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jeudi, avril 25, 2024

Contribution. Manifeste pour une Constitution du Peuple souverain

L’Algérie vit une étape historique et décisive que le peuple algérien dans son ensemble a entamé le 22 février 2019, réclamant le départ d’un système politique formé d’hommes, d’institutions et de pratiques qui ont produit inefficacité, mauvaise gouvernance, injustice et corruption depuis 1962.

Les Algériennes et les Algériens ont clamé haut et fort l’istiqlâl comme l’une des revendications phare de cette révolution populaire pacifique, tant la souveraineté du peuple en premier lieu a été systématiquement bafouée et celle de la nation entravée par l’illégitimité d’un pouvoir capable de toutes les compromissions pour se maintenir. Le peuple en action a permis de perturber les équilibres instables d’un régime militarisé qui a été contraint de se dévoiler puis de changer sa façade civile. Le peuple mobilisé récuse toute légitimité à ce pouvoir autoritaire et l’exprime publiquement et avec constance depuis février 2019.

Le peuple exige un changement radical de système, « Yetnahaw Gaa », l’établissement d’un nouveau système de gouvernance, avec une justice indépendante et dans lequel le peuple sera la seule source de légitimité. Les Algériennes et les Algériens veulent une citoyenneté effective dans le cadre d’un Etat de droit, un Etat civil et non militaire et récuse le paternalisme qui octroie de sa bonne grâce “éclairée” des “avancées timides”. Un pouvoir illégitime ne peut être source de légitimité juridique et institutionnelle Le projet de révision constitutionnelle de mai 2020 émane d’un pouvoir illégitime. Or, la question de la légitimité du pouvoir en Algérie n’a jamais été réglée depuis 1962.

Il est par conséquent inconcevable qu’un pouvoir illégitime puisse dicter le destin d’un peuple et conduire les affaires publiques. La légitimité des institutions est contestée par l’actuel locataire d’El Mouradia lui-même, “élu” dans des conditions rocambolesques ; comble de l’incongruité, il dénigre un Parlement qui adoptera malgré tout cette révision constitutionnelle. Cet acte illégitime émanant d’un pouvoir illégitime est de fait nul et non avenu. Cette révision intervient à un moment où une répression féroce est engagée contre les militants du Hirak.

Arrestations, condamnations arbitraires et entraves méthodiques à l’exercice des libertés sont la réponse de ce pouvoir au peuple dont il prétend solliciter l’accord. Comment peut-on croire que celui qui viole les droits de l’Homme et piétine les libertés puisse prétendre ouvrir un débat au sein de la société ? Comment le débat et l’expression du peuple pourraient-ils être libres dans telles conditions !

En réalité, le pouvoir s’est tout simplement arrogé le droit d’imposer la loi fondamentale du pays, dont une grande partie consacre formellement des droits et libertés qu’il dénie aux citoyens algériens. En l’occurrence, ce projet ne règle que les contradictions internes d’un pouvoir anachronique. Il ne peut en aucun cas satisfaire les revendications du Hirak, qui sont des revendications populaires. Ces procédés ne peuvent que produire les mêmes politiques, les mêmes pratiques et les mêmes méthodes de gestion des affaires publiques. Il connaîtra le même sort que les précédents projets du pouvoir, il n’aura aucune effectivité.

L’histoire de notre pays, dominé aujourd’hui par une oligarchie militaro-financière, nous montre que les tenants du pouvoir se sont toujours considérés comme les tuteurs du peuple dont ils ne reconnaissent la souveraineté que de manière formelle et théorique. Depuis la première constitution algérienne, les constitutions et les lois de la « République » qui en découlent sont des textes formels et largement ineffectifs qui servent à créer l’illusion d’institutions fondées sur le droit et régies par lui. En réalité, ils ne consacrent ni l’Etat de droit revendiqué par le Hirak, ni la transparence nécessaire dans les rapports de pouvoir, ses contre-pouvoirs et ses équilibres.

Elles ne constituent en définitive aucunement les impératifs de l’Etat moderne, mais des paravents que l’Etat profond instrumentalise pour pérenniser un système autocratique et répressif, dénié de toute légitimité et de toute légalité. L’Assemblée constituante, une revendication historique du mouvement national Rompre avec le régime, c’est rompre avec des hommes et un système de gouvernance, c’est aussi rompre avec sa méthode d’élaboration des constitutions.

Cette Constitution autoritaire issue de l’idéologie de la pensée unique s’inscrit dans la tradition du zaïmisme. Elle est, de fait, adossée aux instruments de contrôle de la société au lieu d’en être l’émanation, perdant ainsi la mesure de l’évolution structurelle de la société algérienne. Depuis le 22 février 2019, la société algérienne ne cesse de se réapproprier son histoire et les figures qui l’ont faite.

