Confidentiel. Méga-projet du phosphate de Tébessa : le scandaleux deal secret entre la compagnie chinoise CNCEC et les dirigeants algériens

Le méga-projet du phosphate de Tébessa qui devait permettre à l’Algérie de se lancer officiellement dans l’industrialisation et la diversification de son économie encore primaire et totalement entière est en train de tourner au méga-scandale de corruption et de mauvaise gouvernance, a constaté une nouvelle fois Algérie Part au cours de ses investigations. Nous avons pu confirmer cette fois-ci que les dirigeants algériens ont conclu un deal secret pour avantager une société chinoise dans le but de lui offrir l’exploitation des gisements prometteurs du phosphate algérien sans tenir compte des intérêts économiques suprêmes du pays. Explications. 

Le ministre de l’Energie, Mohamed Arkab, le PDG de Sonatrach, Toufik Hakkar, l’ex-Premier ministre, Abdelaziz Djerad, ainsi que plusieurs autres hauts responsables algériens civils et militaires dont les noms seront révélés dans nos prochaines publications, ont noué secrètement depuis plusieurs mois des négociations secrètes pour donner des gages permettant de faire passer la compagnie chinoise CNCEC dans la course pour la signature du contrat permettant la réalisation du méga-projet du phosphate de Tébessa, le plus grand projet industriel de l’Algérie au cours de ces 30 dernières années.

Nous avons pu confirmer au cours de nos investigations que cette société chinoise avait été appelée par voie diplomatique  pour participer à l’appel à manifestation d’intérêt lancé par le ministère de l’Energie à Alger le 31 mai dernier. Ainsi, les autorités algériennes ont organisé un appel à manifestation d’intérêt tout en appelant des sociétés étrangères pour les convier à y participer ! Une façon de faire totalement étrange et inédite dans le monde entier puisqu’elle compromet le sacro-saint principe de la concurrence loyale et de la transparence lors d’une compétition pour l’obtention d’un important marché public.

Il faut savoir que la CNCEC est un simple bureau d’études et d’engineering qui n’a jamais consenti à un énorme investissement au niveau des marchés internationaux. Il n’a ni les capacités ni la vocation de mobiliser des investissements de 6 milliards de dollars US nécessaires à la réalisation du méga-projet du phosphate de Tébessa.  Preuve en est, CNCEC n’a jamais fait un investissement en dehors de la Chine mais a toujours supervisé en dehors de ses frontières des projets EPC (Engineering, Procurement and Construction). Dans cette modalité, la CNCEC est uniquement responsable de la conception préliminaire et détaillée, ainsi que de la gestion des achats, de la construction, de la supervision et de la mise en service des installations industrielles d’un projet déterminé. Elle n’a jamais apporté le moindre investissement direct aux pays dans lesquels cette compagnie chinoise intervient. Au contraire, elle est payée seulement pour ses prestations techniques d’Engineering.

Par ailleurs, nous avons pu confirmer au cours de nos investigations que le ministère algérien de l’Energie a pris attache avec une autre compagnie chinoise pour l’inviter à participer à l’appel à manifestation d’intérêt qui avait été prorogé ainsi jusqu’au 11 juillet 2021 alors que sa date de clôture était prévue initialement le 20 juin dernier.  Cette autre compagnie chinoise s’appelle Wuhuan Engineering. Or, cette société est une… filiale de CNCEC. Ces deux sociétés ont déposé chacune de son côté leur dossier à l’appel à manifestation d’intérêt ce qui est fermement interdit par le code des marchés publics Algérien et cela vaut exclusion du projet pour lequel ces deux sociétés chinoises ont concouru. Une société mère ne peut en aucun déposer un autre dossier avec une filiale. Cette méprise des règles économiques nationales est une atteinte flagrante contre les intérêts de l’économie nationale.

