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mardi, avril 23, 2024

Après avoir écarté Total, où Sonatrach va-t-elle trouver les 3 milliards de dollars pour racheter les actifs d’Andarko en Algérie ?

Le dossier Anadarko s’enlise en Algérie. « Occidental nous a officiellement dit que nous ne pourrions pas acquérir les actifs en Algérie », a indiqué, mardi 5 mai 2020, Patrick Pouyanné, Pdg du groupe Total, lors d’une conférence téléphonique avec des analystes à l’occasion de la présentation des résultats trimestriels. 

Total est donc bloquée en Algérie et ne peut pas achever son opération d’acquisition des actifs d’Anadarko en Algérie comme le prévoit l’accord signé avec l’Américain Occidental Petroleum. Cet accord signé le 5 mai 2019 permet à Total d’acquérir pour un montant de 8,8 milliards de dollars pour tous les actifs pétroliers et gaziers d’Anadarko en Algérie, au Ghana, au Mozambique et en Afrique du Sud. A l’époque, Occidental Petroleum finalise une OPA sur Andarko pesant sur le continent africain 1,2 milliard de barils de réserves prouvées et probables, dont 70% de gaz, ainsi que 2 milliards de barils de ressources long terme de gaz naturel au Mozambique.

En Algérie, les blocs concernés sont les 404a et 208 avec une participation de 24,5% dans le bassin du Berkine (champs d’Hassi Berkine, Ourhoud et El Merk) dans lesquels Total détient déjà 12,25%. En 2018, la capacité de production de ces champs a été de 320 kbep/j de pétrole.

Officiellement, ce sont les autorités algériennes qui ont bloqué la transaction entre Anadarko et Total au nom du droit de préemption qui accorde à l’Etat algérien la priorité de racheter toutes les parts des entreprises étrangères ou algériennes qui sont mises en vente sur son territoire national. La compagnie nationale Sonatrach devait ainsi exercer son droit de préemption, avait annoncé en décembre 2019 le ministre de l’Energie, Mohamed Arkab.

Mais aujourd’hui, l’Algérie comme la Sonatrach fait face à une très dangereuse crise économique et financière en raison de l’effondrement des prix du baril du pétrole. Durant les deux premiers mois de l’année 2020, les exportateurs algériennes en hydrocarbures ont reculé de plus de 28 % ce qui représente un énorme manque à gagner pour l’Algérie en général et Sonatrach en particulier. Durant le premier semestre de l’année 2020, le recul des exportations algériennes en hydrocarbures risque de dépasser les 40 % pour flirter avec les 50 % à cause des effets désastreux de la pandémie du COVID-19. Cela signifie que Sonatrach accusera des pertes évalués en plusieurs milliards de dollars.

Chaque année Sonatrach exporte entre 33 à 35 milliards de dollars en hydrocarbures. Cette année 2020, les exportations ne dépasseront pas les 20 milliards de dollars à cause de la paralysie économique provoquée par la pandémie du coronavirus COVID-19 sur les marchés mondiaux. Certaines prévisions établissent les exportations algériennes en pétrole et en gaz à moins de 15 milliards de dollars d’ici la fin de l’année 2020.

La situation est donc claire et nette : Sonatrach va manquer cruellement d’argent au cours de cette année et devra réduire ses charges pour affronter la crise qui risque de se prolonger dans le temps. D’ores et déjà, le gouvernement a imposé à Sonatrach un plan d’austérité strict. Le 23 mars dernier, Sonatrach a été sommée par le gouvernement algérien de « réduire de 14 à 7 milliards de dollars » son budget de fonctionnement et ses frais d’exploitation ou d’investissements.

Dans ce contexte, Sonatrach ne peut pas procéder au rachat des actifs d’Andarko. Il lui faudra sortir de sa tirelire l’équivalent de 3 milliards de dollars pour prendre la place de Total dans cet accord mondial signé en mai 2019 entre Total et l’Américain Occidental Petroleum. Si Sonatrach sort maintenant cet argent, elle prendra un risque suicidaire dans une conjoncture qui lui est totalement hostile. Il aurait été beaucoup plus judicieux de négocier un accord intelligent avec Total pour préserver les deniers publics et les précieuses devises dans ce contexte international hyper-compliqué. Le dossier Anadarko risque d’aggraver encore davantage les déficits de l’économie algérienne si de mauvaises décisions sont prises dans les jours à venir.

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