sont assimilés directement à des dangereux éléments qui pourront être recrutés par des groupes terroristes voulant former des cellules dormantes en Espagne.

« Les organisations radicales utilisent leurs structures décentralisées pour engager ces actions, principalement à travers les réseaux sociaux », note cet avis d’expulsion qui fait ainsi le parallèle entre le militantisme de Mohamed Benhalima et l’activisme djihadiste de certaines organisations terroristes.

Les soupçons des autorités espagnoles formulées à l’encontre de l’ex-militaire algérien sont justifiées par sa proximité supposée avec le mouvement algérien Rachad qui est cité amplement par cet avis d’expulsion.

Selon ce document, Mohamed Benhalima était l’ami de Mohamed Abdellah, l’ex-gendarme établi en Espagne qui avait été arrêté par les autorités espagnoles le 12 août 2021 et expulsé vers l’Algérie le 22 août 2021 pour les mêmes motifs qui ont prévalu lors de l’expulsion de Benhalima.

Les autorités espagnoles incriminent directement dans leur document les relations de Mohamed Benhalima et Mohamed Abdellah avec le mouvement Rachad qui est décrit avec  des termes très troublants par les autorités espagnoles. Rachad est effectivement présenté comme un mouvement qui milite « contre le gouvernement algérien ». Mais les autorités espagnoles affirment tout de même qu’elles ne peuvent pas « déterminer si son activité doit être valorisée comme celle d’un mouvement d’opposition politique, ou si elle représente un danger en rassemblant des militants qui, à leur tour, pourraient sympathiser avec des mouvements radicaux ou terroristes en Algérie ».

Plus loin, dans ce même document, les autorités espagnoles qualifient le mouvement Rachad de « groupe islamiste » fondé en 2007 « et lié à l’organisation terroriste Front islamique du salut (FIS), qui entend actuellement infiltrer les jeunes radicaux dans la société algérienne pour mener des manifestations contre le régime en Algérie, une raison qui a compromis les relations entre l’Espagne et l’Algérie », indique clairement cet avis d’expulsion lequel dévoile ainsi un alignement politique assumé de l’Etat espagnol sur les positions de l’Etat algérien concernant le traitement qu’il faut apporter aux membres du mouvement Rachad.

Pour démontrer la relation directe entre Rachad et Mohamed Benhalima ainsi que Mohamed Abdellah, le ministère espagnol de l’intérieur avance uniquement leur proximité avec Mohamed Larbi Zitout, l’ex-diplomate réfugié depuis les années 90 en Angleterre et devenu le principal leader du mouvement Rachad.

Les autorités espagnoles nous apprennent enfin dans leur avis d’expulsion que Mohamed  Benhalima est effectivement entré en Espagne, le 1er septembre 2019 depuis l’aéroport d’Alicante avec un visa touristique en bonne et due forme. Il avait demandé l’asile politique auprès des autorités espagnoles le 18 février 2020. Cet asile lui a été officiellement refusé le 13/07/2021 et la validité de son document de demandeur d’asile avait expiré depuis 11/05/21. Ce qui a rendu sa présence sur le territoire espagnol irrégulière et illégale. Sa procédure d’expulsion lui a été notifiée dés le 14/03/2022 à la suite de son arrestation par les services de sécurité espagnols près de Saragosse.

Soulignons enfin que Mohamed Benhalima a été condamné par contumace par la justice algérienne en mars 2021 à 10 ans de prison pour « publications de fausses informations ».

 

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