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samedi, avril 20, 2024

Dépenses Publiques – Quand le Patron de Sonelgaz Ignore les Directives du Président Tebboune

En matière de dilapidation de l’argent public, ce sont presque toujours au sein des entreprises les plus fragiles financièrement, que de graves dépassements sont observés par ceux-là mêmes qui sont censés donner l’exemple, s’adapter à la conjoncture économique et appliquer les recommandations du gouvernement et de la Présidence de la République.

En effet, à l’heure ou Abdelmadjid Tebboune instruit tous les Ministères et les entreprises publiques de stopper leurs projets de construction et de réfection de leurs infrastructures dans l’objectif de rationaliser les dépenses de l’argent public, le Président Directeur Général (PDG) de Sonelgaz, Chaher Boulekhras, ne suit pas la ligne d’austérité prônée par la Présidence et fait fi des orientations du gouvernement, qu’il est pourtant supposé servir.

Chaher Boulakhras – PDG de Sonelgaz

En dépit d’un déficit financier du groupe qui équivaut à près 61 Milliards de Dinars (500 millions de dollars), le PDG de la première entreprise électrique publique du Pays, a décidé d’engager des dépenses pour l’aménagement du 4ème étage qu’il occupe au niveau de la Direction Générale, pour un montant qui dépasse les 188 millions de dinars !

  • Bureau Haut standing (avec des matériaux de luxe) ;
  • Espace privatif (dressing, douche à l’italienne, avec des matériaux de luxe) ;
  • Salle de sport ;
  • Ascenseur privatif et panoramique, etc.

Alors que la compagnie qu’il chapeaute est largement subventionnée par le trésor publique, Boulekhras va également dépenser plus de 420 millions de dinars, pour le relookage des façades des deux immeubles de le Direction Générale (DG) de Sonelgaz, sis au 02 Boulevard Krim Belkacem, ex Télémly sur les hauteurs d’Alger au mois de février 2020.

Au mois de Juin 2020, en plein marasme économique et sanitaire, une réunion s’est tenue au niveau de la Direction des Services Communs (DSC) de la Sonelgaz, pour discuter du suivi du relookage des façades de la DG.

Imperturbable, Mr Nemmar Abdeslam, le Directeur de la DSC a confirmé le maintien des travaux du 4ème étage de la Direction Générale, alors qu’on se serait plutôt attendu à un gel de ces dépenses… L’austérite? C’est pour les autres apparemment.

Comme vous avez pu le voir sur nos documents, les travaux de réaménagement des bureaux de Boulekhras ont été confiés à l’entreprise EURL NG.Bas, alors que le relookage des façades a été confié à l’entreprise TCE GACEM, et ce même si parmi les filiales du groupe Sonelgaz, il existe une entreprise spécialement dédiée à des missions aussi variées que :  

La gestion locative : Gestion des baux, gestion des sites en matière de maintenance.

L’administration des biens : Facturation et recouvrement, la gestion des impayés.

La gestion du patrimoine : Entretien et réhabilitation.

La construction : Conception, construction et location

L’acquisition : Prospection, achat, aménagement.

Pourquoi dès lors recourir à des prestataires et sous-traitants extérieurs quand les filiales de Sonelgaz peuvent proposer ce genre de prestations ? Nous y reviendrons.

Installé à son poste en mai 2019 par Abdelkader Bensalah, l’ex Président intérimaire en remplacement de Mohamed Arkab, lequel avait été promu Ministre de l’énergie dans le gouvernement de Nourredine Bedoui, Chaher Boulekhras va engager Sonelgaz dans des une spirale de dépenses inattendue.

En effet ce sont 205 870 000 DA, plus de 20 Milliards de centimes, qui vont être déboursés au bureau de conseil étranger Ernst & Young à la fin de l’année 2019, pour sous-traiter l’élaboration de la vision et de la stratégie Sonelgaz 2035…

A croire que le groupe Sonelgaz, qui renferme plus de trente dirigeants dans ses filiales et d’excellents cadres dirigeants diplômés, ayant pour la plupart bénéficié de formations à l’étranger sur le management et la stratégie, et qui ne demandent qu’à être écoutés, avait besoin d’un prestataire étranger pour lui définir sa stratégie ? Après on se demande pourquoi nos cerveaux fuient l’Algérie…

Ce contrat d’accompagnement pour l’élaboration de l’étude « vision et stratégie Sonelgaz – 2035 » signé le 26 Janvier 2020, souffre pourtant d’un détail pouvant légitimement mener à sa nullité, sans même que notre dépensier PDG ou les instances de contrôle juridique de l’Etat, n’aient relevé cela.

En effet, pour chaque marché public les soumissionnaires sont tenus de remplir et signer une déclaration à souscrire dans laquelle le déclarant se doit de répondre à un ensemble de questions relatives à la société, lui permettant de soumissionner à un marché public algérien.

