Derrière le report du sommet Arabe d’Alger, un inquiétant échec diplomatique

Le Sommet de la Ligue Arabe, prévu le 23 mars prochain à Alger, n’aura pas lieu à la date annoncée en septembre 2021 par le président Abdelmadjid Tebboune. Et pourtant, ce dernier, à deux reprises en 2021, avait annoncé la date du 23 mars 2022 pour l’organisation de ce sommet. Tebboune avait même dévoilé l’ambition de faire de ce rendez-vous tant attendu une occasion pour « souder les rangs arabes ». Au final, ce sommet sera encore une fois « reporté ». Certains voix officielles tentent d’expliquer ce report par la crise sanitaire liée à la pandémie de la COVID-19. 

Il s’avère que ce motif est totalement fallacieux et mensonger, a pu vérifier Algérie Part auprès de plusieurs sources diplomatiques algériennes. En vérité, derrière ce report inattendu et surprenant, se cache un inquiétant échec diplomatique du régime algérien. Un échec qui a été constaté à la suite de la dernière tournée régionale du chef de la diplomtie algérienne, Ramtane Lamamra. Ce dernier n’a pas pu convaincre les autres dirigeants arabes de s’aligner sur la position algérienne concernant plusieurs dossiers géopolitiques clés notamment celui portant sur la réintégration de la Syrie au sein de la Ligue Arabe.

Lundi 17 janvier, Ramtane Lamamra avait été reçu au Caire par le président égyptien Abdelfattah Al-Sissi,en présence du ministre des Affaires étrangères égyptien, Sameh Choukri. La cause palestinienne, la crise libyenne, la promotion de l’action arabe commune et la coordination commune afin de défendre « les valeurs et principes de l’Union africaine (UA) » ont été abordées lors de cette rencontre, selon un communiqué du ministère des Affaires étrangères.

Auparavant, le chef de la diplomatie algérienne s’est rendu à Ryad et Abu Dhabi. Le ministre des Affaires étrangères algérien s’était effectivement rendu à Riyad le 12 janvier. Dans la capitale de l’Arabie saoudite, Ramtane Lamamra avait remis à son homologue saoudien, le prince Faiçal bin Farhan bin Abdullah Al Saud, une lettre manuscrite du président Abdelmadjid Tebboune destinée au roi Salmane. Plus tard, à savoir le 15 janvier, Lamamra avait séjourné à Abou Dhabi. Il avait remis à Mansour Bin Zayed, vice-chef du gouvernement et ministre des Affaires de la présidence, un message écrit du président Abdelmadjid Tebboune adressé à son homologue émirati Khalifa Bin Zayed Al Nahyan, indique l’agence de presse officielle Wam. «Au cours de cette rencontre, nous avons abordé de nombreuses questions d’intérêts commun et des perspectives prometteuses de coopération bilatérale dans divers domaines», avait écrit pour sa part Lamamra sur Twitter.

Lors de cette tournée régionale, Lamamra avait été, certes, chaleureusement accueilli. Mais le bilan final fut très maigre, pour ne pas dire insignifiant. Le chef de la diplomatie algérienne n’a pas pu convaincre ses interlocuteurs de soutenir l’orientation diplomatique de l’Algérie, à savoir garantir le retour de la Syrie au sein de la Ligue Arabe lors du prochain sommet d’Alger. Riyad et Abu Dhabi s’opposent encore à cette option et ne souhaitent pas apporter leur caution à ce processus. L’Egypte n’a montré aucun enthousiasme et n’a pas voulu soutenir activement l’Algérie dans ce dossier. Pour rappel, le 12 novembre 2011 , la Ligue a suspendu la participation de la Syrie à la majorité qualifiée et non à l’unanimité des 22 pays arabes.

11 ans plus tard, aucun processus n’a été encore réuni pour traiter la question syrienne par la Ligue Arabe. Selon nos sources, l’Algérie a commis une erreur en plaçant la barre très haut en prévision de l’organisation du prochain Sommet Arabe à Alger. Le régime algérien s’est lourdement trompé en conditionnant la réussite du sommet d’Alger par le retour de la Syrie. Le régime algérien a tracé son agenda sans tenir compte des capacités de persuasion qu’il faut déployer afin de réunir tous les dirigeants arabes autour de cette délicate question. En plus, en proie à une crise politique interne, le régime algérien a trop dévoilé ses objectifs de récupération politique à travers l’instrumentalisation du prochain Sommet Arabe.