Comme la CNCEC, Wuhuan Engineering fait aussi partie de la liste des trois sociétés contactées par l’ambassade d’Algérie à Pékin pour participer à l’appel à manifestation d’intérêt. Et ces contacts ont été initiés comme par hasard à la suite des insistances dont avait fait preuve le ministère de l’Energie. C’est dire que les responsables de ce ministère voulaient à tout prix associer la CNCEC et sa filiale au méga-projet du phosphate. Selon nos informations, des émissaires ont été dépêchés par Mohamed Arkab pour négocier avec la responsable de la région Afrique du Nord de la CNCEC qui officie depuis le Caire en Egypte. Il s’agit d’une dirigeante chinoise prénommée Mathilde dans les milieux des affaires sino-arabe. Cela signifie clairement que des dirigeants algériens veulent avantager à tout prix la CNCEC au détriment de ses concurrents désireux de développer le méga-projet du phosphate à Tébessa. Ce qui fausse totalement les règles du jeu et porte ainsi un énorme préjudice aux intérêts suprêmes du pays.

Pour rappel, le méga-projet du phosphate de Tébessa, le projet phosphatier intégré (PPI), présenté comme étant le plus grand projet industriel africain des vingt dernières années, est en train de se transformer en un gros scandale de mauvaise gouvernance en Algérie. De nouvelles manipulations émanant du ministère de l’Energie, noyauté par des lobbys affairistes mercantiles, ont retardé la réalisation de ce méga-projet qui aurait pu créer plus de 50 mille d’emplois directs et pas moins de 150 mille emplois indirects. Algérie Part a pu confirmer au cours de ses investigations que le ministère de l’Energie dirigé par Mohamed Arkab a procédé tout bonnement à la mise à l’écart du géant chinois CITIC alors qu’il est le seul et premier porteur de ce méga-projet qui nécessite un investissement colossal de 6 milliards de dollars.

Comme il a été expliqué récemment dans une enquête précédente d’Algérie Part, le géant chinois CITIC s’est engagé officiellement à apporter les 80 % de parts de l’investissement de 6 milliards de dollars nécessaires pour la réalisation de ce méga-projet d’exploitation et de transformation de phosphate. Le géant chinois a également signé publiquement au moins deux accords officiels avec le gouvernement algérien pour concrétiser ce méga-projet.

Le 26 novembre 2018, l’ex-PDG de Sonatrach, Abdelmoumen Ould Kaddour, et le PDG de la société chinoise CITIC, Chen Xiaoijia, ont signé un accord officiel à la direction de transfert du gaz à Oglet Ahmed, dans la wilaya de Tébessa, en présence de l’ex-Premier ministre, Ahmed Ouyahia, qui stipule un partenariat à 51-49 % entre les groupes industriels publics algériens Sonatrach et Asmidal, majoritaires, et le conglomérat chinois Citic. Le projet intégré d’exploitation et de transformation du phosphate et de gaz naturel, dont la partie algérienne détient 51% contre 49% pour la partie chinoise, est réparti entre le gisement de Bled El-Hadba dans la wilaya de Tebessa (Est d’Algérie), sur 2045 hectares, la plateforme de Oued Kebrit à Souk Ahras, s’étendant sur 1484 ha , celle de Hadjar Essoud à Skikda, sur 149 ha et enfin le port de Annaba sur 42 ha.

Mobilisant un volume d’investissement de six (6) milliards de dollars, le complexe de phosphate dont la mise en exploitation est prévu en 2022, devrait créer 3.000 postes d’emplois directs alors que ses chantiers de réalisation à travers les quatre wilayas assureront 14.000 postes d’emploi indirects. Ce nombre des emplois va rapidement monter jusqu’à 150 mille en raison des investissements connexes qui seront réalisés pour déployer tout un environnement industriel autour du PPI de Tébessa.

Malheureusement, depuis avril-mars 2021, les autorités algériennes tentent d’exclure et d’éjecter le géant CITIC de ce méga-projet pour le remplacer par de nouveaux acteurs et sociétés étrangères dans le seul but de renégocier « les commissions » et « rétro-commissions » qui seront remises aux dirigeants algériens. Tout un méga-projet est donc compromis à cause de la voracité honteuse de certains hauts responsables du pouvoir algérien. Nous reviendrons sur ce dossier avec de nouvelles révélations dans nos prochaines publications.