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samedi, avril 20, 2024

Décryptage. Et si le dinar algérien devenait enfin une monnaie convertible ?

La convertibilité du dinar algérien. Voila un débat économique que l’Algérie n’a jamais tranché faute de l’avoir abordé sereinement et scientifiquement loin des querelles idéologiques. Pour l’heure, la monnaie algérienne n’est pas convertible. Et à ce niveau-là, les Algériens sont contraints de se rabattre sur le marché parallèle pour acheter des devises étrangères afin de voyager à l’étranger. Mais la problématique de la convertibilité ou non-convertibilité du dinar algérien a des dimensions stratégiques qui dépassent les préoccupations quotidiennes des citoyens ordinaires. Explications et décryptage. 

 

D’abord, que signifie la convertibilité totale d’une monnaie  ? Il s’agit de la liberté de convertir une monnaie en toute devise à l’intérieur ou hors du pays qui permet généralement d’accroître la croissance économique d’un pays, par la libéralisation des échanges, l’ouverture à de nouveaux investissements… En théorie, cette convertibilité conduit à une meilleure affectation des ressources en capital, si l’on part du principe qu’une économie de libre-échange est optimale. Or, le dinar algérien ne fait pas partie de cette catégorie des monnaies convertibles.

L’Algérie avait fait un choix économique consistant à administrer encore son marché des changes. Cela signifie que les autorités algériennes privent les résidents détenteurs de dinars  de la possibilité de les convertir en monnaies étrangères. Après des tentatives de réformes économiques et financières au cours des années 90, les autorités algériennes ont totalement abandonné l’idée d’une convertibilité de la monnaie nationale en 2009. Pourquoi ?

Parce que l’Algérie est tellement sous-industrialisée et sous-développée économiquement qu’elle ne peut aucunement faire face à la concurrence étrangère et préfère ainsi protéger ses réserves en devises qui lui garantissent sa survie économique.  Avec une production industrielle au-dessous de 5% du produit intérieur brut (PIB), l’Algérie est devenue au cours des années 2000 un vaste marché où se déversent toutes sortes de produits importés, souvent de contrefaçon et de mauvaise qualité. Or, il y a une règle économique majeure :  le taux de change de la monnaie d’un pays dépend fortement de la politique industrielle de ce pays. Si un pays comme l’Algérie a une industrie nationale qui ne satisfait même pas les besoins élémentaires de son propre marché, ce pays sera totalement dépendant des fluctuations des devises étrangères pour financer ses importations. La convertibilité de sa monnaie ne lui apportera donc aucun équilibre économique ou financier.

Au contraire, il serait suicidaire d’aller vers la convertibilité totale dans un pays qui ne dispose pas d’une véritable production nationale accompagnée d’un système bancaire et fiscal moderne.

Si une monnaie est convertible, elle devra se mesurer aux indicateurs du marché mondial. Or sur quels critères les investisseurs achètent et vendent des monnaies sur le marché ? Un facteur joue un rôle important mais inégal selon les circonstances, dans la formation de la valeur d’une monnaie : le niveau des taux d’intérêt – qu’on appelle couramment le « loyer de l’argent ». Si un pays offre des taux d’intérêt élevés, les placements dans cette monnaie sont rémunérateurs pour les investisseurs internationaux, et donc toutes choses égales par ailleurs, cela soutient le cours de la monnaie.

Cependant, la valeur d’une monnaie repose aussi et surtout sur la confiance que l’on accorde à un pays, sur l’importance de sa richesse, sa stabilité, sa croissance économique et sa puissance stratégique. Si un pays a, par exemple, de forts déficits commerciaux (flux de marchandises) et/ou de sa balance des paiements (flux de capitaux), cela pèse sur la valeur de sa monnaie, qui, normalement, se déprécie. Par ailleurs, lorsque des pays ont des échanges importants entre eux, les valeurs de leur monnaie sont souvent liées entre elles et la plus importante entraîne les autres. Malheureusement, l’Algérie n’est pas un pays puissant et ne dispose d’aucune économie prospère basée sur une production industrielle. Dans ce contexte, le dinar algérien, s’il était convertible, il ne va attirer personne !

Il faut savoir qu’au début des années 90, l’Algérie avait tenté d’emprunter la voie de la convertibilité du dinar. Dans le cadre de la mise en œuvre de réformes économiques et financières visant la transition à l’économie de marché, la libéralisation du commerce extérieur et des paiements engagés au début des années 1990, a mis en avant le processus de convertibilité du dinar pour les transactions extérieures courantes.

La convertibilité commerciale du dinar entamée dès 1991 a été véritablement mise en oeuvre en 1994, car la libéralisation des paiements au titre des importations a été effective dès cette année. Cette convertibilité commerciale a été appuyée par la mise en place en octobre 1994, du fixing pour la détermination du taux de change en fonction de l’offre et de la demande sur le marché des changes.

La seconde étape dans le processus de convertibilité courante du dinar a été entamée en Juin 1995, avec l’autorisation des dépenses de santé et d’éducation. Ces dépenses dites « transactions courantes invisibles » sont autorisées sur pièces justificatives et dans la limite de montants annuels.

Le 28 Août 1997, la Banque d’Algérie a autorisé les dépenses pour voyage à l’étranger des nationaux. Ce droit de change complète le processus de convertibilité du dinar au titre des transactions extérieures courantes, et est effectif depuis le 15 septembre 1997 au niveau des guichets des banques et établissements financiers intermédiaires agréés, dans la limite d’un montant annuel.