Avec le retour de la Syrie au sein de la Ligue Arabe, Alger espérait renforcer plus que jamais son axe avec Moscou en nouant définitivement une alliance politique très forte capable de lui permettre de se targuer d’une influence régionale très importante. Ce comportement un peu « cavalier » a très mal perçu par les autres capitales arabes notamment au niveau des Pays du Golfe.

Par ailleurs, le conflit violent déclaré par l’Algérie au Maroc depuis fin de l’été 2021 a énormément pesé sur la tournée régionale de Lamamra. Ce conflit a discrédité la démarche consensuelle de l’Algérie. Comment un pays officiellement en guerre froide et ouverte contre son propre voisin peut-il gérer la réconciliation des autres pays arabes avec la Syrie ? Comment un pays qui n’arrive pas à négocier un terrain d’entente avec son voisin direct pour la paix régionale peut-il s’imposer comme l’arbitre des conflits dans le Monde Arabe ?

Le manque de pertinence de la position algérienne a causé du tort à l’organisation du prochain Sommet Arabe. Le régime algérien a cherché à obtenir le soutien diplomatique des Emirs du Golfe alors qu’il veut faire la guerre à leur principal allié régional : le Maroc !

Dans ce contexte, très peu de pays arabes désiraient envoyer à Alger des dirigeants de haut rang. Ce qui aurait capoter l’organisation du Sommet Arabe qui serait privé du prestige que le régime algérien rêvait de lui offrir.

La crise sanitaire évoquée pour justifier le report de ce sommet n’est donc qu’un prétexte fallacieux. Il est à signaler enfin que cet argument de la crise sanitaire a été évoqué, d’abord, par le secrétaire général adjoint de la Ligue arabe, Hossam Zaki.

Le numéro deux de l’organisation panarabe, cité par plusieurs médias arabes, a avancé l’argument de la crise sanitaire liée à la propagation de la Covid-19. « L’Algérie elle-même préfère l’option », a soutenu Hossam Zaki, qui était en visite à Alger il y a une semaine, où il a conduit une délégation chargée de surveiller l’avancée de l’organisation de ce sommet.

« Chaque pays hôte espère accueillir un maximum de dirigeants de haut rang, or ce n’est pas garanti en période de crise sanitaire », a-t-il ajouté. Selon lui, la nouvelle date du sommet devrait être annoncée à l’occasion de la réunion, le 9 mars prochain, des ministres arabes des Affaires étrangères. Hossam Zaki a laissé entendre, par la même occasion, que ce sommet n’aurait pas lieu avant « la fin du mois de carême (ramadan 2022) », prévu cette année en avril.

Le ministre des affaires étrangères, Ramtane Lamamra, a parlé, quant à lui, « d’une affirmation fallacieuse », estimant que la « date de la tenue de ce rendez-vous n’avait pas été arrêtée ».

« Contrairement aux contre-vérités circulant sous le titre « report du sommet » au moment où la date de sa tenue n’a pas été fixée ni aucune décision prise la concernant, et conformément aux mesures en vigueur dans le cadre du système arabe, le président de la République compte proposer une date alliant la symbolique nationale historique et la dimension arabe, une date qui consacre les valeurs de la lutte commune et de la solidarité arabe », a-t-il précisé, ce samedi en marge d’une réunion avec les ambassadeurs des pays arabes accrédités en Algérie.

C’est cette date, a-t-il ajouté, qui « devrait être adoptée par le conseil des ministres arabes lors de sa session ordinaire prévue en mars prochain, avec l’initiative de l’Algérie et l’appui du secrétariat général de la Ligue arabe ».

Et le chef de la diplomatie algérienne d’ajouter « Elle devra (cette date ndlr) permettre de parachever le processus préparatoire dans la forme et dans le fond, découlant ainsi sur la réalisation des conclusions d’une politique confortant la crédibilité et l’efficacité de l’action arabe commune ».

Cette nouvelle cacophonie autour du sommet Arabe d’Alger démontre qu’il y a une sérieuse défaillance diplomatique située à très haut niveau. Pour rappel, les membres du sommet de la Ligue arabe, qui se tient habituellement en mars, se sont réunis pour la dernière fois en mars 2019 à Tunis. En raison de la pandémie de Covid-19, les éditions 2020 et 2021 avaient été annulées.