Elle exprime sa volonté d’apaiser les mémoires, de cicatriser les blessures, d’assumer son pluralisme et de renouer ainsi avec une revendication ancienne du mouvement national dans ses différentes composantes : “l’Assemblée constituante”. Depuis 1933, pour l’Etoile Nord-Africaine (ENA) puis le Parti du Peuple Algérien (PPA), en passant par l’additif au Manifeste du peuple algérien de 1943, elle est étroitement associée à l’indépendance de l’Algérie, l’istiqlâl, que réclame encore aujourd’hui le peuple.

A l’indépendance, le FLN historique fit élire en septembre 1962, une Assemblée nationale constituante qui fut rapidement privée de ses droits. Elle fut violentée et privée de la plénitude de ses compétences en 1963 avec les mêmes méthodes autoritaires qu’aujourd’hui.

Elle fut mise devant le fait accompli : un texte élaboré par des « experts », choisis par le pouvoir exécutif en dehors de l’Assemblée, fut adopté au cinéma Majestic, puis imposé aux élus du peuple, provoquant le retrait d’éminents membres de l’Assemblée nationale constituante, dont son président Ferhat Abbas. En mars 1976, alors qu’un « groupe d’experts » préparait pour le colonel Boumediene une constitution taillée sur mesure après une longue période de suspension de la précédente constitution, les deux anciens présidents du Gouvernement provisoire de la République algérienne (GPRA), Ferhat Abbas et Benyoucef Ben Khedda, l’ancien numéro deux de l’association des Oulémas, cheikh Mohamed Kheireddine, ainsi que l’ancien secrétaire général du Mouvement pour le Triomphe des Libertés Démocratiques (MTLD), Hocine Lahouel, cosignèrent un manifeste appelant au retour à la légitimité populaire à travers une Assemblée constituante issue d’élections libres.

Ce manifeste fut soutenu par le Front des Forces Socialistes (FFS) de Hocine Aït Ahmed, par le Parti de la Révolution Socialiste (PRS) de Mohamed Boudiaf ainsi que par Moufdi Zakaria et tant d’autres illustres militants du mouvement national. L’Assemblée constituante, un prolongement institutionnel de la révolution populaire qui prône la souveraineté L’Assemblée constituante représente la réponse la plus en adéquation avec l’un des effets de notre révolution populaire les plus chargés de sens politique. Le Hirak qui est à la fois populaire, national, massif et constant, réclame que la souveraineté du peuple ne soit pas une affirmation théorique mais une réalité concrète.

L’Assemblée constituante correspond aussi le mieux à une autre caractéristique du Hirak : son caractère horizontal qui insiste sur l’action politique collective et qui répudie aussi bien le régime autoritaire militarisé que toute forme de zaïmisme ou de tutelle politique, qu’elle soit civile ou militaire, algérienne ou étrangère. Elle traduit une aspiration du Hirak : un peuple uni autour d’objectifs politiques clairs de démocratisation et de citoyenneté et qui assume son pluralisme et sa diversité dans une démarche pacifique et déterminée dans le respect de ses valeurs ancestrales. L’élection d’une Assemblée constituante est le meilleur moyen pour que le peuple soit et demeure le principal acteur politique, qu’il s’autodétermine en débattant et choisissant un pacte social et démocratique fondé sur une citoyenneté et des libertés effectives. Cette voie a d’ailleurs été adoptée par plusieurs pays lors de leur sortie de la dictature. Avec une Assemblée constituante, le peuple est présent en permanence et à toutes les étapes de la mise en place de la Constitution.

Il élit ses représentants issus de toutes les régions du pays et courants de pensée à l’Assemblée constituante ; il participe, à travers ses représentants et des débats publics, au travail d’élaboration de la Constitution et, enfin, le dernier mot lui revient puisqu’il se prononce, à l’issue d’une campagne pluraliste et ouverte, par référendum libre et transparent sur le projet de constitution rédigé par ses représentants. Cette exigence forte du peuple donnera corps aux étapes de la transition démocratique qu’il conviendra de bien définir pour inverser les rapports de force politiques et faire de l’Assemblée constituante le moment clé de l’exercice démocratique et souverain du peuple algérien. Elle ouvrira de fait la porte à une Algérie nouvelle, démocratique et plurielle.

L’Assemblée constituante sera ainsi celle de toutes les Algériennes et de tous les Algériens. Parce qu’écrite par et pour le peuple, la Constitution légitime qu’elle rédigera consacrera la souveraineté matérielle et réelle du peuple, tandis que la proclamation de l’État civil et démocratique respectueux des libertés individuelles et collectives permettra de tourner la page de cet Etat profond qui étouffe et brise les aspirations du peuple depuis l’été 1962.

