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mardi, avril 23, 2024

Algérie : Pourquoi ne pas taxer les cigarettes au lieu de taxer les carburants ?

L’introduction des nouvelles taxes et la révision à la hausse des impositions appliquées aux produits pétroliers dans la loi de finances complémentaire de 2020 va provoquer une augmentation des prix de l’essence et du gasoil dans les prochaines jours en Algérie. Une augmentation qui touchera de plein fouet les ménages algériens très dépendants de l’utilisation des voitures.

Il faut savoir qu’il y a pas moins de 6.4 millions de véhicules en Algérie. Le parc automobile algérien est composé de 4 151.041 véhicules de tourisme (64.68% du chiffre total), 1.204 552 camionnettes représentant 18.77%; 421.689 camions (6.57%), 164.477 tracteurs agricoles et 139.780 motos représentant respectivement 2.56% et 2.18% du nombre total de véhicules. D’autres engins font également partis du parc auto soit 154.243 remorques (2.40%), 87.968 auto-bus (1.37%), 87.169 tracteurs routiers (1.36%) et 7.293 véhicules spéciaux (0.11%).

Les propriétaires de ces voitures ou engins roulants vont devoir ainsi payer encore plus cher le prix du gazoil et de l’essence. Naftal, la société nationale de distribution des carburants, annoncera prochainement les nouveaux tarifs à la pompe après l’adoption définitive de la loi de finances complémentaires (LFC) 2020. Mais, on peut d’ores et déjà établir une prévision concernant l’impact sur les prix des carburants de ces nouvelles augmentations des prix.

La LFC-2020 prévoit ainsi une taxe de 1 500 dinars (12 $) par hectolitre (équivalent à 100 litres) pour l’essence super, et 1 600 dinars par hectolitre pour l’essence normal et sans plomb. Pour ce qui est du diesel, une taxe de 700 dinars par hectolitre est proposée. Tandis que le gaz propane liquéfié utilisé comme carburant est exempté de ces frais.

Ainsi, les coût de l’essence connaîtra une hausse 2,38 dinars. Le prix de l’essence normal sera de 41,32 dinars au lieu de 38,94 dinars (+6,1%). L’essence super coûtera 44,35 dinars au lieu de 41,97 dinars (+5,7%). Quant à l’essence sans plomb, son prix passera à 44 dinars au lieu de 41,62 dinars (+5,7%). En outre, les prix du diesel vont connaître une flambée de 3,57 dinars. Le prix du litre du gasoil  grimpera de 23,06 dinars à 26,63 DA. Soit une augmentation de 15,5%.

Avec ces nouvelles augmentations, les autorités espèrent récupérer de nouvelles recettes budgétaires en cette période de crise financière provoquée par la pandémie du COVID-19. Mais combien de recettes seront récupérées plus exactement ? Pour l’heure, personne ne le sait car le gouvernement algérien n’a dévoilé aucune prévision. Ceci dit, ces augmentations ne devraient générer des sommes considérables car en 2018, l’Etat algérien avait appliqué également une augmentation des prix des carburants qui a généré des recettes supplémentaires de plus de 60 milliards DA, à savoir à peine 500 millions de dollars. Ce qui ne permet guère de soulager les déséquilibres financiers de l’Etat algérien.

En revanche, les millions de citoyens qui possèdent un véhicule verront leur portefeuille se vider encore davantage. Et pourtant, il y avait une autre solution pour que l’Etat puisse gagner plus d’argent sans taxer les carburants. Cette solution consiste à taxer les cigarettes et le tabac en Algérie.
1,5 milliard de cigarettes sont produites annuellement en Algérie, alors que la moyenne de consommation individuelle est de 17 cigarettes par jour. Le taux du tabagisme en Algérie dépasse les 15% de la population, avec 8% en milieu scolaire. Ces chiffres sont nettement en deçà de la réalité car le tabagisme n’est pas encore cerné de manière très précise en Algérie. Néanmoins, une seule certitude est démontrée sur le terrain :  le tabac est responsable de 15 000 décès d’Algériens chaque année.
L’Algérie a imposé auparavant des hausses de prix entre 100 à 150% du prix du paquet entre 2015 et 2018.  A la fin de l’année 2014, le paquet de cigarette a augmenté de 10 à 15 DA, établi entre 70 et 150 DA en fonction de la marque du paquet.
Mais malgré ces hausses successives, le tabac en Algérie est l’un des moins chers au monde. En Algérie, le prix moyen d’un paquet de cigarettes est de moins de 2 euros alors que dans les pays occidentaux, ce prix varie entre 5 et 10 euros le paquet.
Or, dans ces pays développés, la hausse des prix du tabac a rapporté énormément de recettes budgétaires à l’Etat. En France, par exemple, l’augmentation de la fiscalité sur les produits du tabac a permis de prélever 900 millions d’euros de plus en 2018. Au total, en France, les taxes sur les tabacs ont rapporté près de 13 milliards d’euros (hors TVA) en 2018 contre 11,9 milliards en 2017. Ce qui représente une énorme manne financière pour l’Etat français.
L’Algérie pourrait s’inspirer de ce modèle en cette période de crise financière. Au lieu de taxer les carburants largement utilisés par tous les Algériens, elle pourrait se rabattre sur les cigarettes et imposer de nouvelles augmentations aux prix des paquets de cigarettes.

De ce fait, les invétérés de la cigarette devront se préparer à payer le paquet de cigarettes plus cher. Il est à noter que l’accessibilité des prix du tabac en Algérie nourrit un véritable trafic international. Les cigarettes algériennes sont largement demandées et recherchées en France où un paquet de Malboro est exporté illégalement France pour 7,48 USD alors qu’en Algérie, il coûte 1,91 USD.

L’Algérie est la première source de trafic de cigarettes vers la France, selon le rapport annuel du think-tank britannique Royal United Services Institute (RUSI). Selon la même source, les cigarettes en provenance d’Algérie représentaient 31% du flux illégal de cigarettes en direction de la France en 2016. Le trafic de cigarettes « légalement fabriquées en Algérie » vers la France représentait en 2016 près de 3,19 milliards de cigarettes, soit une augmentation de 300% par rapport à l’année 2012, sur laquelle le volume de ce trafic était de 1,08 milliards de cigarettes, selon le rapport. Les sommes qui échappent au fisc algérien sont tout simplement affolantes et difficiles encore à évaluer.

Les autorités algériennes devraient donc chercher de nouvelles recettes financières au niveau de ce trafic à large échelle. En taxant les cigarettes, l’Algérie mettra la main à plusieurs centaines millions d’euros. Mais au lieu de cela, nos autorités cherchent la facilité et s’attaquent directement aux poches des automobilistes.

 

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