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samedi, avril 20, 2024

Décryptage – Coronavirus, les hésitations fatales du Président Tebboune

Le 17 Mars 2020, le Président algérien Abdelmadjid Tebboune affirmait, dans un discours diffusé sur les chaines de télévision nationales, que l’Algérie possédait une capacité de 2500 lits de réanimation, qui pouvaient être augmentée à 6000 lits au niveau de tous les hôpitaux et centres hospitaliers du pays.

Quelques heures avant, son ministre de la Santé, de la Population et de la Réforme hospitalière, le Pr Abderrahmane Benbouzid, avait quant à lui déclaré que : « Plus de 400 lits de réanimation sont disponibles et des espaces à mettre immédiatement à disposition avec des respirateurs étaient en cours d’identification.»

Beaucoup ont été surpris de la différence dans le dénombrement des capacités de réanimation des centres hospitaliers selon le Président algérien, différence qui accuse un écart 15 fois supérieur aux chiffres du Ministre… Troublant !

Cette communication pour le moins confuse, a laissé les algériens dans leur grande majorité pour le moins sceptiques, au point de douter des mesures officielles prises par les autorités du Pays pour faire face à la pandémie de Coronavirus.

Aussi, le Ministre Benbouzid s’est vu contraint de faire une mise au point et s’expliciter sur cette différence dans les chiffres officiels.

Selon lui, ce serait en fait la capacité théorique des services de réanimation, repartis à travers le territoire national dans « des circonstances normales », qui est estimée à 400 lits. Rejoignant les propos du Président Tebboune, Benbouzid a alors affirmé, qu’il était possible d’augmenter ces capacités à 6000 lits de réanimation…

Or nous voyons difficilement comment, les autorités sanitaires du pays pourraient atteindre ces chiffres en quelques jours.

A titre d’exemple, l’hôpital de référence à Tipaza, a vu ses capacités passer de 8 à 35 lits de réanimation, alors que l’autre hôpital de référence dans la Wilaya de Blida a vu sa capacité d’accueil passer à 70 lits de réanimation.

Autre wilaya que le Président algérien connait bien pour y avoir siégé en tant que Wali est Adrar. L’hôpital de la ville d’Adrar est tout simplement dépourvu de service de réanimation, au point que même la chirurgie y a été abandonnée, par absence d’équipements de réanimation !

Mais cela n’empêche guère le gouvernement algérien de continuer d’affirmer qu’il existerait ‘’2.500 appareils de respiration artificielle, soit 2.699 lits de réanimation et 2.500 autres appareils anesthésiant et de respiration artificielle, outre 220 cliniques privées disposant de 3 à 4 lits de réanimation, soit un total de 6.000 lits de réanimation’’.

Cela laisserait l’espoir que ces données seraient à même de permettre de faire face, comme les spécialistes de la santé l’affirment, à l’accroissement attendu du nombre de personnes atteintes par le COVID-19, dans les prochains jours en Algérie.

Tout le monde s’accorde à penser, nous en sommes persuadés, que ces chiffres ne devraient aucunement être fournis dans le but de rassurer momentanément l’opinion publique et donner l’illusion que la situation est maitrisée par le pouvoir. Bien au contraire, les algériennes et les algériens se doivent d’être correctement informés et ainsi convenablement préparés à affronter les conséquences de la propagation du coronavirus.

En cela, toutes annonces maladroites émanant de nos politiques et obéissant à des règles démagogiques ou populistes, leur seraient tout aussi fatales qu’elles pourraient l’être aux citoyens algériens…

L’ancienne ministre de la Santé Tunisienne Samira Marai n’a pas hésité à faire savoir que la capacité de la Tunisie dans tous les hôpitaux tunisiens était uniquement de 240 lits de réanimation.

Faut-il rappeler par ailleurs que le ministère de la Santé français affirmait il y a quelques jours que la France disposait de 5 000 lits de réanimation et de soins intensifs, équipés pour les patients graves. Dans la seule région parisienne il n’y aurait que 180 lits de réanimation disponibles et 400 lits de soins continus…

Peut-on honnêtement croire que le système de santé en Algérie est doté de capacités supérieures à la France ? Ou qu’il a été prévu pour les services de réanimation algériens assez de masques, de gants, de solutés hydroalcooliques ainsi qu’un personnel soignant et des médecins en nombre ?

La réponse nous vient du Président du Syndicat national des praticiens de santé publique (SNPSP), Dr Merabet Lyes et du Président du Conseil de l’Ordre des médecins libéraux, Dr Bekkat Berkani. Pour eux, le manque de moyens, d’organisation et de protection est une problématique qui complique la tâche déjà bien difficile des professionnels de santé.

Nous aurions aimé poser la question au responsable de la communication du Ministère de la santé et lui demander : où est le plan de préparation à une pandémie comme le préconisait l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) ? Où sont les mesures barrières contre les virus et la stratégie vaccinale et médicamenteuse qu’avait recommandé l’OMS ? Combien d’exercices ont été mis en place pour préparer le travail des cellules de crise ? Les avons-nous coordonnés avec les pays voisins et a une échelle supra-nationale ?

Pourquoi les autorités n’ont-elles pas fait preuve d’anticipation en préparant des stocks stratégiques de consommables de protections, alors qu’elles exigent pour chaque importateur d’équipements de santé de présenter un Programme Prévisionnel d’Importation communément appelés PPI ?

Aussi, comment dès lors classer les discours et déclarations du gouvernement algérien, aux antipodes des données opérationnelles des professionnels de la santé ? Serait-ce là le fruit d’une inconsciente et mauvaise lecture des chiffres, ou plus simplement l’expression de l’incompétence des autorités à gérer la crise ? Dans les deux cas, il y a danger pour la population. Danger de mort !

Le confinement, partiel ou total, s’inscrit aujourd’hui comme seule solution pour casser la chaine de transmission du virus aux citoyennes et citoyens algériens, affirment les médecins. Mais à cela, le Président Tebboune refuse toujours d’y recourir…

Faudra-il qu’Il attende qu’il y ait plus de contaminations et de morts ?

Fabienne Outar

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