Nous nous réclamons de « l’appel au peuple algérien » Nous faisons nôtre cet appel de 1976, toujours d’actualité, cosigné en son temps par Ferhat Abbas, Benyoucef Ben Khedda, cheikh Mohamed Kheireddine et Hocine Lahouel et relayé par tant d’autres : « A notre époque un tel pouvoir est un anachronisme. La solution de nos problèmes internes aussi bien qu’externes passe par l’exercice de la souveraineté populaire. Il ne s’agit pas de vouloir imposer au pays une charte nationale comme projette de le faire le président du Conseil de la Révolution, afin d’institutionnaliser son pouvoir. Une seule voie reste ouverte pour la confection de cette charte : un débat public, à l’échelle nationale, d’une Assemblée nationale constituante souveraine […]. C’est au sein de cette Assemblée que les représentants librement mandatés par le peuple pourront traduire dans les textes les légitimes aspirations de la nation. Toute autre charte établie dans le secret des antichambres du pouvoir ne pourrait être que nulle et non avenue.

Algériens, Algériennes ! Le régime colonial contre lequel nous nous sommes mobilisés nous avait humiliés. Il nous avait interdit dans notre propre pays l’exercice de la souveraineté nationale en nous limitant aux problèmes alimentaires et économiques. Depuis notre indépendance, le régime du pouvoir personnel nous a conduits progressivement à la même condition de sujets, sans liberté et sans dignité. Cette subordination est une insulte à la nature même de l’homme et de l’Algérien en particulier. Elle est une atteinte à sa personnalité. C’est pourquoi des hommes, militants de bonne volonté, se sont rencontrés pour dénoncer cet état de choses et mettre fin à l’indignation qui nous frappe. Ils appellent les Algériens à lutter afin de : [..] De faire élire par le peuple, librement consulté, une Assemblée nationale constituante et souveraine. […] »

Initié par le Collectif Doustourouna – – Tamendawt nneɣ – ⵜⴰⵎⴻⴷⴰⵡⵜ ⵏⵏⴻⵖ

Pétition : https://www.change.org/doustourouna Signataires : (par ordre alphabétique)

Abane Belaid, médecin, historien, Alger Abbou Jugurtha, cadre d’entreprise, écrivain, militant politique, Alger Addi Lahouari, enseignant universitaire, sociologue, Lyon, France Ahmine Noureddine, avocat et militant des droits de l’homme, Laghouat Atoui Mustapha, militant associatif et politique, Boumerdes Bedrouni Mahfoud, énarque, cadre supérieur à la retraite, Alger Belhocine Lachemi, avocat, Fribourg, Suisse Benzaghou Othmane, expert en risque financier, Paris, France Boumghar Mouloud, enseignant universitaire, juriste, Istanbul, Turquie Bouraba Omar, chef d’entreprise, militant politique, Paris, France Brahimi Ali, enseignant universitaire, juriste, militant démocrate, Bouira Cherbi Massensen, enseignant universitaire, juriste, Alger Cherifi Daoud, militant politique, Gherdaia Chouiter Sofiane, avocat, Montréal, Canada Dahmani Ahmed, enseignant universitaire à la retraite, économiste, Paris, France Dirèche Karima, historienne, Aix-en-Provence, France Gasmi Mohad, militant politique et syndical, Adrar Guerfa Badr Eddine, ingénieur informatique, militant politique, Taref Haddad Nacer, militant politique, Tizi Ouzou Hadj Moussa Ratiba, enseignante universitaire, sociologue, Toronto, Canada Kadi Amina, enseignante universitaire, mathématiques, Paris, France Kadri Aïssa, enseignant universitaire, sociologue, Alger Khalfi Nour Eddine, militant associatif, retraité, Constantine Khalfoune Tahar, enseignant universitaire, juriste, Lyon, France Khelil Said, pharmacien, militant politique, Tizi Ouzou Khouani Mohamed, militant politique, Tlemcen Laziz Ouided, enseignante universitaire, Constantine I Maghraoui Mohamed, journaliste, Londres, Angleterre Mechakra Asma, chercheuse scientifique, autrice, Lausanne, Suisse Menasri Ahmed, militant politique, Tiaret Menad Embarek, artiste, Tizi Ouzou Messaoudi Rachid, journaliste et expert en médecine alternative, Londres, Angleterre Mira Tarik, militant politique, Alger Ouaïssa Rachid, enseignant universitaire, politologue, Marburg, Allemagne Salhi Mourad, militant politique, Suisse Sidhoum Salah-Eddine, médecin, Alger Smain Mohamed, militant des droits de l’homme, retraité, Relizane Taibi Hakim, enseignant, économiste, journaliste, Paris, France Yaker Farid, militant politique, Paris

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