Ainsi, la Banque d’Algérie autorise les demandes de devises étrangères, sous réserve que ces devises soient destinées à effectuer des paiements ou des transferts afférents à des transactions courantes, et non à procéder à des transferts de capitaux. La convertibilité courante du dinar est donc établie dans un contexte de consolidation de la viabilité de la balance des paiements et de stabilité du cours du dinar sur le marché interbancaire des changes qui a été mis en place en début 1996.

Ce qui a permis à l’Algérie, en tant que pays membre du Fonds Monétaire International, d’adopter les dispositions de l’Article VIII des statuts. Mais ce processus avait débuté dans une Algérie qui était en situation de quasi-faillite financière. Elle était donc obligée de faire des réformes pour pouvoir bénéficier de prêts consentis par le FMI ou les pays riches du Club de Paris.

En 1990 et 1991, en effet, l’Algérie ployait sous le poids de la dette dont le service représentait respectivement 66,4% et 74,0% des recettes d’exportations avec de plus, des réserves de change d’un niveau extrêmement bas soit 0,77 milliard et 1,61 milliard de dollars respectivement, correspondant à 0,8 mois et à 2 mois d’importations ! A partir des années 2000 notamment depuis 2004 et 2005, l’Algérie retrouve une aisance financière grâce à la remontée des prix du pétrole et remplit ses caisses par des milliards de dollars d’exportations des hydrocarbures. L’Algérie de nouveau riche abandonne toute idée de sacrifier une partie de ses devises dans un jeu de convertibilité du dinar qui risque de lui faire perdre le contrôle sur le marché des changes.

Mais aujourd’hui, la situation s’est totalement inversée. Le pays s’appauvrit, les recettes des hydrocarbures sont en chute libre, les réserves de change fondent comme neige au soleil et le dinar algérien n’a jamais autant dégringolé avec une chute de sa valeur qui avoisine les 60 % depuis 2017. Le débat sur la convertibilité du dinar est, désormais, plus que jamais d’actualité.

N’est-ce pas le moment de faire une méga-réforme financière pour changer totalement le modèle économique de l’Algérie ? Pour certains, non le risque est énormément élevé. Pour certains observateurs de la situation économique de l’Algérie, si le dinar algérien devient convertible aujourd’hui, l’Algérie vivra sa plus grande dépréciation monétaire de l’histoire. Les partisans de la peur estiment que ça sera « une catastrophe » pour l’Algérie et une convertibilité du dinar algérien va créer un véritable « choc économique » consistant à dire bye bye aux subventions publiques et transferts sociaux sans oublier une dévaluation totale du dinar algérien en raison de l’absence d’une production nationale et d’une forte dépendance aux importations. L’Algérie ne serait donc pas prête pour aller vers la convertibilité de sa monnaie.

Pour d’autres observateurs, au contraire, c’est le moment de lancer de courageuses réformes financières comme la convertibilité du dinar algérien. Les partisans de cette convertibilité estiment que la masse monétaire en dinars en circulation en Algérie est tellement petite qu’autoriser les algériens à changer en devises leurs avoirs ne ferait aucun mal à l’économie. Certes, au départ, il y aura une ruée vers les banques pendant quelques jours mais après les consommateurs vont revendre leur devises pour payer leurs achats et leurs dépenses au niveau du marché local.

Des commerçants profiteront de cette réforme pour s’enrichir ou tricher, mais ils se raviseront vite car ils comprendront que pour continuer leurs affaire sen Algérie, ils auront toujours besoin de dinars algériens. Ils vont donc revenir vers les banques pour revendre les devises étrangères comme les euros ou les dollars qu’ils ont acquis sur le marché.

En revanche, tous les experts et observateurs des diverses politiques monétaires conviennent que pour convertir totalement le dinar algérien, il faut créer des plateformes monétaires comme par exemple la bourse et déployer des législations ainsi que des structures locales pour rendre possible  la capitalisation des entreprises. Ce qui permet d’attirer des investisseurs étrangers désireux d’acheter des actions et d’investir sur les potentialités du marché algérien. Ils investiront naturellement en devises puisque le marché des changes sera totalement libéralisés et tous les freins à l’investissement levés ou supprimés.

Quant aux recettes en devises de l’Etat algérien, avec un baril à 45 dollars, c’est totalement suffisant pour se constituer un stock en devises et enclencher par la suite une processus d’industrialisation du pays afin de diminuer la facture des importations en dévaluant  encore de 15-20 % la valeur du dinar  par rapport à l’euro et au dollar.

Plusieurs études économiques de haut niveau ont prouvé que la convertibilité totale du compte de capital ouvre les marchés du pays aux acteurs mondiaux, y compris les investisseurs, les entreprises et les partenaires commerciaux. Cela permet un accès facile au capital pour différentes entreprises et secteurs, ce qui a un impact positif sur l’économie d’une nation. Et avec la participation accrue des acteurs mondiaux, de nouvelles entreprises, des partenariats stratégiques et des investissements directs prospèrent, il y aura enfin de nouvelles opportunités d’emploi dans divers secteurs de l’industrie, ainsi qu’à l’encouragement de l’entrepreneuriat pour les nouvelles entreprises.

La convertibilité du dinar algérien est donc une véritable piste pour une modernisation de l’Algérie et une facilitation majeure pour son développement économique. Il est temps de rouvrir ce dossier avec une véritable vision futuriste pour l’avenir du pays.

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