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jeudi, avril 25, 2024

Ce qui manque vraiment à l’Algérie pour permettre le développement des startups

Ce samedi, Abdelmadjid Tebboune a fait des promesses encourageantes et séduisantes pour les jeunes entrepreneurs algériens impliqués dans le développement des startutps. Ces promesses ont été formulées lors d’une visite à une exposition de startups algériennes, organisée en marge des travaux de la Conférence nationale des startups, « Algeria Disrupt 2020 » qui se tient au Centre international des conférences (CIC).

A cette occasion, Tebboune a annoncé le lancement d’un Fonds national de financement des start-ups. Ce fonds permettra d’éviter aux jeunes porteurs de projets « la bureaucratie » des banques, a expliqué le président de la République. « Si tous les Algériens se plaignent de la bureaucratie, les jeunes en sont encore plus contrariés (…) L’ère de la bureaucratie est révolue », a assuré à ce propos le président algérien.

Tebboune a fait savoir également que les sociétés étrangères participent à l’alimentation de ce fonds en devises ou en monnaie nationale, a-t-il ajouté, assurant que ce nouveau mécanisme de financement se caractérise par une certaine « souplesse » et « supportera tous les risques ».

Autre mesure en faveur des jeunes et allant dans le sens de la lutte contre la bureaucratie, le recours au système déclaratif pour la création d’entreprises innovantes. Ce n’est qu’une fois que l’entreprise est entrée en production que le jeune promoteur sera tenu de se faire délivrer un registre de commerce, a expliqué le chef de l’État.

Ces annonces sont, certes, positives et encourageantes. Mais sont-elles réellement applicables en Algérie ? Ou plutôt sont-elles suffisantes pour permettre un réel développement aux startups algériennes ? Malheureusement, non.

Pourquoi ? Parce que le financement et les facilitations bureaucratiques ne sont guère un critère majeur pour assurer le développement des startups. Ces petites entreprises ont besoin d’abord et avant-tout d’un écosystème qui favorise l’innovation, d’un environnement qui encourage la créativité. A ce sujet, le Forum économique mondial a classé plusieurs paramètres politiques et économiques qui permettent réellement le dynamisme des entreprises. Ce classement prend en compte le coût et la rapidité du démarrage d’une entreprise dans chaque pays, l’attitude des entrepreneurs à l’égard des risques et la volonté des entreprises d’adopter des idées innovantes.

« Un secteur privé agile et dynamique augmente la productivité en prenant des risques commerciaux, en testant de nouvelles idées et en créant des produits et des services innovants », a expliqué le Forum économique Mondial dans plusieurs de ses rapports approfondis sur l’économie du savoir et les nouvelles technologies d’information et de communication.  « Dans un environnement caractérisé par de fréquentes perturbations et une redéfinition des activités et des secteurs, les systèmes économiques performants sont résilients aux chocs technologiques et peuvent constamment se réinventer », a encore expliqué le même organisme qui est connu pour sa réunion annuelle à Davos, en Suisse, laquelle réunit des dirigeants d’entreprise, des responsables politiques du monde entier ainsi que des intellectuels et des journalistes, afin de débattre les problèmes les plus urgents de la planète, y compris dans les domaines de la santé et de l’environnement.

Malheureusement, ces paramètres manquent encore cruellement à l’Algérie car comment peut-on rentabiliser l’innovation, développer la créativité dans un pays où en 2020, il n’y a même pas encore une connexion internet avec un débit rapide, le paiement en ligne ou le paiement mobile ?

Prenons des exemples de notre continent africain. Depuis le succès fulgurant de M-Pesa au Kenya, les services financiers cartonnent dans la sous-région. Le paiement mobile permet la création de services à valeur ajoutée : microfinance, microassurance, épargne, les populations à faibles revenus accèdent de plus en plus à ces nouveaux produits, à défaut d’être bancarisées. Au Kenya par exemple, iNuka Pap offre à travers le mobile money des services de prêt d’urgence au SACCOs (Savings and Credit Cooperative Organizations) : avances de cash, électricité, assurances, crédit téléphonique… les Kenyans peuvent ainsi palier à leur problèmes de trésorerie pour les besoins urgents.

Les Algériens ne pourront jamais lancer de pareilles startutps innovantes parce qu’il n’y a aucune possibilité d’utiliser le paiement mobile en Algérie. Au Kenya, M-Pesa – M pour mobile et Pesa qui signifie argent en swahili – est devenu le premier service de transfert d’argent par téléphone mobile dans le monde et le plus répandu. Il a été lancé comme projet pilote en 2007 au Kenya par Safaricom, premier opérateur kenyan de téléphonie mobile. Oui en 2007 et l’Algérie est en 2020… et aucune autorité n’arrive à élaborer ne serait-ce que l’esquisse du projet du lancement du paiement mobile.

L’autre facteur qui permet aux startups de réussir dans un pays est de profiter du développement de la digitalisation des services publics comme de l’éducation nationale par exemple. Malheureusement, en Algérie, les pouvoirs publics sont très archaiques en matière de digitalisation. L’école algérienne utilise peu, très peu les technologies de l’information et de la communication (TIC). Ce qui torpille les efforts de développement des startups algériennes.

Restons en Afrique. Au Ghana, Adrien Bouillot, ancien étudiant de SciencesPo Paris, et Miora Randriambelom, ont co-fondé Chalkboard Education, une plateforme d’e-learning pour les écoles et universités accessible sans internet (SMS et USSD). En Côte d’Ivoire, Etudesk permet quant à elle à n’importe qui, professeurs, écoles, de créer simplement leur propre plateforme d’e-learning et de toucher leur communauté. Wi-Connect contribue à démocratiser l’accès à internet en installant des bornes wifi en Angola qui permettent un accès gratuit en échange d’interactions avec une publicité en ligne ciblée. Ces idées ont permis le développement de ce qu’on appelle l’éducation digitale ou l’EdTech. En Algérie, ces idées sont encore irréalisables parce qu’Algérie Télécom continue de monopoliser la commercialisation de l’accès à internet et les écoles ou universités algériennes sont centralisées et ne disposent d’aucune autonomie pour décider d’allouer des budgets à des projets innovants. Les belles paroles, c’est bien. Mais les actes concrets et sérieux, c’est mieux. Voila ce qui manque réellement à l’Algérie pour se doter de startutps innovantes.

 

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