   

Ainsi, Ernst & Young Algérie, qui a eu recours à Ernst & Young France, elle-même filiale de la maison mère Ernst & Young dont le siège se situe au Royaume-Uni, a indiqué aux responsables de la société publique algérienne d’Electricité, que leur cabinet ne faisait pas l’objet d’un jugement constatant un délit affectant sa probité professionnelle.

Or Ernst & Young a été poursuivi en 2009 par la justice américaine pour fausses déclarations dans ses audits opérés sur un client, le cabinet ayant préféré payer 8,5 millions de dollars pour éviter un procès.

En 2010, des poursuites ont été engagées contre Ernst & Young par le procureur de l’Etat de New York, pour avoir couvert des manipulations comptables de la banque Lehman Brothers, visant à masquer le montant réel de sa dette, avant la faillite de la grande banque d’affaires américaine.

En 2013, Ernst & Young avait été accusée par un de leur associé d’avoir minimisé de graves irrégularités dans une affaire de blanchiment, suite à l’audit d’un de leur client à Dubaï. En Avril 2020, Ernst & Young a été contraint de payer 11 millions de dollars de dommages-intérêts à son ancien associé du cabinet d’experts-comptables après avoir dénoncé un programme de blanchiment d’argent dans une importante raffinerie d’or aux Émirats arabes unis.

Enfin, suite à une enquête du Financial Times en 2019, Ernst & Young s’est retrouvé entraîné par le scandale de la faillite de la société allemande Wirecard, prestataire de paiements électroniques, dont il était chargé de vérifier les comptes et qui a fait faillite, après avoir vraisemblablement gonflé ses comptes avec des fonds fictifs aux Philippines pour un montant d’1,9 milliard d’euros, représentant le quart de la taille de son bilan…

Pourquoi donc Ernst a& Young n’a pas rapporté ces faits à Sonelgaz ? Et comment expliquer que les autorités algériennes n’aient pu constater ce qui pourrait s’apparenter à un mensonge de la part de ce Cabinet d’Audit Financier et de Conseil, directement ou indirectement impliqué dans divers scandales bancaires et financiers de grande ampleur ? Étrange…

Ne se connaissant pas de retenue en matière de dépenses, malgré les profondes crises multidimensionnelles que traverse le pays, induisant d’ailleurs un très probable recours à l’endettement extérieur de Sonelgaz, l’extravagant PDG de Sonelgaz n’a pas hésité à débourser, à la fin de l’année 2019, la somme de 17 337 327,88 de DA pour aménager le logement de fonction qui lui était affecté, une cossue villa dans le quartier chic de la rue des Pins à Hydra… Une sacré somme, mais qui n’a pas choqué grand monde au niveau du conseil d’administration ou de la tutelle !

        

Les travaux de réfection de la villa d’Hydra ont été confiés, en mode gré à gré bien entendu, à l’entreprise Inerga…une filiale de Sonelgaz qui s’occupe de la réalisation d’infrastructures à caractère énergétique, industriel et immobilier…

Pourtant, le recours à une autre entreprise du groupe Sonelgaz, la société du patrimoine immobilier des industries électriques et gazières (SOPIEG), créée le 1er janvier 2009, aurait été bien plus juste.

Comme nous le rappelions plus haut, cette filiale aurait pu prendre en charge également la réfection du 4 étage de la Direction Générale, puisque la SOPIEG a pour attribution d’assurer les prestations d’entretien et de rénovation des infrastructures immobilières à usage administratif et d’habitation, mais également veiller au bon fonctionnement des équipements au niveau des infrastructures immobilières, et surtout définir les prévisions et planifier les plans et programmes de développement annuels et pluriannuels.

Alors pourquoi désigner la société Inerga, qui est, pour rappel, impliquée dans une affaire de corruption à l’international. Le procureur général auprès du tribunal d’Udine en Italie soupçonne effectivement le Directeur d’Inerga d’avoir reçu de substantiels pots-de-vin de la part de la société italienne “Polisio”, à travers son Président Directeur Général Dario Roustayan…

L’immobilier de Sonelgaz justement, l’autre grand volet que les services de sécurité et ceux de la Présidence doivent impérativement passer au peigne fin.

Car Sonelgaz dispose d’un important patrimoine foncier et immobilier, déclinés en villas, appartements, terrains et locaux. Des propriétés qui attirent, comme vous pouvez vous en douter, bien des convoitises.

C’est ce que nous vous dévoilerons dans nos prochaines éditions.

Mais entre temps, il y a lieu de noter que le PDG de Sonelgaz continue non seulement d’ignorer les règles de gestion qui prévalent dans une situation de crise, traite avec une entreprise de conseil qui a menti sur un document officiel, mais fait également étalage, et c’est là le plus grave, de tout le mépris qu’il semble accorder aux recommandations du Président de la République.

Pauvre Algérie…

Amir Youness

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